Le pape Léon et l’appel des jeunes

homelie bon pasteur

A Rome depuis le décès du pape François jusqu’à l’élection du pape Léon XIV, le cardinal Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, est rentré à Marseille pour le dimanche du Bon Pasteur. A l’occasion de la messe d’action de grâce pour l’élection du pape, qu’il a présidée à la cathédrale de La Major en ce « dimanche des vocations », il a lancé un vibrant appel aux jeunes à ne pas avoir de s’engager à la suite du Christ. Voici son homélie.

« Jamais [mes brebis] ne périront et personne ne les arrachera de ma main. » (Jn 10, 28).

Dans l’Évangile selon saint Jean, ces paroles de Jésus sont situées entre deux grands signes qu’il a accomplis : la guérison d’un homme aveugle de naissance, au chapitre 9, et la résurrection de Lazare, au chapitre 11. Entre les deux, Jésus doit faire face à l’exaspération de ceux qui, parmi les Juifs et les Pharisiens, s’interrogent sur lui et le perçoivent comme un agitateur et un blasphémateur. Ils veulent se débarrasser de lui et préparent des pierres pour le lapider. Pour tenter de leur faire comprendre qui il est, Jésus utilise l’image du berger et de ses brebis. « Je suis le bon berger – leur dit-il – et le bon berger donne sa vie pour ses brebis » (10, 11) ; « mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais et elles me suivent. Et moi, je leur donne la vie éternelle » (10, 27-29).

En quelques mots, chers amis, en ce dimanche du Bon Pasteur qui est aussi la Journée mondiale de prière pour les vocations, nous sommes introduits dans l’immense mystère de l’Église. On se souvient du passage que nous avons entendu la semaine dernière, lorsque Jésus avait, par trois fois, interrogé Pierre au bord du lac. Ce que Jésus lui demandait – « M’aimes-tu ? » – avait toujours pour objectif, après la réponse positive de Pierre – « Je t’aime » – que Jésus puisse lui confier ses brebis – « Pais mes brebis » (cf. Jn 21). En commentant ce texte, saint Augustin écrivait : « Pierre ne dit rien d’autre [à Jésus] que son amour. Et Jésus ne lui demande rien d’autre que cet amour. Et il ne lui confie rien d’autre que ses brebis. » Et il poursuivait par cet encouragement, qui vaut notamment pour tous les prêtres : « Témoigne, dans l’amour des brebis, de ton amour pour le pasteur. »

En rentrant cette nuit de Rome, je méditais sur ce grand mystère qu’est l’Église. Vue de l’extérieur, on pourrait penser qu’elle n’est qu’une organisation internationale comme les autres. Bien des commentateurs, ces dernières semaines, en sont restés là. Mais, nous le savons bien, vue de l’intérieur, dans la foi, l’Église est tout autre chose. Son fonctionnement ne repose pas sur des techniques de management d’entreprise, mais sur le socle d’une vie sacramentelle. L’Église est un mystère, c’est-à-dire une action que Dieu lui-même accomplit pour nous et avec nous. Elle est en quelque sorte, dans le Christ, le sacrement de l’union de l’homme avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain, comme l’a exprimé le concile Vatican II (Lumen Gentium 1). Tout cela, frères et sœurs, je le savais. Mais je peux témoigner ce soir devant vous que l’expérience du conclave me l’a fait vivre très concrètement, à moi et à tous les cardinaux électeurs. Nous en étions bouleversés. Un conclave est une célébration liturgique. Et la liturgie, peu à peu, nous a fait accéder au niveau de profondeur, d’intériorité, de communion, de dépouillement, d’adoration, où l’Esprit Saint pourrait travailler le cœur de chacun et nous conduire ensemble à accueillir et à désigner celui d’entre nous que le Seigneur avait préparé depuis longtemps pour qu’il puisse accepter d’assumer, au service de toutes les brebis, le ministère confié jadis par Jésus à Pierre : « M’aimes-tu ? […] Pais mes brebis » !

Et maintenant, jour après jour, nous découvrirons l’apôtre que le Seigneur a forgé en lui, à travers l’histoire de sa vie, de sa vocation et des différents ministères qui lui ont été confiés. Sa dernière mission fut celle de Préfet du Dicastère pour les évêques, où j’ai eu la grâce de travailler avec lui tous les quinze jours depuis sa nomination. Avec vous, je rends grâce à Dieu : il est vraiment le Pape qu’il nous fallait, doux et humble de cœur, attentif à chacun, à l’écoute, patient et résolu à la fois. Souvent, je vous ai parlé de la coopération avec l’Esprit Saint comme d’une chose qui nous concerne tous dans notre mission de chrétiens, depuis notre baptême. Je peux vous dire que le conclave a été pour moi comme une « leçon de choses » de ce grand mystère de coopération. En en sortant, nous pouvions dire à notre tour, avec crainte et humilité : « L’Esprit Saint et nous avons décidé que… », soutenus par tout le peuple de Dieu » qui a prié avec nous, sur la terre comme au ciel.

Souvent aussi, je vous ai parlé de la catholicité de l’Église. Là encore, j’en ai vécu de très près la réalité et l’interpellation. Assis où j’étais, dans la chapelle Sixtine, je voyais passer, solennellement, tous les cardinaux qui allaient en procession déposer dans l’urne, placée sur l’autel, leur bulletin de vote. Et je voyais défiler le monde ! Celui-ci est de Téhéran, le suivant du Sri-Lanka, puis du Soudan du Sud, puis d’Alger, puis de Washington, puis de Tokyo, puis d’Oulan-Bator, puis de Papouasie-Nouvelle Guinée, etc. Sur chacun de leur visage, on devinait leurs liens avec les brebis du Seigneur qui vivent dans des conditions si diverses et, pour beaucoup, si douloureuses, et dont ils nous avaient parlé lors des Congrégations générales qui ont précédé et préparé le conclave. Et cette réalité était aussi, pour nous tous, une interpellation à œuvrer pour que l’Église puisse accomplir sa vocation de catholicité, au service de la paix dans le monde et de la communion entre tous les baptisés. Car toutes les brebis sont dans la main du Seigneur et personne ne les arrachera de sa main !

Chers amis, ce soir, nous prions pour notre nouveau Pape, Léon XIV. Hier matin, il a réuni tous les cardinaux et il nous a dit que l’une des raisons pour lesquelles il avait choisi ce nom était la référence au pape Léon XIII et à son action au service des pauvres, notamment des ouvriers dont la dignité était bafouée lors de la révolution industrielle du XIXe siècle. Une autre révolution, numérique, est en cours aujourd’hui, et nous avons besoin, nous a-t-il dit, de cette même vigilance, inspirée par la doctrine sociale de l’Église. Et puis il y a Léon le Grand, le pape du concile de Chalcédoine au Ve siècle, qui s’employa à bien définir, dans une époque elle aussi très troublée, la foi de l’Église en Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, consubstantiel au Père en sa divinité et consubstantiel à nous en son humanité. Enracinement dans le Christ et souci des plus pauvres : telles sont déjà les grandes lignes d’un programme que le pape Léon esquissera peu à peu et qu’il a déjà inscrit dans la continuité de son prédécesseur, le pape François, afin d’en développer les intuitions, dans la fidélité à la grande Tradition de l’Église.

« Le Père et moi – avait dit Jésus – nous sommes un ». Que le Dieu Trinité suscite dans l’Église les pasteurs dont elle a besoin. Dans l’élan de l’élection du pape Léon, j’appelle solennellement les jeunes, comme lui-même l’a fait ce matin lors de la prière du Regina Cæli, à ne pas avoir peur d’engager leur vie à la suite du Christ, dans la diversité des vocations baptismales. Et j’encourage tout spécialement les prêtres de notre diocèse à témoigner humblement de la beauté, de la saveur et de la profondeur de leur ministère, au service du peuple de Dieu tout entier, dans l’amitié quotidienne qu’ils vivent avec leurs frères autour du Christ, le Bon Pasteur.

Amen !

 

+ Jean-Marc Aveline

 

 

Publié le 12 mai 2025 dans

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