Homélie pour les obsèques du Père Jean Lahondès

jean lahondes

Le Père Jean Lahondès (1931-2025) prêtre du diocèse de Marseille, est décédé le lundi 6 janvier. Ses obsèques ont été célébrées le samedi 12 janvier, en l’église des Chartreux. Voici l’homélie du Père Robert Peloux, prêtre du Prado, une association de prêtres dont il était proche.

« Pour parler de la mission de Jésus, Luc évoque les paroles du prophète Isaïe : être envoyé par l’Esprit porter la Bonne Nouvelle aux pauvres.

Si je voulais chercher un fil conducteur dans la vie de Jean, pendant 65 ans de ministère, je dirais qu’il a été un disciple du Christ manifestant sa bienveillance, son affection particulière pour les mal-aimés de la société, pour ceux qui ne comptent pas aux yeux du monde, pour les déclassés de la terre. Mais il n’a pas été un témoin isolé, en franc-tireur. Ordonné prêtre en 1959, il a aimé l’Eglise de Marseille et accepté des responsabilités parfois difficiles pour que cette Eglise s’organise, vive et témoigne, pour que, « aujourd’hui » la Bonne Nouvelle soit portée aux pauvres. Par ailleurs, il disait qu’il avait reçu comme une grâce immense de devenir prêtre du Prado.

Le texte de l’Évangile proclamé se termine ainsi : « Mais Jésus, passant au milieu d’eux, allait son chemin ». Il dévoile un aspect essentiel de la vie et de l’action de Jésus : son chemin passe au milieu de la vie des hommes, de la vie de tous, même de ceux qui veulent l’éliminer. Le chemin de Jésus est d’être au milieu de la vie des hommes. Jean, très marqué par le mystère de l’incarnation, s’est attaché à témoigner de ce désir de Jésus de se manifester « aujourd’hui » dans la vie ordinaire des humbles.

En retraçant son parcours, Jean notait qu’il avait été gratifié de ministères très variés qui l’avaient façonné. Il a écrit quelques belles phrases : « Accompagner des jeunes en JOC m’a révélé à moi-même la place du prêtre, mon identité originale de serviteur ! Les ministères d’aumônier de lycée ou auprès d’étudiants m’ont rempli de joie en voyant que Dieu, toujours vivant, se fait connaître par des chemins inattendus. Que dire des liens nombreux qui se sont créés sur les chemins de la vie ? C’est l’Action Catholique Ouvrière qui fut le chemin privilégié de ces riches rencontres ».

Dans son parcours au milieu de la vie des hommes, il porte une mention toute spéciale pour le ministère de prêtre-ouvrier auquel il a été appelé : « d’abord pour casser, à la masse, des cailloux d’alumine ; ensuite comme balayeur, puis sur les quais, tout en voulant rester au service d’une paroisse pour garder un lien avec la communauté chrétienne rassemblée autour de l’Eucharistie, point de mire de tout ministère apostolique ».

Pendant les dix années suivantes, il a été éducateur avec des personnes prostituées. Et il a cette réflexion : « Que de rencontres lumineuses qui continuent à éclairer et accompagner mon itinéraire de croyant. Merci Seigneur de ce temps de grâce. C’est la prière de Paul qui me revient en permanence : « Lui qui de condition divine… » (Hymne dans les Philippiens, première lecture).

Et, bien sûr, il évoque sa chère paroisse du Merlan : « Vingt-cinq ans dans un quartier populaire, j’ai aimé à la folie ce peuple, aussi biscornu soit-il, mais je l’étais tout autant ! On s’est converti ensemble, les uns par les autres ». Il termine son parcours en soulignant qu’il a aimé travailler avec les prêtres, qu’il les recevait très volontiers et qu’ensemble « nous avons fait de grandes choses simples, aimer et faire aimer le Christ ». J’ajouterais, non un bémol, mais un « plus », car ce qu’il dit des prêtres est aussi valable pour les imams qu’il a appris à connaître et à estimer dans une équipe dite simplement « prêtres-imams ». Il était absent à la dernière rencontre et je peux témoigner de la chaleur avec laquelle les frères imams m’ont parlé de lui.

Le chemin de Jean sur les routes humaines passe depuis une dizaine d’années par celui de la retraite. Et de ce lieu un peu redouté avant d’y plonger pleinement, il fait une expérience extraordinaire avec la communauté voisine de l’Arche. Il la rejoint le matin, « d’abord dans un moment de prière, explique-t-il, pour ceux et celles qui le souhaitent. Un moment intense de partage de l’expression de la vie des pauvres. Être là n’exige pas seulement d’anticiper mais de se rendre présent à l’Autre avec son cœur au moment où la société parle uniquement de management et de rentabilité économique !  La rencontre des Personnes reçues à l’Arche creuse en moi l’importance du don fait à l’autre et de la gratuité constitutive aussi de la vie spirituelle de chacun, beau chemin de conversion. Ma vie apostolique de pradosien se trouve convertie et nourrie des gestes, des paroles et de la prière de la communauté de l’Arche : « Seigneur, bénis-nous de la main de tes pauvres, implore-t-il, Seigneur, souris-nous dans le regard de tes pauvres. Seigneur, reçois-nous un jour dans l’heureuse compagnie de tes pauvres ».

Ces derniers temps, il a connu l’épreuve de la fragilité et, même, de la dépendance. Nous en avons beaucoup parlé ensemble et envisagé la mort tranquillement, en vérité et avec sérénité. Nous avons relu quelques repères que nous donne Antoine Chervrier dans ses Lettres : « ne travaillez pas à vous élever, mais travaillez à vous faire petits et à vous rapetisser tellement que vous soyez à l’égal des pauvres, pour être avec eux, vivre avec eux, mourir avec eux » (Lettre 114). Dans cette épreuve des forces qui échappent, des capacités à s’assumer tout seul qui s’amenuisent, des relations qui se distendent, il acceptait cette dernière forme de pauvreté. Années après années il avait appris à devenir un pauvre en ayant passé une vie à leur service.

Les Chartreux, le 11 janvier 2025

Obsèques de J. Lahondès

Publié le 20 janvier 2025 dans

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