La spiritualité du Sacré-Cœur dans l’Eglise de Marseille

A travers les révélations à Sr Anne-Madeleine Rémuzat mais aussi par d’autres canaux, la spiritualité du Sacré-Cœur a pris une place importante dans la spiritualité marseillaise jusqu’à aujourd’hui. Petit tour d’horizon-non exhaustif.
Une grâce ne tombe jamais pas du haut du ciel avec un message tout bien ficelé sur un cœur qui n’y a pas été préalablement préparé. Au contraire, comme il l’a fait avec le peuple hébreu tout au long de son histoire, le Bon Dieu prend toujours le temps de se révéler petit à petit, avec une délicatesse toute paternelle. Pour confier à Marseille le message de son Cœur brûlant d’amour, il ne s’y prit pas autrement.
A Marseille, le monastère de la Visitation dans lequel entra Anne-Madeleine Rémuzat avait été fondé en 1623, soit quelques mois seulement après le décès François de Sales, et du vivant même de Jeanne de Chantal, les deux fondateurs de la Visitation, qui avaient eu pour leur ordre l’intuition de la dévotion au Sacré-Cœur. Pourquoi fallait-il, selon eux, « que nos pauvres cœurs ne vivent plus que sous l’obéissance du Cœur de Jésus » ? « Parce ce que, écrivait François de Sales, ce Cœur sacré n’a point de loi plus affectionnée que la douceur, l’humilité et la charité » et donc qu’« il faut s’en tenir ferme en ces chères vertus. »
Prendre le Cœur de Jésus comme modèle de douceur, d’humilité et de charité, voilà la règle que le saint évêque de Genève proposait aux sœurs de la Visitation. Rien d’étonnant donc dans le choix du Christ de les choisir elles, Marguerite-Marie Alacoque et Anne-Madeleine Rémuzat, toutes deux vistandines, pour dévoiler un peu plus le message de son Cœur brûlant d’amour : elles y étaient bien préparées. Quant au monastère des « Grandes Maries » de Marseille, il ne fut que le premier d’une longue série : l’ordre de la Visitation essaima généreusement (lire la note page 18), répandant ce message du Sacré-Cœur dans tout le diocèse.
Les filles du Sacré-Cœur
Nourrie de cette spiritualité, une jeune Marseillaise va aussi participer à la répandre. Marie Deluil-Martiny, fondatrice de l’actuel monastère de la Serviane, situé entre la Valentine, les Trois-Lucs et les Caillols, est l’arrière-petite-nièce de Sr Anne-Madeleine Rémuzat. Née sur la Canebière, elle avait été envoyée en pension chez les sœurs de la Visitation (encore et toujours) de Bourg-en-Bresse, où elle avait fait connaissance de Sœur Marie Bernaud du Sacré-Cœur, qui avait eu l’intuition de créer ce qu’elle appelait la « garde d’honneur, qui consistait à offrir une heure de présence par jour au Cœur de Jésus tout en poursuivant ses activités du quotidien. Marie Deluil-Martiny en devint la première zélatrice, puis, appelée à la vie religieuse, elle fonda la Congrégation des Filles du Cœur de Jésus, en 1873 en Belgique d’abord à cause des troubles politiques en France, puis à Marseille, en 1879, dans la propriété familiale marseillaise de la Serviane, dont elle avait hérité et où la communauté continue de vivre sa mission d’adoration perpétuelle en réparation des offenses faites au Cœur de Jésus. Quant au mouvement de la « garde d’honneur », il existe lui aussi toujours[1].
Dix ans plus tôt, une autre congrégation féminine et contemplative était née à Marseille, également consacrée à la consolation du Cœur de Jésus : les sœurs victimes du Sacré-Cœur de Jésus, fondée par Julie-Adèle de Gérin-Ricard, jeune femme bouillonnante qui avait auparavant déployé une énergie généreuse et efficace auprès des familles pauvres ou des malades du choléra. La petite fondation s’installa pour une vie d’adoration avec les trois première sœurs, vêtues de leur habit marron flanqué du cœur de Jésus, dans l’actuel quartier de la Belle de Mai, où elles restèrent jusqu’en 2016, tissant des liens d’amitié et de prière très forts avec les habitants du quartier, avant de partir pour la Vendée, l’ancienne campagne marseillaise étant devenue trop urbaine pour leur vie contemplative.
Les prêtres et les œuvres
Quelques années après le vœu réalisé par Mgr de Belsunce, plusieurs prêtres diocésains choisirent de s’engager à vivre fidèlement cette dévotion au Sacré-Cœur et à la transmettre à la jeunesse d’alors. C’est la chapelle du Bon Pasteur qui leur fut confiée pour installer leur société de prêtres, qu’on prit alors l’habitude d’appeler les « prêtres du Bon Pasteur ». C’est au sein de cette société que s’engagea celui qui devint l’abbé Reimonet, qui compta tant dans la vocation et la formation d’un certain… Jean-Joseph Allemand. Celui-ci, en effet, avait fréquenté dès 1786 l’œuvre des prêtres du Sacré-Cœur, à laquelle il empruntera beaucoup, notamment le souci de la jeunesse. Résolu à devenir prêtre, il avait assisté l’abbé Reimonet, qui exerçait secrètement à Marseille le ministère sacerdotal durant la Terreur. Ordonné prêtre, l’abbé Allemand fonda en 1799 l’œuvre de jeunesse qui existe toujours aujourd’hui, aux Iris et à la rue Saint Savournin, et fut même agrégé aux prêtres du Sacré-Cœur. A ses côtés, le père Joseph-Marie Timon-David vint se former, convaincu lui aussi de la nécessité de s’occuper de la jeunesse pour « graver Jésus-Christ dans les cœurs » selon sa devise, allant jusqu’à fonder la Congrégation du Sacré-Cœur de Jésus, plus communément appelée Congrégation des Pères de Timon-David, pour s’engager dans l’éducation et l’évangélisation de la jeunesse des milieux ouvriers. Au fronton des bâtiments de toutes ces œuvres de jeunesse, toujours une même image : le Sacré-Cœur. Et dans l’une des écoles où le père Timon-David intervenait – l’école du Sacré-Cœur – un jeune élève s’attacha à lui : Jean-Baptiste Fouque, qui allait devenir le « saint Vincent de Paul » marseillais, dont les nombreuses œuvres subsistent encore. La société des prêtres du Sacré-Cœur, elle aussi, perdure.
Le Sacré-Cœur aujourd’hui
Si le début du XXe siècle a été marqué, à Marseille, par la construction de la basilique du Sacré-Cœur, démarrée en 1920 pour marquer le bicentenaire du vœu de Mgr de Belsunce, de nouveaux mouvements d’Eglise continuent, jusqu’à aujourd’hui, de cultiver cette spiritualité du Sacré-Cœur, comme la communauté du Cœur de Jésus, qui se réunit en la basilique sur le Prado. A travers toute cette histoire, le message, identique, demeure : « Dieu a tant aimé le monde… » (Jean, 3,16). Contempler ce Cœur brûlant d’amour, que ce soit à travers une vie contemplative cloîtrée dédiée à l’adoration, l’engagement dans des œuvres de jeunesse ou le service des plus pauvres, une vie de paroisse diocésaine ou un groupe de prière charismatique, invite chaque disciple de Jésus à brûler de douceur, d’humilité et de charité pour « chaque homme, chaque femme, qui est un frère, une sœur pour qui le Christ est mort », comme aime à le rappeler le cardinal Jean-Marc Aveline. Et pour répondre à cette invitation, conseillait encore l’archevêque de Marseille à l’occasion des confirmations célébrées le samedi 18 mai dernier en la cathédrale de la Major, « accrochez-vous au Christ ! C’est lui le Rocher véritable, le cœur transpercé d’où jaillissent l’eau et le sang. »
Amaury GUILLEM
Pour en savoir plus, retrouver l’article « Le voeu des Echevins »
Retrouver d’autres articles sur ce thème dans le numéro de juin 2024 d’Eglise à Marseille.
Publié le 04 juin 2024 dans A la une
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