Fidei Donum : des prêtres sans frontières
Le Père Alexandre Kono vient du diocèse de Garoua au Cameroun. Depuis trois ans, il est en mission à Marseille. Prêtre auxiliaire de la basilique du Sacré Cœur et délégué diocésain de la pastorale des funérailles, tout en poursuivant des études en parallèle, il est ce qu’on appelle un prêtre « fidei donum ». Pour Eglise à Marseille, il revient sur le sens de cette « mission universelle ».
Pouvez-vous expliquer en quoi consiste la mission d’un prêtre « fidei donum « ?
« Fidei Donum » signifie « la foi donnée ». Ce sont les deux mots latins qui ouvrent l’encyclique du Pape Pie XII du 21 avril 1957, dans laquelle il invitait les évêques à porter avec lui « le souci de la mission universelle de l’Eglise ». Cela se traduit par la prière, l’entraide et aussi la mise à disposition de certains de leurs prêtres pour servir au sein de diocèses d’autres continents. Quand un prêtre est ordonné, c’est pour le bien de son diocèse donc, quand il part ailleurs, c’est comme un cadeau fait à un autre diocèse. Concrètement, ici à Marseille, je sers comme prêtre à la basilique du Sacré Cœur et je suis aussi investi dans l’accueil des familles endeuillées. En parallèle, je suis « prêtre chercheur » et fais un master sur le dialogue interreligieux, qui pourrait déboucher sur une thèse en lien avec l’Université catholique de Lyon,.
Vous êtes Camerounais, envoyé à Marseille. Comment avez-vous réagi quand vous avez appris cette destination ?
Depuis tout petit, j’entends parler des villes françaises, Paris, Marseille… et c’est vrai que j’avais une affinité particulière pour Marseille parce que l’Olympique de Marseille a animé ma jeunesse. En 1993, l’OM remporte la ligue des champions, quel souvenir ! Donc, quand on m’a proposé de rejoindre ce diocèse, j’ai répondu avec beaucoup de joie et d’enthousiasme. Je découvre cette ville qui a marqué mon enfance, bien que je vivais à des milliers de kilomètres d’elle.
Être prêtre dans un autre diocèse que le vôtre, c’est une aventure humaine et spirituelle ?
C’est toujours très enrichissant de vivre d’autres expériences et découvrir d’autres approches et manières de voir la pastorale. Sur le plan humain, Marseille est une ville cosmopolite et je trouve que ce brassage des cultures et des personnes facilite la vie. Par exemple, je trouve qu’il n’y a pas beaucoup de racisme car il n’y a pas un peuple précis qui rejette les autres mais il y en a plusieurs qui s’entremêlent, ce qui donne un côté très humain à cette ville. Sur le plan spirituel, il y a aussi une grande diversité religieuse où plusieurs religions se côtoient du mieux qu’elles peuvent, que ce soient des religions monothéistes révélées ou des religions non révélées. Mais ce que je trouve encore plus beau à Marseille, c’est cette ouverture à d’autres croyants et je ne perçois pas d’intégrisme religieux au point de se fermer aux autres religions. C’est une grande force ici !
Qu’est-ce que cela vous a apporté sur le plan de la foi ?
Chez moi, au Cameroun, nous côtoyons au quotidien d’autres religions, notamment la religion musulmane qui est fortement implantée dans ma région et le dialogue est parfois difficile car chacun campe sur ses positions et adopte souvent une posture plutôt conservatrice. Depuis que je suis à Marseille, je vois autrement le « vivre-ensemble » car ici, on peut facilement partager ou échanger avec les musulmans. Ma mission m’a ouvert de nouveaux horizons dans le dialogue avec les autres. En ce sens, je peux vraiment dire que j’ai avancé dans ma foi et dans mon exercice pastoral aussi.
Une autre partie de ma mission à Marseille est d’accompagner les familles endeuillées. Au contact de ces familles, j’ai découvert de nombreuses sensibilités. Beaucoup de personnes sont croyantes mais pas pratiquantes et pourtant, elles insistent pour recevoir une bénédiction de la part de l’Eglise et sont très respectueuses pendant les moments de prière. Ces rencontres ont bousculé beaucoup de choses en moi et sont un peu comme une révélation. Le catholicisme, telle qu’il se vit chez moi au Cameroun, est plus rigide et certains sacrements sont ouvertement refusés à ceux qui ne pratiquent pas de manière régulière. Par exemple, dans certains endroits de la province ecclésiastiques d’où je viens, il était difficile de célébrer des obsèques pour un homme polygame. On ne peut pas dire de messe mais simplement une célébration. Ici, je découvre la force de la miséricorde et du pardon de Dieu. Désormais, j’aborde autrement la pastorale et cela me servira quand je rentrerai au Cameroun.
On parle beaucoup de la vitalité religieuse de l’Afrique , alors que, sur le continent européen, la société est davantage séculariséeEst-ce que vous vous sentez missionnaire ici ?
Nous sommes naturellement missionnaires par notre baptême et le Christ, lui-même, recommande d’annoncer le royaume des cieux partout où nous sommes. Donc Marseille, loin de chez moi, est effectivement pour moi un champ missionnaire dans lequel je dois sans cesse témoigner et annoncer le Christ. Être missionnaire à Marseille est un devoir parce que je ne peux pas me réclamer du Christ sans l’annoncer.
Que signifie pour vous la mission ?
La mission, c’est annoncer le Royaume de Dieu. C’est tout simple, il n’y a pas besoin de chercher plus loin.
Être prêtre « fidei donum »,c’est répondre à l’appel de Saint Paul (2 Cor 11, 28) qui invite à porter « le souci de toutes les Églises ». En quoi être prêtre venu d’ailleurs contribue à enrichir l’Eglise ici ?
Selon moi, ce « souci de toutes les Eglises », cette mission universelle devraient être un exercice permanent de l’Église. L’universalité ne peut se traduire en restant dans un vase clos. Il faut travailler à cette éclosion, pour partager et relire des expériences. Ala fin, qu’on aille à droite, à gauche, en haut, en bas, c’est toujours le même Christ qu’on annonce, dans différentes langues, oui, mais c’est une même parole et un même kérygme. L’universalité de l’Eglise prend alors tout son sens. Nous devons être vigilants à ne pas nous fermer ou nous installer dans la routine pour nous ouvrir aux échanges missionnaires. C’est vrai que c’est un travail difficile de devoir s’adapter à d’autres réalités mais si on reste ouvert aux appels de l’Esprit, alors tout devient possible.
Et demain, resterez-vous à Marseille ou rentrerez-vous au Cameroun ?
Dans ces échanges missionnaires, il y a des contrats signés par des évêques, qui peuvent être renouvelés en fonction des besoins. Mais je ne réfléchis pas à tout cela et me concentre sur ma mission ici, à Marseille. Ce sont aux évêques de décider si le besoin se fait plus sentir ici ou au Cameroun. Pour moi, rentrer dans mon pays sera toujours une joie mais j’ai aussi beaucoup d’amis etde famille à Marseille et j’aime beaucoup ce diocèse. C’est sûr que j’aurai un pincement au cœur quand je partirai. Je reste à la disposition de ceux qui dirigent la mission, en adéquation avec le devoir d’obéissance.
Propos recueillis par Sophie Lecomte
Publié le 19 décembre 2025
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