Ceyreste fête saint Blaise

Le dimanche qui suit le 3 février, jour de la saint Blaise, le village de Ceyreste fête son saint patron. Une fête qui suit un rituel déjà bien établi au XVIIIe siècle et peut-être même antérieurement, qui n’est pas sans lien avec l’abbaye de Saint Victor et la fête de la Chandeleur.
« La veille de ce jour l’on bénit des cierges et de l’huile. Le lendemain un prêtre tenant dans ses mains deux cierges en sautoir et placé sur le marchepied de l’autel de saint Blaise touche au cou tous ceux qui se présentent en disant : Meritis et precibus B. Blasii atque pontificis liberet te Deus a morbo gutturis [que par les mérites et les prières du bienheureux évêque Blaise, Dieu te délivre du mal de gorge]. La foule est quelquefois si grande que l’on est obligé d’avoir un second prêtre au maître-autel (…). Après les Vêpres du jour il y a, comme ailleurs, les prix et les danses. »[1] Voici le rituel de la Saint Blaise à Ceyreste, interrompue à la Révolution, mais qui reprit à l’identique vers 1820, quand l’église de Ceyreste fut rattachée à la paroisse de La Ciotat[2]. Et elle se poursuit jusqu’à nos jours. C’est un des moments festifs de l’année, en plein hiver (saint Blaise est un des quatre saints qualifiés en provençal de « fortes têtes » car prometteurs de froidure). Comme pour nombre de fêtes patronales, le maire de Ceyreste, souvent accompagné de celui de La Ciotat, offre une gerbe à l’église et participe à la procession avec attelages portant la statue de saint Blaise et sa bannière sur le trajet aller et retour de l’église à la place de la mairie où les chevaux sont bénis avant l’office. Les autorités du village assistent ensuite à la messe. Officiels, conducteurs de chevaux, chanteurs et musiciens, enfants du village, revêtent le costume provençal.
A la fin de la messe, devant le maître autel et le reliquaire de saint Blaise, le célébrant présente au cou de chaque fidèle deux cierges rouges (couleur du martyre) entrecroisés et prononce les paroles de protection contre les maux, en particulier ceux de gorge (le rituel figure au Livre des Bénédictions). Musique et chants dédiés à saint Blaise et à la Provence accompagnent ce long défilé. Puis tous remontent vers la place de l’hôtel-de-ville pour assister à des démonstrations de danses folkloriques (celle des « cordelles » tisse des rubans colorés autour d’un mât).
Des brioches rondes garnies de grains d’anis sont distribuées contre une aumône (ces « torques » sont préparées par le boulanger exclusivement à cette occasion, il n’y en a jamais assez).
L’église, les rues et les devantures du village sont décorées de fleurs de papier et de fanions aux couleurs jaune et rouge de la Provence et de somptueux bouquets de mimosa juste éclos.
On ne sait pas à quelle date le patronage de saint Blaise a été adopté pour l’église de Ceyreste dont la titulature est la Transfiguration (une belle copie du XVIIIème siècle de ce sujet d’après Raphaël se situe dans le chœur). Ce choix est attribué au curé Blaise Icard (1686-1733) mais peut avoir un rapport avec l’abbaye de Saint-Victor, qui possédait la seigneurie de Ceyreste et où se pratique également le 3 février, quoique plus discrètement, la « bénédiction des gorges ». Les cryptes de Saint-Victor comportent une chapelle Saint-Blaise du XIIIème siècle ornée d’un retable sculpté (Saint Blaise et saint Laurent, vers 1690).
La dévotion à saint Blaise, évêque de Sébaste en Cappadoce (Asie Mineure), martyrisé et décapité au IVème siècle pour avoir refusé de sacrifier aux idoles, est très répandue, en Provence et bien au-delà. Selon la tradition, il procure plusieurs bienfaits : guérison des maux de gorge à l’exemple d’un enfant qu’il a sauvé d’une arête qui l’étouffait, protection des animaux qui le rejoignaient dans son ermitage, apparition de la pluie ; il est patron des cardeurs, car un peigne de fer a été l’instrument de son martyre, et des agriculteurs, également fêté par les églises orthodoxe et arménienne.
Dans l’église de Ceyreste, il est représenté en buste (XVIIIème siècle), en pied (statue de bois offerte par l’impératrice Eugénie en 1860 et bénie par Mgr de Mazenod), en vitrail (offert en 1867 par le curé Bousquet qui y figure en donateur), et par son reliquaire doré (1897).
Même si la fête ne s’étale plus sur deux jours et que le dimanche matin ne retentit plus des coups de fusils de la « bravade » pour réveiller la population comme autrefois, la « Saint Blaise » est bien la fête d’un patron protecteur de la communauté d’habitants, certes teintée de la nostalgie d’un monde perdu mais échappant pour quelques heures à la laïcisation de la société et mêlant les générations des anciens et nouveaux Ceyrestens.
Elisabeth Mognetti, commission diocésaine d’art sacré, avec la collaboration de Christiane Dorn et Pierre Péron.
A lire : Les Fêtes en Provence autrefois et aujourd’hui, sous la direction de Régis Bertrand et Laurent-Sébastien Fournier, Presses Universitaires de Provence, Open Editions Books : 9-12-2020.
[1] Cl.-F. Achard, Description historique, géographique et topographique des villes, bourgs, villages et hameaux de la Provence ancienne et moderne …, Aix-en-Provence, 1787, p. 442-443.
[2] Comte de Villeneuve, Statistique du département des Bouches-du-Rhône, tome second, Marseille, 1824, p. 840.
Entre foi et superstition
Regard du frère Antoine Odendall, responsable du Service de la liturgie du diocèse, sur les traditions telles que celle des cierges de la Saint Blaise et autres manifestations de piété populaire.
La fête de la Saint Blaise est une coutume ancienne et vénérée dans plusieurs régions d’Europe, en l’honneur de cet évêque et martyr du IVe siècle, qui aurait sauvé un enfant étouffé par une arête de poisson en posant deux cierges croisés sur sa gorge.
De telles pratiques peuvent sembler étranges sous nos latitudes cartésiennes. Il est parfois gênant de voir des personnes venir en procession devant des objets qu’aucun médecin ne valide comme efficaces. Il est important de bien comprendre ces pratiques. La dévotion devient superstition lorsqu’il y a une confiance dans l’élément matériel comme dans un médicament. On pourrait s’étonner de voir quelqu’un réduire en poudre des morceaux de cierges bénis pour en faire une potion pour la gorge. De même, il serait surprenant de voir une personne entrer en transe lorsqu’on touche sa gorge avec les cierges, reproduisant un schéma occulte qui n’a rien de chrétien : la maladie partirait de la gorge dans la cire, puis serait brûlée et disparaîtrait.
Ce n’est donc pas le cierge en tant que tel qui guérit, mais le cierge comme témoin de la lumière du Christ. On s’approche en procession non pour un contact avec un objet magique, mais pour poser un acte de foi à travers une démarche corporelle.
Il y a donc deux excès à éviter. Le premier est de pratiquer toutes les dévotions et pratiques de piété sans discernement, tant qu’il y a de la ferveur. On risque alors de blesser la foi de ceux qui font ces démarches, mais aussi de ceux qui les observent. Le deuxième est de brimer l’expression de la dévotion populaire et de se limiter strictement aux sept sacrements. Le Christ nous a parlé par une grande diversité de signes et de langages, et il continue à nous rejoindre de diverses façons dans la liturgie et la dévotion populaire.
On peut s’approcher sans rougir des cierges de la Saint Blaise tant qu’on se souvient que c’est le Christ qui protège et sauve de la maladie. Les cierges, les images, les statues, etc., sont les occasions que Dieu prend pour nous rejoindre, elles ne tirent d’elles-mêmes aucune efficacité. Il convient de ne pas « en faire trop » dans des liturgies de ce type, de même qu’il convient « d’en faire assez » lorsque l’on va communier. Car si les cierges de la Saint Blaise ne sont pas des objets précieux ou magiques, la sainte Eucharistie est la présence réelle de notre Sauveur, son corps livré, son sang versé. Il serait trop facile de critiquer la dévotion populaire parfois trop expressive sans faire l’effort de s’approcher des sacrements avec l’expression qui convient.
Crédit photo Christiane Dorn
À retrouver dans le numéro de février 2025 de la revue Eglise à Marseille.
Publié le 03 février 2025 dans A la une
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