« On ne peut pas faire l’économie de travailler ensemble »

Parmi les premiers à avoir rejoint la dynamique des Assises œcuméniques de la diaconie, l’association protestante Marhaban, située à Noailles, accompagne les personnes en exil arrivées à Marseille.
En remontant la Canebière, depuis le métro Noailles, dans un local jouxtant la maison des associations, se trouve l’association diaconale protestante, Marhaban. Une institution dans le quartier puisqu’elle est installée ici depuis plus de dix ans. Tout le monde s’affaire en ce mardi après-midi, jour de distribution des colis alimentaires. Sandra, en charge de la partie distribution et épicerie, nous accueille chaleureusement et nous conduit à Mélanie, directrice de Marhaban depuis 2009. Elle nous propose de visiter les lieux mais avant, elle prend le temps de nous présenter les personnes qui l’entourent, tout d’abord Myriam, copte orthodoxe égyptienne qui est assistante socio-éducative à Mahraban, puis Leila, géorgienne qui nous salue timidement et enfin Yasmine, la fille de Sandra qui est en CE1. Armée de crayons, elle dessine dans un coin et ne semble pas perturber par l’effervescence qui règne dans la pièce. La salle principale est dédiée à la partie alimentaire et dans un coin Manon gère la médiation santé pour permettre un accès facilité aux parcours de soin. Après avoir traversé un long couloir, nous parvenons à une grande pièce où l’Armée du Salut, qui est aussi une Eglise protestante, célèbre le culte, chaque dimanche. Dans la pièce à côté, Jean Luc, originaire du Bénin, et membre de l’intendance de la distribution des colis, s’affaire. Il nous salue rapidement avant de retourner à sa tâche. Mélanie retrace l’histoire de l’association dont elle a pris les rênes en 2009. Elle naît en 1985 au cœur de la cité Félix Pyat. Des missionnaires luthériens finlandais sont venus là pour proposer du soutien scolaire, des cours d’alphabétisation et des groupes de partages pour des femmes isolées et précaires. Au début des années 2000, l’association rejoint le quartier de Noailles. L’objectif est de répondre aux besoins du quartier, tout en mettant en relations toutes les Eglises protestantes du centre-ville. Un pari plutôt réussi puisque l’équipe est composée de protestants avec différentes sensibilités réformés ou évangéliques. L’œcuménisme à Marhaban est assez naturel. Durant la crise sanitaire, les liens avec les paroisses catholiques se sont renforcés afin de venir en aide à tous les nécessiteux du quartier. Si le temps du confinement semble révolus, les besoins, eux, ne faiblissent pas.
Une dimension humanitaire indissociable de la dimension chrétienne
Mais qui sont ces familles qui poussent les portes de Marhaban ? Pour la plupart réfugiées ou en exil, elles ont rejoint l’association par le bouche-à-oreille. Des années 1990 à 2015, l’association accueillait principalement des familles maghrébines. A partir de 2015, il y a eu « un basculement géopolitique, explique Mélanie, les familles étaient plutôt originaires d’Afrique de l’ouest et d’Europe de l’est, avec quelques vagues ponctuelles de nigériens chrétiens ou de personnes arrivées de Mongolie ». Une diversité qui pousse l’association à toujours s’ouvrir à la mixité et aux échanges interculturels.
Comme à ses débuts, l’association propose toujours du soutien scolaire, ainsi que des cours de langue et d’alphabétisation. Pour ces derniers, la demande a explosé ces dernières années et l’association ne parvient pas toujours à répondre à la demande. Depuis les années Covid, l’association a développé également un volet plus alimentaire avec distribution de colis et épicerie solidaire qui propose des produits bio et locaux à petits prix. Mélanie n’oublie pas la dimension conviviale indispensable dans ces parcours d’exil, elle prend vie sous la forme de groupes de partage, de couture ou des ateliers de cuisine, pour lesquels des restaurants du quartier ouvrent leurs portes.
L’association de diaconie protestante souhaite ne pas mettre de côté sa dimension chrétienne et développe une partie aumônerie avec des échanges sur la foi et des clubs bibliques pour ceux qui le souhaitent. Pour Mélanie, « la dimension humanitaire ne doit pas être séparée de l’Eglise et nous avons à cœur de témoigner que l’Église est un lieu ouvert où les personnes sont bienvenues et où chacun a du prix ».
Parmi les défis auxquels est confronté l’association, il y a un fil rouge : la question de la mise en capacité des personnes et leur valorisation. Pour cela, Mélanie aimerait développer d’avantage l’accès à la langue car c’est le seul moyen de permettre aux personnes exilées d’acquérir un champ lexical qui leur permette de s’exprimer, de se défendre et de faire valoir leurs droits et de comprendre aussi ce qu’on attend d’elles.
Quand on lui a proposé de participer aux assises de la diaconie, elle a répondu oui tout de suite. D’abord l’œcuménisme à Marhaban est une évidence. « C’est la première fois que les responsables des institutions se positionnent en faveur d’un œcuménisme vécu dans le service à Marseille, s’enthousiasme-t-elle, c’est un acte fort et cela va nous ouvrir des portes. Ces Assises, les rencontres et les échanges qu’elles vont permettre pourraient déboucher sur la création d’un véritable service œcuménique de la diaconie. Quel beau témoignage ce serait ! Face aux enjeux actuels à Marseille, on ne peut pas faire l’économie de travailler ensemble. On doit essayer de coopérer au mieux sur ces enjeux. L’Evangile nous y incite et on le partage tous en commun donc pourquoi ne pas le faire ensemble ? Cela va permettre une dynamique en profondeur et sur le long terme ».
Les assises œcuméniques de la diaconie seront lancées le 1er décembre prochain à 16h30 à la basilique du Sacré Cœur, lors d’une célébration œcuménique. Un temps de prière « pour vraiment appeler le souffle de l’esprit et reposer le fondement de notre projet sur la centralité en Christ ». En parallèle, un questionnaire sera envoyé auprès des responsables des églises, prêtres et pasteurs, pour voir en quoi la pauvreté impacte leur ministère et échanger sur la façon d’avancer ensemble surtout si les problématiques se rejoignent. Et, si un forum de la diaconie se tient au printemps, ceux qui s’engagent aujourd’hui dans les Assises de la diaconie souhaitent que l’évènement ne soit pas ponctuel et isolé mais s’inscrive dans la durée car les besoins à Marseille sont immenses.
Sophie Lecomte
Crédit photo association Mahraban
Retrouver le dossier sur la Diaconie dans le numéro de novembre d’Eglise à Marseille
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