Des « urgentistes de l’Espérance » 

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Le service catholique des funérailles (SCF) existe depuis plus de dix ans à Marseille et a accompagné près de 3 000 familles depuis son lancement. Un accompagnement qui cherche à témoigner de la tendresse de Dieu. Explications avec Pierre Destais, directeur du SCF à Marseille.

Qui sont les familles qui ont recours au Service catholique des funérailles ?

Dans l’ensemble, nous recevons une majorité de familles chrétiennes qui sont, soit des chrétiens convaincus et souvent très pratiquants, soit des chrétiens qui pratiquent moins ou ont pris leurs distances avec l’Église mais reconnaissent néanmoins qu’elle est porteuse d’une parole de vérité et de consolation au moment de la mort. Ces personnes se tournent alors spontanément vers l’Église pour y faire célébrer les funérailles. Nous accompagnons aussi des familles dont le défunt a eu une pratique religieuse importante et dont ils veulent honorer la mémoire en venant nous voir, ou encore quelques familles athées qui ont recours à nos services, non par conviction personnelle mais parce qu’elles ont entendu parler de notre délicatesse dans l’accueil et qu’elles souhaitent en bénéficier même si elles ne partagent pas notre foi.

Je constate que, pour tous, chrétiens comme non chrétiens, il y a un sentiment diffus que tout ne s’arrête pas au moment de la mort, que quelque chose subsiste. Pour moi, cette espérance en la résurrection est vraiment inscrite au fond de la nature humaine, même si tout le monde ne met pas les mêmes mots dessus. L’Église vient éclairer ce sentiment diffus et vient révéler ce qui se passe réellement au moment de la mort et après la mort.

 

Comment accueillir cette diversité de familles dans ce moment si particulier du deuil ?

Nous nous questionnons sur la façon de les accueillir au mieux et de présenter un visage d’Église sans pour autant brusquer leur sensibilité ou avoir recours à des arguments d’autorité. C’est un moment délicat mais c’est aussi l’une des grandes questions pastorales de l’Église de France et plus largement de l’Église tout entière. Comment annoncer le Christ dans un monde sécularisé, qui a pris ses distances avec les questions religieuses ? L’athéisme est un phénomène récent dans l’Histoire puisque toutes les sociétés ont toujours été religieuses. Nous essayons d’allier accueil respectueux du choix de chacun, et annonce de la tendresse de Dieu, tout en essayant d’avoir la même délicatesse, le même sens de l’accompagnement pour chacun, croyant ou non-croyant. Certains nous demandent s’ils doivent fournir un certificat de baptême pour venir chez nous. Il y a parfois cette peur de ne pas cocher les cases ou d’être rejeté contre laquelle nous luttons, bien-entendu.

 

Quel accompagnement spécifique vous proposez par rapport à des pompes funèbres classiques ?

Nous sommes une équipe salariée, évidemment, mais nous confions une partie de nos missions à des bénévoles, ce que notre statut coopératif permet. C’est une force car cela permet de manifester une dimension de gratuité dans l’accueil. Nous ne recevons pas des « clients » mais d’abord des « familles ». Elles ne représentent pas pour nous une valeur ajoutée ou un chiffre d’affaires potentiel mais des personnes en souffrance, qui ont besoin d’aide, d’écoute, d’attention. Nous enracinons notre accompagnement dans la charité chrétienne que nous essayons de vivre en actes. Par conséquent, nous prenons de la distance par rapport aux questions financières. Nous ne sommes pas commissionnés sur les funérailles et laissons les personnes parfaitement libres de choisir le parcours d’obsèques qui leur ressemble. Nous avons plutôt tendance freiner les personnes dans leurs frais, car elles voudraient témoigner de leur affection par des dépenses importantes. Préserver cette liberté par rapport à la question financière et commerciale est important, surtout dans un moment douloureux, où les personnes sont dans une situation de vulnérabilité et doivent être protégées. Notre politique financière est transparente : nous n’avons pas d’intérêt personnel à faire des obsèques chères et nous essayons de proposer l’accompagnement le plus raisonnable possible, pour qu’en même temps, tous ceux qui participent à l’organisation des obsèques et dont c’est le travail soient rémunérés justement.

 

Dans votre nom, il y a « catholique » : comment cette dimension se vit-elle concrètement auprès des familles ? Est-ce que vous leur parlez des sacrements, de communion des saints, de vie après la mort ?

Tout d’abord, cette dimension « catholique » se vit dans nos cœurs parce que nous sommes tous, salariés et bénévoles, catholiques engagés et convaincus. Chaque jour, nous prenons un temps de prière en équipe et nous confions au Seigneur toutes les personnes qu’Il nous envoie et celles qu’Il nous enverra. Nous proposons aux familles des moments de prières spécifiques, la cérémonie de l’« adieu au visage » avant la fermeture du cercueil et aussi des temps de recueillement au cimetière ou au crématorium. Nous suivons, pour cela, le rituel proposé par l’Église, composé à la fois de prières, de psaumes, de lectures, parfois de chants avec des petites « catéchèses » qui viennent éclairer cette épreuve de la mort. Nous essayons de les développer avec pédagogie pour les rendre audibles à tous. Si on se met à faire de grands discours doctrinaux au moment de la fermeture du cercueil, nous risquons de ne pas rejoindre toutes les familles dans ce qu’elles sont en train de vivre ; nous essayons toujours d’ouvrir la voie à une dimension catéchétique éclairante et apaisante. Parfois nous recevons des appels de personnes dont les proches sont en fin de vie et souvent, nous leur proposons de prendre contact avec un prêtre afin de recevoir les derniers sacrements, pour bénéficier d’un accompagnement complet de l’Église vers le dernier passage.

 

Comment cette dimension catholique est-elle perçue justement par les familles qui viennent vous voir ?

Pour certains, c’est une identité : « Nous sommes catholiques, donc nous allons au service catholique des funérailles ». Pour d’autres, c’est un gage de bon accueil et de sécurité : « Nous serons bien reçus, nous avons confiance ». Pour d’autres encore, cela peut être un frein qu’il va falloir lever en expliquant que nous ne sommes là ni pour juger ni pour contrôler que chacun coche bien les cases. Ce qui est assez étonnant, c’est qu’on oublie le sens premier de « catholique », c’est-à-dire « l’universalité », offert à tous. « Catholique » n’est ni une étiquette ni un club fermé dans lequel il serait difficile d’entrer, c’est plutôt une vocation, un appel, qui nous pousse à être témoins de la miséricorde de Dieu pour tous.

 

Votre slogan est « Accompagner la mort pour servir la vie » : quel lien faites-vous entre la mort et la vie ?

Cette phrase exprime que notre but profond est de servir la vie et donc le Christ qui est « le chemin, la vérité et la vie ». Tous les salariés et les bénévoles sont dans ce service, non pas par un amour immense du métier, qu’on peut aimer bien sûr, mais d’abord par désir de servir le Christ dans le domaine des funérailles. C’est donc pour servir la vie que nous accompagnons la mort, dans ce soin apporté au défunt, dans la préparation de son corps, dans l’habillage, dans les rites. C’est aussi accompagner la vie… de ceux qui restent et sont en deuil, en les soulageant de toute l’organisation administrative ou logistique qu’un décès implique, et en demeurant à leur côté, eux qui sont frappés par cette mort mais sont bien vivants et doivent continuer à vivre.

À l’image du Christ consolateur, nous nous mettons à leur service, « main dans la main » pour faire un bout de chemin, parfois un peu avant, pendant les jours qui entourent le décès et quelques jours après la mort pour leur permettre de ne pas rester « enfermés » dans cet évènement de la mort.

Dans les homélies d’obsèques, il est souvent rappelé que, pour un chrétien, la mort est comme une « pâque », c’est-à-dire un passage. Mais je pense qu’elle est aussi une « pâque » pour les vivants dans laquelle ils vont pouvoir reconnaître le Christ. Symboliquement, ils vont être comme ensevelis avec Lui dans la douleur pour ressusciter ensuite dans une forme de paix retrouvée après les funérailles, après le temps du deuil.

Notre rôle est d’être des facilitateurs de ce passage, pour que personne ne reste enfermé dans cette douleur que cause la mort et que chacun goûte à cette vie que le Seigneur donne. « Moi, je suis venu pour qu’ils aient la vie et pour qu’ils l’aient en abondance » (Jn 10,10). Nous essayons d’être les vecteurs de cette volonté de Dieu de donner la vie à son peuple, d’être des témoins particuliers de la tendresse de Dieu.

Propos recueillis par Sophie Lecomte

Crédit photo: service catholique des funérailles

Dossier à retrouver dans le numéro de novembre d’Eglise à Marseille 

 

Publié le 28 octobre 2024

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