Les CRAC du rugby en terre promise

Sport et foi, un même combat! A l’occasion des JO 2024, rencontre avec des chrétiens du diocèse engagés dans leur vie de foi et dans une pratique sportive. Lucie et Joseph jouent au rugby au sein du CRAC, le Club de rugby aixois catholique qui, comme son nom ne l’indique pas, réunit une majorité des jeunes de Marseille, filles et garçons, désireux de partager leurs deux passions : le sport et la foi. L’an dernier, ils ont organisé à Luminy le Challenge des cathédrales, qui a réuni 300 joueurs répartis dans 20 équipes. Un essai transformé qui promet un bel avenir pour l’ovalie au pays du ballon rond.
Un club de rugby où la troisième mi-temps du samedi soir est toujours suivie d’une quatrième – la messe du dimanche matin -, c’est original. Et votre club a en plus une équipe masculine et une équipe féminine. Comment toutes ces réalités s’articulent au sein de votre club ?
Joseph : A l’origine, il s’agit d’un groupe d’amis, tous engagés sur la paroisse étudiante d’Aix-en-Provence, qui se retrouvaient pour aller à la messe… mais aussi pour jouer au rugby. Puis l’initiative s’est structurée en association, puis en club, reconnu par la FFR, ce qui nous permet aujourd’hui de bénéficier de licences reconnues et d’être invités dans les divers tournois. Dans le même temps, le club s’est déployé, d’une part parce qu’aujourd’hui nous sommes majoritairement originaires de Marseille, et d’autre part parce que nous avons une équipe féminine. Et c’est une fierté, car c’est très rare dans les clubs de rugby loisir.
Lucie : Aucune de nous ne jouait au rugby. Les garçons nous ont proposé, on a essayé… et on a beaucoup aimé ! Cela fait huit ans désormais que l’équipe existe, avec un bon renouvellement d’année en année. Comme il n’y a pas d’équipe féminine en loisir ici, nous jouons contre des équipes universitaires, de l’école Centrale ou de la Marine marchande. Aujourd’hui, nous sommes une quinzaine à nous retrouver une fois par semaine sur les plages du Prado, avec Joseph pour entraîneur, qui depuis a bien saisi les spécificités du rugby féminin ! (rires)
Joseph : Quand on m’a dit que les filles allaient se mettre au rugby, je trouvais l’idée vraiment bizarre. Mais je me suis laissé convaincre. Au début, je tentais de leur transmettre le rugby tel que nous y jouons avec les gars… mais j’ai compris que faire du copier-coller ne rimait à rien. C’est une autre façon de jouer, très différente mais très instructive aussi ! L’approche du défi physique n’est pas du tout la même. Chez elles, la dimension collective est beaucoup plus forte : elles font preuve d’une capacité de dépassement d’elles-mêmes mais aussi d’abnégation impressionnante, alors que chez les gars, le côté « C’est moi le plus fort » fait parfois basculer dans une approche beaucoup plus individuelle. Les filles vont être plus dans l’évitement alors que les gars vont plus se rentrer dedans. Elles sont très appliquées là où nous faisons parfois les gros bourrins un peu brouillons qui cherchent surtout à gueuler le plus fort. Je me souviens d’une fille à qui j’avais appris une technique : cinq minutes après la lui avoir montrée, elle la faisait bien mieux que moi ! Comme entraîneur, je constate aussi qu’avec les filles, il faut toujours leur redonner confiance en elles-mêmes, alors qu’avec les gars, c’est l’inverse : il faut plutôt nous ramener à un peu de modestie, nous rappeler quelle est notre place et que, sans les autres, on n’arrive à rien.
Lucie : Nous ne cherchons pas être les grosses bourrines pour faire comme les gars. Non, on joue avec ce qu’on est, avec notre féminité, avec notre intériorité ! Et cela ne nous empêche d’ailleurs pas, en dehors du rugby, d’avoir nos rendez-vous de pilates ! (rires) Je suis heureuse de pratiquer ce sport en tant que femme, sans chercher à copier les hommes !
Et la dimension spirituelle ? Car le deuxième C de CRAC, c’est pour « catholique » !
Lucie : nous sommes à la base une bande d’amies qui partageons la même foi, donc c’est très naturel de se retrouver pour l’entraînement comme pour la messe. Mais ce que j’aime, c’est, par ce vecteur du sport, rencontrer d’autres équipes, avec des joueuses qui n’ont rien de catho. Le sport, c’est un langage que presque tout le monde parle, c’est cette pratique qui nous réunit, et cela crée des occasions de discussions et donc de témoignage de ce que l’on vit comme cathos, tout simplement. Et les gens découvrent que nous ne sommes pas des grands illuminés !
Joseph : de notre côté, nous sommes aujourd’hui « connus » pour être l’équipe des cathos… alors qu’une partie de l’équipe actuelle ne l’est pas. Mais ça fait partie de notre histoire, de notre identité, on l’assume et on est très à l’aise avec cela. Le fait qu’on soit ainsi identifiés suscite souvent des belles discussions pendant les troisièmes mi-temps qui, pourtant, ne sont pas spontanément des moments très spirituels ! Je me souviens d’un gars contre qui on avait joué la veille, on avait fait la fête toute la nuit et, le dimanche matin, il nous voit nous lever pour aller à la messe – parce que, dans le programme de chaque déplacement, on intègre la messe dominicale. Il a décidé de nous suivre : « Pour que vous vous leviez maintenant, avec la fête qu’on vient de faire et le peu d’heures de sommeil qu’on a eues, c’est qu’il doit y avoir quelque chose de vraiment beau à découvrir à la messe. Donc je viens avec vous ! Pour moi, ce côté catho s’incarne aussi par le souci que l’on a d’accueillir tous ceux qui veulent jouer, avec beaucoup de bienveillance, quelques soient leurs capacités ou leurs faiblesses. D’ailleurs, dans le rugby, que tu pèses 50 ou 130 kg, tu as une place, tu as un rôle à jouer.
Lucie : parfois, on propose un temps de prière avant un match ou au moins un temps d’intériorité. Quand nous avons organisé le Challenge des cathédrales l’année dernière, chacun était invité à prendre un temps dans la nature – nous avons joué à Luminy – et à se poser des questions à partir d’un texte à méditer. C’est important de laisser de la place à l’écoute, au silence, même dans un tournoi de rugby ! A la fin du Challenge, il y avait une messe de clôture : tout le monde est venu, cathos ou pas. C’était un beau moment de communion.
Faites-vous des liens entre les valeurs qui se déploient dans le rugby et celles auxquelles invite l’Evangile ?
Joseph : Le rugby comme la vie spirituelle, c’est un combat. On apprend à se relever après un échec. On réalise qu’on a besoin du groupe. Même les ermites se retrouvent entre eux ! On donne de soi au service du groupe. Au rugby, les victoires ne sont jamais personnelles. L’objectif, c’est toujours le bien de tous. Enfin, le fait de partager une même foi est un élément très fédérateur, mais jamais excluant vis-à-vis de ceux qui ne la partagent pas.
Lucie : La fraternité, l’effort, la combativité, toutes ces valeurs se retrouvent autant dans le rugby que dans l’Evangile. Le côté fraternel me plaît beaucoup : on ne joue pas d’abord pour gagner. On joue parce qu’on est heureuses d’être ensemble, de s’affronter certes, mais sans jamais chercher à écraser l’autre. La solidarité, l’engagement, la volonté, le dépassement de soi : on doit développer tout cela dans la vie spirituelle ! Ce que j’aime aussi dans le rugby, c’est que cela m’aide à prendre confiance en moi et à faire confiance. A lâcher prise. A écouter les autres. A mettre en pratique les conseils du coach. A me relever après un impact – et ça demande beaucoup d’humilité quand tu viens de te faire plaquer à terre – et à m’appuyer sur les autres. Je suis heureuse de vivre dans mon corps ce dont j’ai besoin pour ma vie spirituelle.
Propos recueillis par Amaury Guillem
Crédit Photo Diocèse de Marseille
Retrouver l’intégralité du dossier Sport et foi dans le numéro de mai 2024 d’Eglise à Marseille.
Publié le 26 juillet 2024
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