Messe chrismale 2023

chrismale 2023

Messe chrismale

Lundi 3 avril 2023

 

 

 

« Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. »

C’est ainsi, nous dit saint Luc, que Jésus avait commencé son ministère public, juste après avoir lu quelques versets du livre d’Isaïe dans la synagogue de Nazareth, dans cette ville « où il avait été élevé », cette petite bourgade où lui, le Fils de Dieu que chacun connaissait comme le fils du charpentier, avait appris à être un homme, en faisant « de l’intérieur » l’expérience de la condition humaine en toutes choses, excepté le péché. « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture », un passage chargé d’espérance que Jésus reçoit comme le programme que son Père, du haut des cieux, lui donne comme feuille de route : « porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération et aux aveugles, qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur (Lc 4, 18-19). »

Vendredi prochain, Vendredi Saint, nous relirons le récit de la Passion et nous entendrons ce que saint Jean, et lui seul parmi les évangélistes, recueille comme étant la dernière parole de Jésus, juste après qu’ayant dit « j’ai soif », on eut approché de sa bouche une éponge remplie de vinaigre. « Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : “Tout est accompli”. Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit. » Et nous comprendrons alors que, depuis la synagogue de Nazareth jusqu’au rocher du Golgotha, l’œuvre de la rédemption du monde s’est accomplie tout au long de la vie de cet homme, qui était passé en faisant le bien mais que la folie des hommes avait rejeté. Peu à peu, Jésus avait compris qu’il lui faudrait aller jusqu’à donner son sang pour que tout soit accompli. Prenant la coupe, au soir de la Cène, Jésus avait dit : « Voici le sang de l’Alliance, versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés ! » (Mt 26, 28). Plus tard, saint Pierre écrira dans sa première épître : « Ce n’est point par des choses périssables, argent ou or, que vous avez été rachetés […], mais par le sang précieux, comme d’un agneau sans défaut et sans tache, celui du Christ » (I P. 1, 18-19).

Bien des martyrs, dès le début de l’Église et jusqu’à aujourd’hui, ont fait l’expérience d’être associés par le don de leur sang à l’œuvre du salut. Non pas parce que la foi chrétienne serait morbide, mais bien plutôt parce qu’elle rend libres les disciples de l’Agneau, libres de tout donner par amour. « Ma vie, nul ne la prend mais c’est moi qui la donne », avait dit Jésus (Jn 10, 18). Et aussi : « Si le grain de blé ne tombe en terre, s’il ne meurt, il reste seul. Mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 24). Tel fut le combat qu’il dut livrer, un combat dont il sortit vainqueur, confiant à son Église la mission d’en témoigner à temps et à contretemps, avec la force de l’Esprit Saint. Et ce soir, dans notre Cathédrale, deux signes nous sont donnés par ce même Esprit Saint, pour nous aider à prendre notre part de ce combat par lequel se poursuit l’œuvre du salut. Le premier signe, ce sont ces huiles que nous allons apporter tout à l’heure : celle des infirmes, en vue de l’onction des malades, et celle des catéchumènes, en vue du baptême, afin qu’elles soient bénies, puis le saint chrême, afin qu’il soit consacré, en vue des confirmations, des ordinations, ou pour la dédicace des églises. À travers elles, c’est toute la vie du peuple de Dieu qui est présentée et confiée au Seigneur, toutes les joies et tous les combats de ce peuple, afin que, fortifié par ces huiles saintes, il se dispose à suivre le Christ, à prendre part à ses souffrances et à communiquer au monde entier la Bonne Nouvelle de sa Résurrection.

Et l’autre signe, qui va nous être donné dans un moment, à travers le renouvellement solennel, par les prêtres et les diacres ici présents, des promesses de leur ordination, c’est que le sacerdoce ministériel et plus largement les ministères dans l’Église, sont un don que Dieu fait à son peuple, pour lui manifester sa présence, sa proximité, lui accorder la grâce des sacrements, par lesquels se donnent la compassion et la tendresse du Père, afin que toute chair puisse voir le salut de Dieu. C’est au nom du peuple de Dieu que je voudrais aussi vous dire merci, chers frères prêtres et diacres. En parcourant le diocèse de long en large, en discutant avec vous à de multiples occasions, en vous écoutant parler de ce peuple, en portant avec vous ses joies et ses tristesses, ses espoirs et ses angoisses, je mesure combien vous essayez de votre mieux de l’aimer et de le servir, de l’encourager et de le guider. Et dans ma prière, je rends grâce à Dieu d’avoir donné au peuple de notre diocèse des prêtres qui essaient de témoigner, tant bien que mal, de la proximité indéfectible de Dieu, surtout auprès des plus petits et des plus démunis.

Car l’œuvre du salut, frères et sœurs, ne se déploie pas à côté de l’histoire du monde, mais bien dans cette histoire concrète, qu’il nous faut apprendre à regarder aussi du point de vue des vaincus, sans nous laisser anesthésier par la propagande de l’histoire des vainqueurs. J’y pensais ce matin en apprenant les trois fusillades de la nuit dernière dans les Quartiers-Nord, toutes liées au trafic de drogue : l’une au Castellas, faisant deux morts, âgés de 21 et 23 ans, et trois blessés, la deuxième aux Aygalades, faisant six blessés, et la troisième près de la Joliette, faisant un mort âgé de 16 ans et deux blessés, âgés de 15 ans et de 14 ans. Et la nuit précédente, une autre fusillade dans le troisième arrondissement avait fait quatre blessés. Jusqu’où faudra-t-il aller pour qu’enfin les consciences se réveillent ? Je pense aux familles, devenues prisonnières de leur environnement. Ce soir, notre prière les rejoint, comme elle rejoint et soutient toutes les petites communautés religieuses qui ont choisi d’habiter ces quartiers, au nom de toute notre Église diocésaine, pour y exprimer la proximité de Dieu, Lui qui n’abandonne pas ses enfants, surtout lorsqu’ils sont victimes de la violence et du mépris. C’est tout notre diocèse qui est concerné. Comme il est concerné par le respect de toute vie, depuis la conception jusqu’à la mort, et je sais combien, de multiples manières, des soignants, des professionnels de la santé, des familles, essaient de résister au rouleau compresseur de certaines idéologies qui gouvernent le monde dit « moderne », mais qui dévoile jour après jour son inhumanité.

Dans le petit passage de l’Apocalypse qui nous a été lu tout à l’heure, saint Jean nous invite à contempler le Christ, « le témoin fidèle, le premier-né des morts, le prince des rois de la terre ». Et il ajoute, comme pour affermir dans la foi et l’espérance ces premières communautés chrétiennes ballotées par les persécutions et les violences du monde : « Que la grâce et la paix vous soient données de la part de Jésus Christ. […]. À lui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, qui a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu et Père, à lui, la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles. » Tout tient dans le « il nous aime », un présent qui marque la permanence de cet amour, qui insère toute l’histoire du monde dans l’aujourd’hui éternel de Dieu : « Moi, je suis l’Alpha et l’Oméga, dit le Seigneur. Celui qui est, qui était et qui vient, le Souverain de l’univers. » Qu’Il soit loué, Lui par qui, avec qui et en qui tout est accompli !

Amen !

 

 

+ Jean-Marc Aveline

Publié le 03 avril 2023 dans

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