Homélie – Inauguration des nouveaux locaux de La Source

Homélie du cardinal Jean-Marc Aveline à l’occasion de l’inauguration des nouveaux locaux de La Source.
Bernadette Soubirous, Mère Teresa, Jean-Baptiste Fouque : comme il est riche, chers amis, le patronage des figures de sainteté qui veillent sur vous !
D’abord, il y a Bernadette.
À une sœur qui s’étonnait de la voir encore alitée, passant ses journées sans faire grand-chose, Sœur Marie-Bernard avait répondu : « Aujourd’hui, mon emploi est d’être malade ». Il y a dans cette affirmation autant de profondeur que de réalisme, autant de volonté que d’abandon. Il y a surtout beaucoup d’amour.
Il y eut beaucoup d’amour dans la vie de sainte Bernadette. Elle a vécu simplement ce qu’écrivait saint Jean de la Croix dans son Cantique spirituel : « Ma seule occupation est d’aimer ». Puisse aujourd’hui Bernadette nous guider sur le chemin de la suite du Christ, en nous aidant à mieux comprendre quel fut l’abandon du Christ à son Père, cet abandon que saint Charles de Foucauld a si bien chanté, et quel fut aussi l’abandon de Marie entre les mains de son Fils, Lui qui lui a confié, jusqu’à la fin des temps, la mission de faire entrer le monde dans l’amour trinitaire. Et Marie a choisi, parmi bien d’autres qui pouvaient l’aider dans cette tâche, la petite Bernadette, pauvre et volontaire, humble et disponible : « Il suffit d’aimer ».
Ces trois mot, donnés comme titre par Gilbert Cesbron au film et au livre qu’il consacra à Bernadette Soubirous, trouvent un écho dans cette autre petite phrase, prononcée à des milliers de kilomètres de là par une autre femme, née en 1910 en Macédoine, de parents albanais plutôt aisés, Agnès Gonxha Bojaxhiu, la future Mère Teresa, qui affirmait : « Le manque d’amour est la plus grande pauvreté ». Après être entrée dans la Congrégation des Sœurs de Lorette, elle perçoit, à l’âge de 36 ans, un nouvel appel :
Je savais, écrit-elle, que je devais suivre Jésus en me tournant vers ceux qui, à son image, n’ont pas où reposer la tête, ceux qui connaissent la nudité, le mépris, l’abandon. Il n’y avait pas de doute. Le message était très clair : c’était un ordre. Je savais à qui j’appartenais, mais je ne savais pas comment y parvenir, j’ignorais comment tout cela se ferait. Alors, j’ai laissé Dieu se servir de moi, à sa manière, une manière qui m’était inconnue.
La première communauté installée en France des Missionnaires de la Charité l’a été à Marseille, par Mère Teresa elle-même, à l’invitation du cardinal Etchegaray. D’abord hébergées dans le presbytère de l’église Saint-Théodore, elles se sont ensuite installées rue d’Aix, puis rue de Crimée et enfin rue Alphée Cartier, tout près d’ici, là-même où, l’année dernière, j’avais eu la joie de conduire le pape François. Mère Térésa aimait répéter souvent cette parole de Jésus : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » Et elle la commentait de façon très concrète :
Soyez bons et miséricordieux. Que personne jamais ne vienne à vous sans qu’il s’en aille meilleur et plus heureux. Soyez l’expression vivante de la bonté de Dieu. […] Aux enfants, aux pauvres, à tous ceux qui souffrent et qui sont solitaires, donnez toujours un sourire heureux. Ne leur donnez pas seulement vos soins, donnez-leur aussi votre cœur.
Et pourtant ! Personne ne pouvait deviner les combats que cachait son sourire ! Bien sûr, on retient que Mère Teresa, morte à 87 ans, s’était toute sa vie occupée des pauvres, qu’elle avait vécu pauvrement parmi eux, qu’elle les soulageait, leur redonnait vie et espoir. Personne n’a pu oublier son visage qui rayonnait la paix, son sourire qui crevait les écrans, ses doigts noueux qui égrenaient paisiblement son chapelet. Tout le monde pensait qu’elle avait tout et ne manquait de rien puisqu’elle était toujours avec Dieu. Et pourtant, nous savons maintenant que cette femme a dû endurer pendant de longues années (près de cinquante ans) des ténèbres intérieures d’autant plus épaisses que son sourire était plus lumineux. Elle-même comprit peu à peu que cette douloureuse expérience était un élément essentiel de sa mission, au sens où elle vivait dans sa chair le mystère du Calvaire, Calvaire de Jésus et Calvaire des pauvres. Alors elle s’abandonne dans cette magnifique prière :
Fais-moi, Seigneur, chercher à donner réconfort plutôt qu’à le recevoir ; à comprendre plutôt qu’à être compris ; à aimer plutôt qu’à être aimé. Car c’est en s’oubliant qu’on se trouve, en pardonnant qu’on est pardonné ; c’est en mourant qu’on s’éveille à la vie éternelle.
Ce fut sa façon à elle de vivre les Béatitudes, dans la démesure de l’amour. Un chemin de dépouillement et de dépossession, d’autant plus douloureux à vivre qu’il tranchait avec ce que, de l’extérieur, on percevait d’elle. Mais elle savait que ce chemin était celui de sa vocation, unique et définitive, sur la terre comme au ciel. Elle disait avec humour :
Si jamais je deviens sainte, je serai certainement une sainte des « ténèbres ». Je serai continuellement absente du ciel, pour allumer la lumière de ceux qui sont dans les ténèbres sur terre.
Maintenant que l’Église l’a reconnue sainte, demandons-lui de s’absenter du ciel aussi longtemps qu’elle le voudra et de venir au secours des ténèbres de nos existences et de notre société. Demandons-lui de faire fleurir sur notre Église de Marseille et sur toute notre ville le sourire bienveillant de la bonté de Dieu, car « Le manque d’amour est la plus grande pauvreté ».
Marseille : c’est là que naquit, en 1851, quelques années avant les apparitions de la Vierge Marie à Lourdes, Jean-Baptiste Fouque, qu’on appellerait bientôt « le saint Vincent de Paul Marseillais ». « La foi chrétienne, disait-il, ne peut porter du fruit que si elle est vécue ». Habité par cette conviction profonde, il imagina, tout au long de sa vie, des solutions concrètes et inventives pour répondre aux différentes détresses de son temps : il a ouvert un foyer pour les jeunes paysannes venues travailler en ville, un centre d’accueil pour les garçons abandonnés, une œuvre pour les personnes âgées, un hôpital gratuit pour les pauvres, une maison d’accueil pour les personnes handicapées, etc. Plusieurs de ses nombreuses fondations existent encore aujourd’hui. Cette activité inlassable s’ancrait dans la prière et spécialement dans l’eucharistie. « Tout est possible à celui qui croit », aimait-il aussi à répéter à tous ceux qui voulaient le dissuader d’entreprendre. Lorsqu’il fut béatifié, le 30 septembre 2018, en la cathédrale de Marseille, le projet de La Source en était à ses débuts !
Bernadette Soubirous, Mère Teresa, Jean-Baptiste Fouque : comme il est riche, chers amis, le patronage des figures de sainteté qui veillent sur vous ! Et maintenant, il y a vous ! Vous et tous ceux qui, de près ou de loin, se sont engagés avec vous. Je me souviens très clairement du temps où Aymeric et Christine, ayant perçu un appel dans l’appel, voulaient répondre au désir que l’Esprit avait placé dans leur cœur d’ouvrir, dans ce quartier le plus pauvre de France, une autre Maison Bernadette, qui serait nécessairement différente dans sa forme, mais inspirée, dans le fond, de l’expérience vécue aux Lauriers. Il y eut le temps de la prière, de la déambulation priante dans les rues de la Belle-de-Mai et de Saint-Mauront, puis la décision de s’implanter ici, dans cette grande maison qui nécessitait de gros travaux mais qui pouvait offrir de multiples potentialités. Les Services Charité arrivaient, supportant le froid et l’obscurité (je me souviens des repas à la lueur des bougies), mais heureux et transformés par cette expérience autant décapante que fondatrice. Avec les permanents salariés, ils sont les piliers de cette mission, dans l’esprit de la Fraternité Bernadette.
Aujourd’hui encore, et peut-être même davantage, le quartier est le théâtre de beaucoup de violences et de souffrances. Le trafic de drogue fait des ravages, la maison a même été récemment cambriolée, mais le découragement, bien légitime, a vite laissé place à une réflexion plus approfondie sur la mission de La Source. Thibault, qui a succédé à Simon, reformulait ainsi, dans un courrier qu’il m’a adressé pour préparer cette inauguration, la vocation de La Source : « nous avons été envoyés dans un quartier en souffrance et notre rôle doit demeurer celui d’être le reflet du visage du Christ au milieu de cette violence. »
Aujourd’hui, je suis heureux de vous confirmer dans cette mission. D’autant que, sous vos yeux, comme me le raconte Thibault, des miracles se produisent : miracles des rencontres improbables et pourtant quotidiennes dans la cour ; miracles des enfants en soif de grandir et de vivre ; miracles des parents du quartier, venus dire bonjour, offrir un couscous ou déposer un fardeau ; miracles des chrétiens du quartier, dont rien n’a pu entamer la fidélité : leur prière et leur persévérance sont l’humus sur lequel de nouvelles pousses, avec votre aide, commencent à fleurir. Miracles, aussi de ces échanges simples et vrais entre chrétiens et musulmans. Miracles que la grâce accomplit dans les cœurs des permanents et des Services-Charité, les ouvrant à l’espérance, les renouvelant en profondeur, leur faisant découvrir, par la prière et la vie communautaire, la profonde vérité des Béatitudes, vécues au jour le jour, dans les multiples rencontres vécues à La Source !
On découvre Dieu dans les rencontres qu’il suscite ! C’est aussi en passant par la porte du service des pauvres que l’on découvre le chemin de la suite du Christ, le chemin de notre vocation, quelle qu’elle soit, le chemin du vrai bonheur.
En vous exprimant toute la reconnaissance du diocèse et en vous renouvelant tous mes encouragements pour votre œuvre, je demande à sainte Bernadette, sainte Mère Teresa et au Bienheureux Jean-Baptiste Fouque, de veiller sur vous et sur toutes les personnes que Dieu a confiées à votre prière et à votre bonté.
Amen !
+ Jean-Marc Aveline
Samedi 23 novembre 2024
La Source
Publié le 27 novembre 2024 dans A la une, Homélies de Mgr Jean-Marc Aveline
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