Homélie de la messe de rentrée diocésaine 2024

« Tout cela est arrivé afin que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète : “Voici que le Vierge concevra et elle enfantera un fils ; on lui donnera le nom d’Emmanuel, ce qui se traduit : Dieu avec nous” » (Mt 1, 22-23).
C’est avec les mots du prophète Isaïe (cf. Is 7, 14) que l’évangéliste Matthieu nous introduit, frères et sœurs, dans le mystère de ce que nous célébrons aujourd’hui : une jeune femme, qui devait bientôt se marier avec l’homme qu’elle aimait, Joseph, porte en son sein un enfant qui ne vient pas de son futur mari. Celui-ci, ne voulant pas la faire montrer du doigt en la dénonçant publiquement, décide de « la renvoyer en secret ». C’est alors qu’un ange survient, pendant le sommeil de Joseph, pour lui expliquer ce qui se passe et lui donner une mission.
Ce qui se passe, c’est que Dieu, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, après avoir si longtemps accompagné son peuple dans les moments heureux et malheureux de son histoire, après l’avoir délivré de l’esclavage en Égypte et l’avoir fait entrer en Terre promise, après avoir conclu avec lui son Alliance et lui avoir donné sa Loi, après l’avoir ensuite secoué par les prophètes, lorsque le confort et la tranquillité lui avaient donné l’illusion d’une puissance autosuffisante, oublieuse des bienfaits du Seigneur, après lui avoir fait subir l’exil pour purifier son cœur et l’avoir fait revenir sur cette terre, pauvre et démuni, Dieu, en ces temps qui sont les derniers, a décidé d’entrer plus encore dans l’histoire humaine, d’y entrer lui-même tout entier et une fois pour toutes, d’engager tout ce qu’il est, Lui, Dieu, pour partager notre condition humaine, dans le dépouillement et la vulnérabilité, afin de nous sauver et de nous faire entrer dans la vie divine. L’ange résume tout cela en disant à Joseph : « L’enfant qui est engendré en elle [Marie], vient de l’Esprit Saint. » Et il lui confie une mission : « Elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1, 20-21).
Que ce mystère est grand, chers amis, qui met sous nos yeux ébahis et presque gênés, un Dieu si dépouillé qu’il a besoin, pour accomplir l’œuvre immense du salut, du consentement d’une jeune femme et de son futur époux, de Marie pour lui donner une chair, et de Joseph pour lui donner un nom ; de Marie pour que l’Esprit donne à des entrailles humaines de mettre au monde le Fils de Dieu, et de Joseph pour que l’Esprit donne à la lignée de David d’engendrer le Messie, l’enfant Jésus. Un enfant dont la gestation est toute une genèse (Matthieu reprend exprès ce mot) qui récapitule l’œuvre de la création pour réaliser l’œuvre de la rédemption !
Au seuil d’une nouvelle année pastorale, avec ses enthousiasmes et ses inquiétudes, avec ses projets et ses soucis, il est bon que nous méditions en nos cœurs ce mystère de grâce. L’oraison du début de la messe nous y a entraînés, rassemblant toutes nos prières en ces quelques mots : « Ouvre à tes serviteurs, Dieu très bon, tes richesses de grâce ; puisque la maternité de la Vierge Marie fut pour nous le commencement du salut, que la fête de sa nativité nous apporte un surcroît de paix. » L’année dernière, en cette même fête du 8 septembre, je me souviens que tous les bénévoles s’étaient réunis dans cette Cathédrale pour préparer leur cœur au grand événement des Rencontres méditerranéennes et de la venue du Pape. Et depuis, les peuples de la Méditerranée ont bien besoin de ce « surcroît de paix », alors que les guerres font rage sur ses rives et dans ses arrière-pays, de l’Ukraine à la Terre Sainte, du Liban au Soudan, des régions du Caucase aux pays du Sahel, sans compter les violences étatiques à l’intérieur de nombreux pays, qui restreignent les libertés, empêchent les mobilités et fourvoient la vérité. Plus que jamais, l’Église de Marseille, comme le lui a demandé le pape François, se doit de soutenir les artisans de justice et de paix.
Nous ne pouvons que nous réjouir de ce qui s’est développé depuis un an en ce sens et qui continue à porter du fruit : dans quelques jours, du 15 au 21 septembre, cinquante jeunes et quatorze évêques de Méditerranée vont se réunir à Tirana, en Albanie, comme ils l’avaient fait ici à Marseille. Un peu plus tard, du 25 au 28 septembre, les recteurs de sanctuaires mariaux de Méditerranée vont se retrouver à Medjugorje, dans le droit fil de ce qui avait commencé à Notre-Dame de la Garde l’année dernière, pour continuer de porter ensemble la mission des « lieux saints partagés », havres de paix sur les rives de cette mer agitée. Et à partir du mois de mars, un navire-école pour la paix, un beau voilier appelé le Bel Espoir, va sillonner la mer et ses cinq rives pendant toute l’année du jubilé, en partant de Barcelone et en arrivant à Marseille, afin de former à son bord, par petites équipes, plus de deux cents jeunes au service de la paix. Et bien d’autres projets ou réalisations que vous découvrirez dans le numéro de septembre de notre revue diocésaine.
Mais attention : qu’ils soient méditerranéens, diocésains, au niveau des doyennés ou des paroisses, les projets, c’est bien ; mais ce qui compte le plus, c’est la conversion des cœurs. Car le « surcroît de paix », s’il est donné par Dieu, a besoin de notre consentement le plus profond, comme il a eu besoin de celui de Marie et de celui de Joseph. Et la paix, frères et sœurs, commence dans nos cœurs, dans notre façon de vivre, dans les choix que nous faisons, ce à quoi nous disons « oui » et ce à quoi nous disons « non ». « Les vrais croyants font peu de bruit », disait Maurice Zundel. Plus on médite sur l’humilité de Dieu, mieux on entrevoit la grandeur de notre vocation humaine, dont la Vierge Marie, de sa nativité à son assomption, nous a montré le chemin. Dans tous nos choix, dans tous nos comportements, dans toutes nos fidélités, nous engageons la présence de Dieu. Quelle responsabilité ! Quelle sublime vocation, dans la fragilité de nos vases d’argile. « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur », s’était écrié saint Pierre, quand il avait compris, saisi d’effroi, qu’avec Jésus, c’était à Dieu lui-même qu’il avait affaire, un Dieu qui l’appelait à faire route avec Lui (Lc 5, 8).
Église de Marseille, fais des projets, mais n’oublie pas l’essentiel : offrir à Dieu l’hospitalité de ton cœur afin d’offrir à tes frères un visage à son message (vous vous rappelez sans doute de ce cantique que nous chantions autrefois : « Je cherche le visage, le visage du Seigneur ; Je cherche son image tout au fond de vos cœurs ; Alors, qu’avez-vous fait de Lui ? »). En particulier, si vous le voulez bien prenons le plus grand soin des catéchumènes qui frappent à la porte de nos communautés, désireux de marcher avec nous, synodalement, à la suite du Christ, pressés de faire grandir cette liberté et cette joie qu’ils ont déjà senties en découvrant l’Évangile. N’éteignons pas en eux la nouveauté de leur regard qui nous appelle parfois à la conversion de nos vieilles habitudes. Église de Marseille, à travers eux, c’est ton Dieu que tu accueilles ! Et à travers toi, c’est Lui qui veut se donner à eux, par la force des sacrements et la saveur de sa Parole, distillée pour chaque génération par la continuité de la Tradition. Et puis, prenons soin ensemble de tous ceux qui ont été baptisés l’année dernière ou il y a quelques années. Je remercie l’équipe du service diocésain du catéchuménat pour les propositions concrètes qu’elle a élaborées en ce sens, et je me réjouis de la mise en place, par la pastorale des étudiants et des jeunes professionnels, du parcours Néo, pour que les néophytes puissent continuer plus facilement leur cheminement en communauté.
Le premier dimanche de l’Avent s’ouvriront dans notre diocèse les Assises œcuméniques de la diaconie, afin de discerner en Église, avec nos frères chrétiens d’autres confessions, comment mieux servir les personnes les plus fragiles, et non seulement les servir mais les inviter à prendre place dans nos assemblées, pas au fond, mais devant, comme le paralytique descendu par le toit, comme l’athlète paralympique, dont le courage enflammé réveille nos tièdes médiocrités !
« Je te cherchais dehors et tu étais dedans », avouera saint Augustin, méditant sur sa propre conversion. La rentrée, c’est d’abord le devoir de « rentrer » en nous-mêmes, d’y chercher le prince de la paix. C’est de cette conversion intérieure que viendra notre contribution à ce « surcroît de paix » dont parlait la prière d’ouverture. Laissons l’Esprit respirer en nous et nous découvrirons cette liberté qu’Il nous donne, cette force intérieure qui permet de résister à tous les esclavages, de n’avoir peur d’aucun des puissants de ce monde, d’accepter le dépouillement pour rayonner d’une joie que personne ne peut nous ravir.
« Tout cela est arrivé afin que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète : “Voici que le Vierge concevra et elle enfantera un fils ; on lui donnera le nom d’Emmanuel, ce qui se traduit : Dieu avec nous” » (Mt 1, 22-23). À la veille d’une année jubilaire, et alors que vont bientôt se poursuivre, à Rome, les travaux du synode, ne perdons pas de vue l’essentiel, la promesse que l’Emmanuel fit à ses disciples lorsque, ressuscité ayant vaincu la mort, il les envoya en mission jusqu’aux extrémités de la terre : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Mt 28, 20). Tournons les yeux vers l’hôte intérieur car il habite nos silences et nos prières !
Amen !
+ Jean-Marc Aveline
Messe de rentrée diocésaine
Cathédrale de la Major
Dimanche 8 septembre 2024
Publié le 10 septembre 2024 dans A la une, Homélies de Mgr Jean-Marc Aveline
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