« Les enfants aveugles m’ont montré ma vocation »

Sœur Chantal a passé 23 ans au service d’enfants aveugles et sourds à Madagascar, un des pays les plus pauvres du monde. Nommée Supérieure des sœurs de Marie Immaculée en mai 2024, elle rentre à Marseille, berceau de sa congrégation. Pour Eglise à Marseille, elle revient sur ses années malgaches.

 « Quand nous sommes arrivées à Madagascar avec Sœur Marie Huguette, nous n’avions rien : ni terrain, ni maison mais, l’accueil des Malgaches a été extrêmement chaleureux. Rapidement, nous avons fait construire une école. Une autre sœur nous a rejointes pour ouvrir l’école Ephata, qui signifie « ouvre-toi ». Désormais 53 aveugles de 6 à 22 ans y sont scolarisés. Ils viennent de 11 régions de Madagascar car l’Etat ne prend pas en charge ni les aveugles ni les sourds. Le handicap est mal perçu et les enfants porteurs de handicap sont cachés.

Les enfants porteurs de handicap sont cachés

Au fil des années, un deuxième puis un troisième bâtiment ont agrandi l’école. J’ai compris à Madagascar ce qu’était la Providence illustrée par ce verset de l’évangile de Matthieu, « ne te soucie pas du lendemain : le lendemain se souciera de lui-même. A chaque jour suffit sa peine ». C’est une force incroyable de vivre ainsi ! Mais pour faire confiance, il faut du détachement et aussi la foi quand il s’agit de payer chaque mois 29 salariés et de nourrir les enfants. Un jour, nous n’avions plus de riz ; un représentant d’une ONG chargée de financer des cantines, est venu sonner à notre porte. Un autre jour nous avions besoin d’argent pour financer une opération des yeux. Quelqu’un arrive chez nous et décide de parrainer l’opération. Idem lorsqu’il a fallu financer un fauteuil et un déambulateur. Cette œuvre est le fruit de la Providence et du travail des sœurs engagées dans ce projet qui ont apporté leur pierre à l’édifice.

Des enfants suivis à leur sortie de l’école

A leur sortie de l’école, les enfants sont suivis encore un an. Par exemple, si l’enfant a appris l’élevage, on lui donne des poules et un coq et on demande aux parents de construire un poulailler que nous finançons. Ainsi, ce sont souvent les enfants qui font vivre leurs parents.

Les enfants m’ont énormément apporté. A leur contact, j’ai appris à rester humble, à accueillir les choses simples, à respecter les enfants, à goûter leur esprit de famille, leur sens du partage et de la solidarité. Ils n’ont rien et pourtant trouvent toujours quelque chose à donner. Parfois ce sont les parents qui nous offrent une orange pour nous remercier. J’ai appris à vivre le temps autrement et étonnamment cela m’a aussi redonné le sens de la prière. Ici, on vit la plénitude de l’instant présent et on ne sait pas de quoi demain sera fait. Cela apprend la confiance. J’ai appris à me laisser faire : même après 23 ans !  Je n’ai pas réussi à maîtriser le malgache et l’accepter m’apprend l’humilité. Cela a aussi de bons côtés : les enfants apprennent le français ou ils viennent à deux et l’un des deux traduit.

Ce qui m’attriste néanmoins c’est cette misère qui règne partout. Plus de 20 ans après mon arrivée, je suis blessée par les enfants qui mangent sur un tas d’ordures ».

Sœur Chantal touche les cœurs par son enthousiasme communicatif et sa foi en la Providence contagieuse. Les personnes qu’elle a côtoyées à Madagascar ont vu partir « leur mère » avec tristesse et regret. Une nouvelle page s’écrit pour Sœur Chantal, à Marseille désormais…

Catherine Donazzan

Crédit photo: DR

Un mot sur la congrégation:

La Congrégation des Sœurs de Marie Immaculée a été fondée en 1858 par Louis-Toussaint Dassy ; sa création a été approuvée par Mgr Eugène de Mazenod

Elle compte 24 sœurs dans le monde : 12 à la maison mère de Marseille, 3 à Nice, 2 à Point Saint Esprit, 4 à la Réunion et 3 à Madagascar.

Pour participer à cette œuvre, vous pouvez contacter les Sœurs de Marie Immaculée 8, montée de l’Oratoire 13007 Marseille.

Retrouvez l’interview de Sr Chantal dans le numéro de Septembre d’Eglise à Marseille, pour vous abonner c’est ici!