Homélie du Cardinal Jean-Marc Aveline – Messe d’action de grâce

jmja major

« En ce temps-là, Hérode, qui était au pouvoir en Galilée, entendit parler de tout ce qui se passait et il ne savait que penser. »

En lisant cette phrase pour préparer notre célébration de ce soir, il m’est venu l’idée de la transposer : « en ce temps-là, c’est-à-dire la semaine dernière, le patron d’une grande entreprise internationale (car aujourd’hui, ce sont eux qui ont le pouvoir sur le monde), alors qu’il était de passage à Marseille pour signer des contrats, entendit parler de tout ce qui était en train de se passer dans cette ville bigarrée et métissée, peut-être la plus galiléenne des villes d’Europe, et aussi de ce qui s’était passé au stade, lorsque la ville tout entière s’était retrouvée unie dans une même ferveur, et il ne savait que penser ! »

Un homme, tout de blanc vêtu, était venu dans cette ville. En à peine un peu plus de vingt-quatre heures, il avait posé des gestes forts, rencontrant tour à tour des pauvres et des puissants, avec une égale simplicité, faite de bonté et d’exigence à la fois. Beaucoup étaient venus de loin pour le voir, et d’autres, de tous les pays de la Méditerranée, s’étaient réunis pour travailler avec lui et sous son impulsion. Et la faiblesse de sa santé n’avait d’’égale que la force de ses paroles et la puissance de ses gestes. Juste avant qu’il ne reparte, tout un stade l’avait accueilli avec enthousiasme et avec ferveur, et lui, avec un mélange de douceur et de fermeté, avait rappelé à tous le message venant du Christ, l’Évangile de l’amitié et de la miséricorde. De ce Christ Jésus, il n’était, lui, l’homme en blanc, que l’humble serviteur, en tant que successeur de Pierre, ce pêcheur de Galilée sur lequel le Seigneur avait voulu bâtir son Église, non pas comme un club fermé et renfermé sur lui-même, mais comme l’assemblée des serviteurs de Dieu, toujours ouverte, toujours composée de multiples cultures, toujours en croissance, non par prosélytisme, mais par attraction. Et lui, l’homme en blanc, le Pape, n’était que le serviteur des serviteurs de Dieu. Et c’est pour cela, pour accomplir, à temps et à contretemps ce service du peuple que Dieu lui a confié, qu’il lui faut avoir l’audace de redire le message évangélique, même s’il est dérangeant, même s’il remet en question nos habitudes, même s’il invite à une conversion du regard et à un changement dans notre façon de vivre.

Ayant entendu tout cela, notre homme d’affaires, de plus en plus perplexe, ne savait vraiment plus que penser ! Un peu comme Hérode, il disait : « qui est cet homme dont j’entends dire de telles choses ? » « Et il cherchait à le voir ! » Si un jour vous rencontrez cet inconnu en recherche, lui ou d’autres parmi vos compagnons de route au travail, en famille, au sport ou ailleurs, dites-leur bien que celui qu’il faut chercher à voir, ce n’est pas le Pape, c’est le Christ Jésus, dont le Pape n’est que le vicaire, c’est-à-dire celui qui le représente. Dites-leur que c’est l’Esprit du Christ qui, vendredi et samedi derniers, a soufflé fort sur Marseille, plus fort encore que le Mistral ! Dites-leur tous les fioretti dont vous avez été les témoins pendant cette inoubliable semaine : des rencontres improbables, de la joie, de l’émotion, des vagues d’espérance en dépit des innombrables drames qui endeuillent la Méditerranée.

Dites-leur aussi comment, depuis des semaines et même des mois, nous nous étions préparés, nous, ici, à Marseille, à travailler avec l’Esprit, à coopérer avec la grâce pour accueillir tout ce monde et leur offrir un rendez-vous avec le Bon Dieu. Nous y avons mis tout notre cœur – foi de Marseillais ! Et ce qui s’est passé, malgré les inévitables couacs et les quelques ratés, tout ce qui s’est passé, est le fruit de cette coopération avec l’Esprit Saint. Et sans doute ne saurons-nous jamais qu’un tout petit peu de l’immense fécondité de ces moments vécus dans l’Esprit. C’est comme devant la mer : on ne voit que la surface et souvent, comme disait le poète, l’essentiel est invisible pour les yeux !

Au stade, en voyant tous ces évêques et ces jeunes venant de tous les pays de la Méditerranée et de toutes les régions de France, quelqu’un m’a dit que cela avait comme un air de Pentecôte ! Et c’est vrai ! Ce soir, chers amis, nous voulons rendre grâce. Chacun et chacune d’entre vous, en relisant ce qui s’est passé, pourrait dire ce pourquoi, surtout, il veut rendre grâce : telle rencontre, tel moment, telle lumière d’Évangile, etc. Ce serait beau, mais ce serait trop long. Alors je vous fais une triple proposition. D’abord, je vous invite à prendre le temps, dans les semaines qui viennent, mais sans trop attendre, de vous réunir dans vos paroisses ou dans vos groupes, et de partager entre vous votre action de grâce, d’échanger les idées qui ont germé dans vos cœurs pour vous-même et pour la vie et la mission de notre Église de Marseille. Et nous organiserons la collecte de tout cela, car on n’a pas le droit de négliger les cadeaux que le Bon Dieu nous a faits, à chacun et à toute notre Église, pendant ces journées inoubliables.

Ensuite, après la communion à la fin de cette eucharistie, nous entendrons tous ensemble le témoignage que le Pape lui-même, hier, sur la place Saint-Pierre à Rome, a voulu donner au monde entier à propos de son voyage à Marseille. Il a fait de ce témoignage, non pas un ajout, mais le cœur même de sa catéchèse du jour, ce qui est extrêmement rare, et qui traduit l’importance, pour lui, de ce voyage apostolique à Marseille. On va donc l’écouter avec attention.

Enfin, je vous propose que maintenant, si vous le voulez bien, nous prenions tous ensemble un long temps de silence, parce que notre action de grâce est tellement grande qu’elle va au-delà des mots, et aussi parce que chacun, en conversant avec l’Esprit, pourra prolonger dans son cœur la méditation de ce jour.

Oui Seigneur : merci !

Oui, Vierge de la Garde : merci !

Viens, Esprit Saint, nous aider à accueillir en nous le don de Dieu, à en vivre et à en témoigner.

Amen !

 

+ Cardinal Jean-Marc Aveline

Archevêque de Marseille

 Cathédrale de La Major

Jeudi 28 septembre 2023

 

 

 

 

Chers frères et sœurs ! À la fin de la semaine dernière, je me suis rendu à Marseille pour participer à la conclusion des Rencontres Méditerranéennes, auxquelles ont participé des évêques et des maires du pourtour méditerranéen, ainsi que de nombreux jeunes, afin que leur regard s’ouvre sur l’avenir. L’événement de Marseille s’intitulait d’ailleurs « Mosaïque d’espérance ». Tel est le rêve, tel est le défi : que la Méditerranée retrouve sa vocation, qu’elle soit un laboratoire de civilisation et de paix. La Méditerranée est un berceau de civilisation, et un berceau, c’est la vie : on ne peut tolérer qu’elle devienne un tombeau, ni un lieu de conflit. La Méditerranée est tout le contraire du choc des civilisations, de la guerre, de la traite des êtres humains. C’est tout le contraire parce que la Méditerranée relie l’Afrique, l’Asie et l’Europe, le nord et le sud, l’est et l’ouest, les hommes et les cultures, les peuples et les langues, les philosophies et les religions. Bien sûr, la mer est toujours en quelque sorte un abîme à franchir, et elle peut aussi devenir dangereuse. Mais ses eaux recèlent des trésors de vie, ses vagues et ses vents portent des navires de toutes sortes. C’est de sa rive orientale qu’est parti, il y a deux mille ans, l’Évangile de Jésus-Christ, ce qui ne se fait évidemment pas par magie et n’est pas accompli une fois pour toutes. C’est le fruit d’un parcours dans lequel chaque génération est appelée à faire un bout de chemin, en lisant les signes des temps dans lesquels elle vit. La rencontre de Marseille fait suite à des rencontres similaires organisées à Bari en 2020 et à Florence l’année dernière. Il ne s’agit pas d’un événement isolé, mais de l’avancée d’un itinéraire qui a commencé avec les « Colloques méditerranéens » organisés par le maire Giorgio La Pira, à Florence, à la fin des années 1950. Un pas en avant pour répondre, aujourd’hui, à l’appel lancé par Paul VI dans son encyclique Populorum Progressio, pour promouvoir « un monde plus humain pour tous, un monde dans lequel tous ont quelque chose à donner et quelque chose à recevoir, sans que le progrès des uns soit un obstacle au développement des autres ». Que ressort-il de l’événement de Marseille ? Il en est ressorti un regard sur la Méditerranée que je définirais comme simplement humain, non idéologique, non stratégique, ni politiquement correct, ni instrumental : humain, c’est-à-dire capable de tout rapporter à la valeur première de la personne humaine et à sa dignité inviolable. Et en même temps, un regard d’espoir est apparu. C’est très surprenant aujourd’hui : quand on écoute des témoins qui ont vécu des situations inhumaines ou qui les ont partagées, c’est d’eux que l’on reçoit une « profession d’espérance », et aussi un regard de fraternité. Frères et sœurs, cette espérance ne peut et ne doit pas « s’évaporer », non, au contraire, elle doit s’organiser, se concrétiser dans des actions à long, moyen et court terme. Pour que les personnes, en toute dignité, puissent choisir d’émigrer ou de ne pas émigrer. La Méditerranée doit être un message d’espoir.
Mais il y a un autre aspect complémentaire : il faut redonner de l’espoir à nos sociétés européennes, en particulier aux nouvelles générations. En effet, comment accueillir les autres si nous n’avons pas nous-mêmes un horizon ouvert sur l’avenir ? Comment des jeunes pauvres en espérance, enfermés dans leur vie privée, préoccupés par la gestion de leur précarité, peuvent-ils s’ouvrir à la rencontre et au partage ? Nos sociétés, si souvent malades d’individualisme, de consumérisme et de fuite en avant, ont besoin de s’ouvrir, d’oxygéner leurs âmes et leurs esprits, et elles pourront alors lire la crise comme une opportunité et l’affronter positivement. L’Europe a besoin de retrouver la passion et l’enthousiasme, et à Marseille je peux dire que je les ai trouvés : dans son Pasteur, le Cardinal Aveline, dans les prêtres et les consacrés, dans les fidèles laïcs engagés dans la charité, dans l’éducation, dans le peuple de Dieu qui a montré une grande chaleur lors de la Messe au Stade Vélodrome. Je les remercie tous, ainsi que le Président de la République, dont la présence a témoigné de l’attention de la France entière à l’égard de l’événement marseillais. Que Notre-Dame, que les Marseillais vénèrent sous le nom de Notre-Dame de la Garde, accompagne le chemin des peuples de la Méditerranée, afin que cette région devienne ce qu’elle a toujours été appelée à être : une mosaïque de civilisation et d’espérance.

Publié le 03 octobre 2023 dans

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