« Dieu a mis des pépites dans ces quartiers »

Accueillie par le diocèse, l’association Massabielle voit le jour en 2001 et s’installe dans la cité des Lauriers dans les quartiers Nord. Activités de rue pour les enfants, visites des familles et des personnes isolées, camp de vacances pour les jeunes et groupe de partage de femmes : l’association veut être une halte de paix dans un quartier stigmatisé et marqué par la violence. Ses membres s’activent au quotidien pour être des artisans du rapprochement entre le centre-ville et les « périphéries ».
« Massabielle » à Marseille c’est une histoire vieille de plus de vingt ans ! Ce sont aussi des quartiers: la cité des Lauriers dans la 13è arrondissement ou encore la Belle de Mai, des lieux mal-aimés et imprégnés de violence : violence intrafamiliale, violence du quartier, violence du trafic, et une violence plus invisible, « celle du regard que les gens portent sur les habitants ». Mais plus qu’un lieu, Massabielle ce sont avant tout, des visages ; celui d’Aymeric et Christine O’Neil d’abord. Ils ont fondé l’association avec l’envie de poursuivre ce qu’ils avaient initié au Brésil auprès des plus fragiles et des plus précaires. Il y a aussi celui du président actuel Gonzague de Fombelle. Ingénieur dans les travaux publics, il a aussi une longue expérience auprès du réseau Saint-Laurent et dans la diaconie du Var. Mais Massabielle, ce sont surtout tous les visages de ces habitants, enfants, ados ou parents, rencontrés aux abords de la Maison Bernadette (quartiers de Lauriers) et de La Source (Belle de Mai). « Nous avons la conviction intime qu’au fond d’eux il y a un trésor qui échappe au monde, parce qu’ils sont dans des quartiers stigmatisés, décrit Gonzague. Beaucoup sont touchés par des problématiques de vie très difficiles qui éteignent en eux la lumière et notre mission, c’est de faire renaître cette lumière. C’est pour cela que nous nous appelons Massabielle, qui signifie « vielle roche » en patois, c’est la grotte de Lourdes orientée plein nord, un lieu qu’a choisi la Vierge Marie pour apparaître à la petite Bernadette. Donc oui il y a eu une lumière au cœur de cette grotte sombre et c’est notre intention, ici, à Marseille de révéler ces lumières qui existent dans des zones, où, a priori, le soleil ne rentre pas ».
Parmi ces visages, il y a Tata Yoyo, une « personnalité » aux Lauriers. Elle habite le bâtiment E de la cité. D’origine haïtienne, c’est une femme de caractère qui dispose d’une bonne dose de courage avec une grande part de générosité. Elle se lève tous les matins à 5 heures pour faire des ménages. Gonzague se souvient de son accueil quand il est venu pour la première fois aux Lauriers. Elle lui avait laissé son lit pour et dormait dans le salon. C’est la « tata » des jeunes du quartier, qui aiment prier avec elle.
L’association accueille en priorité les enfants et les jeunes en proposant du soutien scolaire, des jeux, des activités ludiques et sportives. Des groupes de partage de femmes se réunissent aussi régulièrement à la Maison Bernadette. Plus récemment et en lien avec l’actualité, l’association développe des programmes de lutte contre la souffrance psychosociale.
Massabielle a grandi avec « ses enfants »
Au fil des années, Massabielle a grandi et s’est développée au rythme des enfants qu’elle a accompagnés. Les écoliers sont devenus des collégiens, puis des lycéens et sont entrés dans l’âge adulte. Dans le sillage de l’association, sont nés l’école Cours Ozanam , puis Massajobs, pour accompagner vers l’emploi. Gonzague de Fombelle aime à rappeler que le projet de Massabielle repose sur le trépied, paix, fraternité et talent : « paix parce qu’elle est nécessaire dans des quartiers marqués par la violence. Fraternité parce que c’est en étant frères les uns des autres, qu’on peut vivre ensemble car on ne peut ignorer son frère. Et talent pour rappeler aux personnes qu’on rencontre qu’elles ont du prix et qu’elles ont toutes quelque chose en elles dont on a besoin. Je me souviens d’une petite mamie qui vient aux repas partagés, elle ne fait rien d’autre qu’être là avec son sourire et c’est très beau qu’elle vienne jusqu’à nous et nous amène ce sourire. Dieu a mis des pépites dans ces quartiers ».
Au cours de ces années auprès des plus pauvres, Gonzague de Fombelle s’est appuyé sur cette phrase de l’Evangile, « Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits » (Mt 11, 25-27). « Je m’appelle Gonzague de Fombelle, mon nom déjà c’est tout un programme pour les gens des quartiers, plaisante-t-il J’ai fait des études longues alors on pourrait dire que je suis du côté des « savants ». Pourtant j’ai découvert auprès de ces personnes modestes, des forces et des sagesses de vie qui m’échappent complétement et c’est ma joie de m’en nourrir et d’y voir l’œuvre de Dieu ».
Le directeur de Massabielle a donc à cœur de témoigner et de faire en sorte que la parole des plus pauvres soit reçue et entendue lors des Assises œcuméniques de la diaconie. « L’enjeu n’est pas tant de nous réunir pour servir que de servir ensemble et c’est ça qui va nous unir. Pour moi, c’est ça la diaconie, c’est fondamentalement croire que dans le plus pauvre que je sers, il y a quelque chose du Christ qui se révèle et quelque chose du message de Dieu pour le monde. Cela veut dire que nos actions doivent être organisées et pensées pour que les plus pauvres se sentent en situation de pouvoir s’exprimer et de pouvoir avoir voix au chapitre. Il faut qu’ils puissent se sentir à l’aise pour témoigner et donner leur avis ».
Gonzague de Fombelle attend désormais de ces Assises qu’elles puissent donner naissance à un service œcuménique de la diaconie ou un groupe dans lequel les plus pauvres pourraient faire entendre leur voix. « Je pense qu’à Marseille, c’est comme l’aïoli on a tous les ingrédients et il faut le bon coup de fourchette pour que ça prenne, illustre-t-il. J’aimerais bien que ces Assises soient ce coup de fourchette qui permette à la parole des plus pauvres de nourrir nos Eglises. Sans la parole des pauvres, c’est sûr qu’il manque quelque chose ».
SL
Crédit photo Association Massabielle
Retrouver le dossier sur la Diaconie dans le numéro de novembre d’Eglise à Marseille
Ces articles peuvent vous intéresser
Débat sur la fin de vie
Dans le diocèse de Marseille, la clinique Sainte Elisabeth, spécialisée dans les…
Endoume : l’accueil des plus fragiles
Inauguré et béni par le cardinal Jean-Marc Aveline, en mai 2024, « la…
Assises de la diaconie : s’unir pour servir
A l’initiative du cardinal Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, et des autres…
en ce moment
à Marseille