MED 24 : fraternité méditerranéenne à Tirana

Après Bari, Florence et Marseille, c’est une nouvelle étape des Rencontres méditerranéennes qui s’est tenue à Tirana en Albanie du 15 au 21 septembre dernier. Sur le même modèle qu’à Marseille, une assemblée de 46 jeunes de 20 à 32 ans, originaires des cinq rives de la Méditerranée et appartenant à des religions et des cultures différentes, se sont rassemblés et ont rencontré 14 évêques, sur le thème ‘‘Pèlerins de l’espoir. Bâtisseurs de paix’’.

C’était un souhait des Rencontres méditerranéennes de Marseille et il est exaucé : permettre de poursuivre des échanges réguliers entre des jeunes de tout le pourtour méditerranéen, de toutes nationalités, cultures et religions. A Tirana, les jeunes présents n’étaient pas les mêmes qu’à Marseille, pour élargir le cercle des nouveaux ambassadeurs de paix et qu’ainsi, la culture du dialogue gagne du terrain dans cette région du monde déchirée par les conflits. Un an après Marseille, et face à la polarisation du conflit israélo-palestinien depuis le 7 octobre 2023, la nécessité de telles rencontres pour construire la paix n’en est que plus vive : les 46 jeunes présents à Tirana, répartis en groupes de six ou sept, s’y sont attelés.

« Les premiers jours, nous avons échangé sur ce que nous vivons chacun dans nos réalités, raconte Baptiste Derville, jeune marseillais qui avait participé aux Rencontres de Marseille et était présent à Tirana. Mon groupe était composé d’une Palestinienne chrétienne, d’une Arménienne, d’un Malien, d’un Marocain musulman et d’un Albanais. Quotidien fait de check-points, conflit au Haut Karabakh, chemins de migrations passés par l’Italie, nécessité de migrer quand un pays ne fournit aucune aide à ses étudiants… Chaque histoire personnelle résonnait avec la triste actualité. »

Dès le début de la semaine aussi, le Pape François s’est adressé aux jeunes réunis à Tirana dans une message vidéo. Comme une suite du discours au Palais du Pharo, dans lequel il avait répété sa crainte de voir la Méditerranée « berceau de la civilisation » se transformer « en tombeau de la dignité », le souverain pontife a invité les jeunes présents à Tirana à être « des pèlerins de l’espérance et à suivre les signes de Dieu » pour que «la Méditerranée retrouve son plus beau visage : celui de la fraternité et de la paix et qu’elle ne soit plus un cimetière». La fraternité, comme une réponse à l’indifférence pour le Pape qui a rappelé que « construire la fraternité, c’est aussi mettre au centre la voix de ceux qui ne sont pas écoutés ».

L’Albanie, un pays-témoin

 L’Albanie, petit pays des Balkans de 3,5 millions d’habitants, a connu une dictature stalinienne durant la guerre froide. Le pays se revendiquait alors comme le premier état athée de la planète. Des années douloureuses durant lesquelles les lieux de culte étaient dynamités ou fermés et les membres des clergés interdits de ministère. Dieu n’était pas le bienvenu : la persécution a touché toutes les religions présentes dans le pays. A la chute du communisme, le pays a retrouvé petit à petit une vie spirituelle, une pratique, des lieux de cultes et par conséquent un dialogue religieux solidement enracinés dans leur commune expérience de la persécution. Aujourd’hui, près de 70% des Albanais sont musulmans, 20% sont orthodoxes et 10% sont catholiques. Pour son premier voyage en Europe en 2014, au début de son pontificat, le Pape François avait choisi l’Albanie.

« Au cours de notre session, nous avons plongé dans l’histoire douloureuse de ce pays, se souvient Baptiste. Nous nous sommes rendus à Shkodër, où nous avons visité un ancien couvent franciscain réquisitionné par la dictature pour y mettre le service des renseignements albanais pendant la période communiste. Des dignitaires religieux, prêtres et imams, y ont été enfermés et pour beaucoup torturés et mis à mort. Certains en ont réchappé et ont pu témoigner de ce qu’ils avaient vécu. Voir 40 ans de dictature en Albanie, qui percevait la religion comme un ennemi de l’Etat est impressionnant. » Autres temps marquants : une nuit passée dans un centre de la Caritas, qui accueille des migrants en transit amenés par la police, la visite d’une cathédrale orthodoxe ou encore des conférences sur la question religieuse, ainsi que le témoignage d’un musulman albanais qui a développé un programme concret de dialogue interreligieux dans son pays.

Selon Baptiste, ce programme a permis aux jeunes de préparer « leurs esprits et leurs cœurs avant l’arrivée des 14 évêques du pourtour méditerranéen » le jeudi 19 septembre. « Un dialogue simple et constructif s’est installé entre la hiérarchie ecclésiale et ces jeunes laïcs, symbole d’une nouvelle génération, peut-être plus radicaux dans leurs désirs et leurs rêves ». A Tirana se sont croisés d’infatigables pèlerins de l’espérance qui veulent cheminer ensemble pour que « la Méditerranée retrouve son plus beau visage : celui de la fraternité et de la paix. » Et l’aventure ne fait que commencer : alors que MED 24 se termine, MED 25[1] pointe à l’horizon. MED 25 – Le Bel Espoir, c’est huit mois de navigation en Méditerranée avec huit groupes de 25 jeunes, des colloques thématiques, des festivals, une trentaine d’escales sur les cinq rives. Une navigation au souffle de l’espérance qu’Eglise à Marseille vous fera suivre : bienvenue à bord !

Crédit photo Med 24

A retrouver dans Eglise à Marseille, numéro d’octobre.

[1] www.med25belespoir.org