L’abbé Raymond Mélizan accusé d’abus

melizan

Plusieurs anciens élèves de l’institution Mélizan attestent avoir été victimes d’abus sexuels de la part de l’abbé Raymond Mélizan, figure importante de la vie éducative et ecclésiale marseillaise, fils de Paul Mélizan, le fondateur de l’institution scolaire qui porte son nom. Pierre Brunet, vicaire général du diocèse de Marseille, Caroline Amenc, directrice du lycée Paul Mélizan, et Jacques Le Loup, directeur diocésain de l’enseignement catholique, font le point sur cette situation.

 

Avant d’entrer dans le cœur du sujet, peut-on rappeler en quelques mots qui était l’abbé Raymond Mélizan ?

Pierre Brunet : L’abbé Raymond Mélizan a enseigné dans l’institution Paul Mélizan, fondée par son père, de 1951 à 1965 ; il en fut le directeur de 1965 à 1997, lorsque l’établissement était situé rue Jean Fiolle. Il est resté présent dans le lycée jusqu’en juin 2001, date à partir de laquelle il a cessé toutes activités pastorales ou pédagogiques auprès des élèves. Il est décédé en 2016. Je précise que les faits qui vont être exposés ici ne concernent pas les lycéens ayant étudié dans l’établissement après 2001. Néanmoins, nous avons bien conscience que cette information va provoquer de la sidération et choquer de nombreuses personnes car beaucoup de jeunes, aujourd’hui adultes, ont été accompagnés, soutenus et aidés dans leur parcours scolaire, humain et spirituel par l’abbé Raymond Mélizan et ont une grande gratitude vis-à-vis de lui.

 

Quels sont les faits reprochés à l’abbé Raymond Mélizan ?

Pierre Brunet : En 2018, j’ai reçu plusieurs témoignages crédibles d’anciens élèves qui attestaient avoir été victimes d’abus sexuels de la part de l’abbé Raymond Mélizan dans les années cinquante. Ils n’ont pas exprimé le désir que cela soit rendu public, mais seulement d’être écoutés par une autorité ecclésiale. Nous avons pris en considération leur parole, qui nous a rendus attentifs à de potentiels autres témoignages qui nous parviendraient. Dans les archives du diocèse, de l’enseignement catholique diocésain et de l’établissement, nous n’avons pas trouvé d’éléments qui auraient pu nous alerter. Aucun autre signalement n’est parvenu à nos oreilles, jusqu’à la fin de l’année 2023, où deux nouvelles situations nous ont été rapportées. Pour l’une d’elles, c’est l’Inirr (Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation, mise en place par les évêques de France) qui nous a contactés : une personne s’était présentée auprès de l’Inirr comme victime d’abus sexuels de la part de l’abbé Raymond Mélizan, dans les années quatre-vingt cette fois. L’Inirr a reçu cette personne, l’a accompagnée, et, après vérifications diverses et discernement, considérant que l’abus était avéré, l’a reconnue comme victime. Cette personne, qui a depuis reçu une réparation financière, n’était pas entrée en relation avec la cellule diocésaine « Agir contre les abus » et n’avait pas non plus cherché à contacter l’archevêque : nous n’avions donc pas connaissance de cette situation. Le 2 septembre 2024, l’Inirr nous en a informés et nous a fait savoir que, parvenue à la fin de son parcours d’accompagnement, la victime demandait à nous rencontrer. Le cardinal Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, et moi-même, l’avons donc reçue à la fin du mois le 28 septembre 2024 et, dans la foulée, un signalement a été fait auprès du Procureur de la République mi-octobre.

 

Pourquoi faire maintenant un tel signalement pour une personne qui est décédée ? Et pourquoi rendre publique cette affaire aujourd’hui seulement, soit six ans après avoir reçu les premiers témoignages ?

Jacques Le Loup : Le diocèse de Marseille et l’enseignement catholique diocésain ont une convention avec le Procureur de la République, convention qui nous engage à signaler au Procureur toute situation d’abus sexuels sur des personnes vulnérables commise par une personne en responsabilité dans une œuvre d’Eglise ou un établissement catholique et dont nous sommes informés. Si la personne mise en cause est toujours en vie, nous prenons des mesures conservatoires à son égard pour la décharger de toute activité pastorale ou éducative et signalons la situation au Procureur qui peut ainsi ouvrir une enquête. Si la personne est décédée, il n’y a plus de risque qu’elle commette des méfaits, certes, mais signaler les abus qu’elle a commis au Procureur est important pour recouper les informations avec d’autres situations dont lui aurait connaissance mais dont nous n’aurions pas été informés. C’est important pour le travail de justice et de vérité, pour les victimes en premier, afin que leur parole soit accueillie et que leur souffrance reconnue.

Pierre Brunet : Quand des situations d’abus nous ont été signalées en 2018, nous avons accueilli et écouté les personnes concernées et pris en compte leur témoignage. Ensuite, il y a toujours une présomption d’innocence à respecter a priori, surtout quand la personne incriminée est décédée et qu’elle n’a plus la possibilité de donner sa version des faits, répondre des accusations à son encontre et, le cas échéant, se défendre. Enfin, cela demande du temps pour chercher les traces d’autres éventuels témoignages, comme nous l’avons fait, sans résultat. Ce qui nous pousse à prendre la parole désormais, ce sont ces deux nouveaux témoignages survenus en 2023 : pour les personnes concernées, la publication de cette information est importante, cela fait partie de leur chemin de reconnaissance et de reconstruction. Pour nous aussi, cette publication apparaît nécessaire, pour le bien des personnes qui se sont fait connaître et pour les autres victimes possibles, considérant qu’il est indispensable pour elles d’avoir la possibilité d’être entendues et que les traumatismes qu’elles ont subis soient reconnus. Nous sommes passés d’une attitude d’accueil et d’écoute à une attitude proactive.

 

Quelle suite donner à cette affaire désormais ?

Pierre Brunet : Pour permettre d’aller plus loin dans la reconnaissance d’autres éventuelles victimes de l’abbé Raymond Mélizan, le diocèse de Marseille sollicite toutes les personnes susceptibles d’apporter leur témoignage ou de communiquer des éléments importants à se faire connaître. Nous invitons les personnes qui auraient été victimes d’agressions sexuelles de la part de l’abbé Mélizan à se manifester si elles le souhaitent. Plusieurs manières de faire sont possibles, soit auprès d’instances diocésaines, soit auprès d’instances indépendantes de l’Eglise, comme le Procureur de la République ou France Victimes (lire ci-dessous). Je le dis pour l’affaire que nous évoquons aujourd’hui mais cela vaut pour toutes les autres situations d’abus éventuelles dont nous n’avons pas connaissance jusqu’à présent.

Caroline Amenc : Du côté du Lycée Paul Mélizan, nous sommes peinés et choqués par cette nouvelle. Nous collaborons avec le diocèse et l’enseignement catholique sur cette affaire, en toute transparence, pour que la vérité puisse être dite et que les victimes, avérées ou présumées, puissent s’exprimer et se reconstruire. Après une rencontre au sein de l’établissement, un communiqué a été envoyé aux anciens élèves, aux familles actuelles, aux enseignants et aux personnels, pour les informer de la situation. Il est aussi important de souligner que tous les portraits et les noms des salles qui rendaient hommage à l’abbé Raymond Mélizan ont été retirés. Enfin, en tant que nouveau chef d’établissement, ma mission est de faire perdurer les valeurs véhiculées par le fondateur de notre lycée, Monsieur Paul Mélizan. C’est évidemment un moment très difficile, qui marque une étape douloureuse mais nécessaire dans l’histoire de notre lycée, et accélère la transition déjà entamée depuis plusieurs années entre l’Institution qui se situait rue Jean Fiolle et le Lycée Paul Mélizan qui a déménagé au couvent de la Visitation, à la Valentine. Nous allons continuer d’accompagner la communauté éducative dans cette transition et je reste à disposition de celles et ceux qui voudraient me rencontrer.

 

Suite à ces révélations, le lycée Mélizan va-t-il changer de nom ?

Jacques Le Loup : Pour le moment la question ne s’est pas posée dans la mesure où, comme le soulignait à l’instant Caroline Amenc, le lycée Paul Mélizan porte à juste titre le nom de son fondateur, Monsieur Paul Mélizan, et, à travers son projet pédagogique et pastoral, l’équipe du lycée cultive et transmet les valeurs qui lui étaient chères. Paul Mélizan eut de multiples engagements au service de Marseille, à travers le journalisme, les œuvres sociales ou l’éducation.

 

De 2018 à aujourd’hui, six ans se sont écoulés. Y a-t-il d’autres situations dont le diocèse a connaissance mais qui n’ont pas encore été rendues publiques ?

Pierre Brunet : Le diocèse a été alerté à propos d’autres situations, mais le temps de la communication à leur sujet n’est pas venu, soit parce qu’une enquête est en cours et que la présomption d’innocence est toujours en vigueur, soit parce que les victimes présumées ne souhaitent pas que cela soit communiqué. Avertis de ces situations, pour lesquelles les mesures conservatoires nécessaires ont été prises, nous poursuivons notre travail dans le cadre de la cellule diocésaine d’accueil et d’écoute « Agir contre les abus » et de la charte de protection des mineurs et des personnes vulnérables du diocèse, que l’archevêque de Marseille a promulguée en janvier 2024. Nous collaborons avec le Procureur de la République et le Tribunal pénal canonique national mis en place pour la Conférence des évêques de France en 2021. Je réaffirme ici à tous, et en particulier aux personnes victimes, notre profonde compassion et notre engagement résolu à contribuer au travail de reconnaissance et de réparation nécessaire, pour la justice et la vérité.

 

Propos recueillis par Amaury Guillem


 

Vous avez été ou êtes victimes d’abus ?

Vous avez un témoignage à apporter ?

Merci de prendre contact avec l’une des instances suivantes :

  • La cellule diocésaine « Agir contre les abus » du diocèse de Marseille : 07 68 87 87 40 ou ecoutemarseille@adm13.fr Cette cellule est composée d’une pédopsychiatre, d’une avocate, d’une psychologue et d’une éducatrice.

  • La ligne d’écoute nationale de France Victimes, association indépendante de l’Eglise (7j/7 de 9h à 21h) : 01 41 83 42 17 et france-victimes.fr

  • L’inirr (Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation) :  contact@inirr.frinirr.fr – 41 bd du Montparnasse 75006 Paris

  • La CRR (Commission reconnaissance et réparation), pour les personnes victimes dans le cadre de communautés religieuses : 09 73 88 25 71 ou accueil@crr.contact – 226 rue du faubourg Saint Honoré 75008 Paris

  • La direction de l’enseignement catholique de Marseille qui vous recevra ou mandatera un de ses collaborateurs : direction@ecmarseille.com ou 04 91 36 52 02

  • L’archevêque de Marseille qui vous recevra ou mandatera un de ses vicaires généraux : archeveque@adm13.fr ou 04 91 14 28 90

  • Le site de la Conférence des évêques de France luttercontrelapedophilie.catholique.fr (possibilité de déposer des messages, des alertes, des demandes de façon confidentielle).

  • Le Procureur de la République, en faisant un signalement par écrit, à envoyer à Procureur de la République, 6 rue Joseph Autran, 13006 Marseille – 04 91 15 50 50

Publié le 12 novembre 2024 dans

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