Héritiers de la Pentecôte juive

Sœur Anne-Catherine Avril, de la communauté de Notre-Dame-de-Sion, est décédée le 12 avril 2025. Elle avait préparé pour Église à Marseille un texte sur la pentecôte juive et la pentecôte chrétienne, que nous publions à l’occasion de la fête de Pentecôte en ce mois de juin.

Sept semaines et même cinquante jours après la Pâque juive (Pessah), voici la Pentecôte juive, ce 2 juin, appelée en hébreu Chavouot, qui signifie « les semaines ». C’est alors l’époque de la dernière moisson de l’année : la moisson de blé qui succède à la moisson d’orge de Pessah. Cette fête au début de l’été est d’abord une fête agricole. Le peuple juif y rattacha plus tard (IVe siècle) l’événement historique du don de la Tora (qui correspond à notre Bible) au Mont Sinaï.

A la synagogue on lit ce jour-là « les dix commandements » appelés « les dix Paroles ». On passe la nuit précédente en prière, relisant, étudiant plusieurs passages de la Bible (Ex 19-20/ Ruth). Au temps du Temple de Jérusalem, on apportait en procession tous les premiers fruits des champs. Avec musique, chants et danses. Grande était l’allégresse. Aujourd’hui dans les kibboutzim (villages communautaires principalement agricoles), on apporte les produits du travail agricole. Chaque secteur du travail est valorisé et les travailleurs chaleureusement remerciés. On fait défiler aussi les animaux… et les bébés nés dans l’année. Des danses et des chants font de cette célébration une fête extrêmement animée et joyeuse. Comme pour toute fête, des plats spécifiques sont consommés : on mange ce jour-là des laitages sucrés au miel, pour rappeler que les Paroles de Dieu inscrites dans la Tora sont agréables comme le lait et douces comme le miel.

Pentecôte chrétienne

 Cinquante jours après Pâques (« Pentecôte » signifie « 50 » en grec), les chrétiens célèbrent le don de l’Esprit Saint, venu sous forme de langues de feu sur les disciples de Jésus réunis avec Marie dans le lieu appelé le Cénacle. Ceci, d’après le récit des Actes des Apôtres, se produisit le jour de la Pentecôte juive. La Pentecôte apparaît donc comme un nouveau Sinaï. Révélation de Dieu dans une sorte d’ébranlement cosmique, le vent, le feu… Cet évènement se présente comme le contraire de ce qui s’est passé à la Tour de Babel (Gn 11) : les hommes cherchaient l’unité entre eux pour rivaliser avec Dieu. Celui-ci embrouilla leur langage et les dispersa sur la surface de la terre. A la Pentecôte, la différence des langues devient source d’unité et d’ouverture les uns aux autres. C’est l’œuvre de l’Esprit Saint.

D’une Pentecôte à l’autre

A Pessah, le peuple juif fait mémoire de la sortie d’Egypte, il célèbre le passage de l’esclavage à la liberté. Cinquante jours plus tard, à Shavouot, le don de la Tora est compris comme le passage de la servitude au service. Une liberté acquise par l’écoute et la mise en pratique de la Tora, la Parole de Dieu. Analogiquement, la Passion-Résurrection du Seigneur célèbre le passage de la mort à la Vie. Et cinquante jours plus tard, à la fête de la Pentecôte, la Pâque de Jésus atteint son sommet avec le don de l’Esprit saint, Esprit d’unité, de vérité et de liberté, qui renouvelle la face de la terre.

Sr Anne-Catherine Avril

crédit photo mosaique de Notre-Dame-de-la-Garde par Sophie Richer

A retrouver dans le numéro de juin 2025 de la revue Eglise à Marseille