Ordination diaconale de Christian Icard
« C’était après la mort de Jésus ».
C’est-à-dire après l’immense déception que cette mort avait suscitée chez celles et ceux qui avaient suivi le Christ pendant trois ans sur les routes de Palestine. Trois ans de joie profonde pour ces hommes et ces femmes, depuis que Jésus les avait appelés à le suivre et qu’ils avaient tout quitté pour cela, touchés qu’ils étaient par sa simplicité et surtout par la liberté et la puissance de sa Parole. Et puis les choses avaient mal tourné, sans doute parce que Jésus se voulait tout à tous, surtout aux plus pauvres et aux pécheurs, aux malades et aux exclus. Alors les puissants, qu’ils soient politiques ou religieux, avaient pris peur pour leur propre pouvoir. Ils avaient retourné les foules, fomenté un faux procès et l’avaient mis à mort, une mort ignominieuse, sur le bois de la croix, comme un brigand. Alors les disciples s’étaient cachés. Ils avaient verrouillé les portes du lieu où ils s’étaient réfugiés. Il ne leur restait plus qu’à espérer en la promesse que Jésus leur avait faite de leur envoyer l’Esprit consolateur. Mais comment ferait-il ?
Ils étaient donc là, « le soir venu, en ce premier jour de la semaine », ce jour qui deviendra le dimanche, juste après le shabbat. Jésus vient, nous raconte l’évangéliste saint Jean, le seul qui fût resté jusqu’à la fin au pied de la croix avec Marie, la mère de Jésus. Il leur dit : « La paix soit avec vous », leur montre les traces de ses plaies aux mains et au côté, afin qu’ils soient sûrs que c’est bien lui. Et dans l’immense joie qui les saisit alors, balayant en un instant tant de tristesses et tant de déceptions, tant d’hésitations et tant de reniements, Jésus, leur redonnant toute sa confiance, les envoie en mission : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie ». Puis, il souffle sur eux pour leur donner l’Esprit Saint. Ainsi est née l’Église, chers amis ! Comme Dieu le Père, au commencement du monde, avait soufflé sur tout être créé pour lui donner l’haleine de vie, ainsi que nous le lisons au livre de la Genèse, ainsi Jésus, le Fils de Dieu, au soir de sa Résurrection, souffla sur chacun de ses disciples pour donner vie à son Église par le souffle de l’Esprit. Désormais, l’Esprit et l’Église auraient à continuer l’œuvre du Fils. Désormais, le Fils et l’Esprit, comme les deux mains du Père, selon la belle expression de saint Irénée, convoqueraient l’Église, peuple de témoins, pour qu’elle travaille en ce monde à l’œuvre du Père, l’œuvre du salut.
Voilà, chers amis, ce qu’avec l’Église universelle, nous célébrons aujourd’hui, en cette fête de Pentecôte. Depuis ce moment-là, l’Église, poussée par l’Esprit, « accompagne la marche de Dieu vers les peuples du monde », selon l’heureuse formule de Joseph Ratzinger, qui devait devenir le pape Benoît XVI. Telle est la dynamique de sa mission, à l’école du Christ serviteur. Cher Christian, le ministère de diacre, que tu reçois aujourd’hui, est pour toute l’Église un rappel exigeant de ce commandement du Christ, le commandement du service. Par ton ministère, tu rappelleras à notre Église de Marseille que sa mission est de servir, d’être au service de la relation d’amour de Dieu pour le monde. Comme le dit saint Jean : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son propre Fils » (Jn 3, 16). À cause de cela, l’Église n’a pas son centre de gravité en elle-même, comme si elle était autosuffisante. Chaque fois qu’elle le croit, elle se trompe ! Son centre de gravité n’est même pas dans la relation douillette qu’elle entretiendrait avec Dieu, comme si elle avait le monopole de la bonté ou de la générosité. Car nous savons tous, et vous le savez bien, chers Marie-Laure et Christian, qu’il n’y a pas besoin d’être chrétien pour être généreux et faire de belles choses pour les autres. Non, le centre de gravité de l’Église n’est ni en elle-même, ni dans sa relation à Dieu, mais dans sa mission de service de la relation d’amour de Dieu pour le monde. Voilà ce qui la décentre d’elle-même et c’est ce travail décentrement que le ministère diaconal, au sein de l’Église, a mission d’accompagner et de promouvoir ! Paradoxalement, ce ministère est central parce qu’il veille au décentrement ! Mais ce paradoxe n’est pas toujours facile à saisir !
Dans l’une des lettres que tu m’as envoyées récemment, cher Christian, tu me disais : « Je reconnais que le ministère diaconal n’a rien d’évident. Je sais ce qu’il n’est pas : ni la reconnaissance d’un quelconque statut, ni un pouvoir. Le diacre n’est ni un sous-prêtre, ni un super-laïc. Tout ce que “fait” un diacre pourrait être accompli par tout baptisé bien que de manière exceptionnelle. Même la collaboration avec les curés peut être difficile à ajuster : le diacre n’est pas un vicaire, il n’est pas disponible tout le temps à cause de son travail et de sa vie familiale, il n’a pas donné toute sa vie au Christ… » Mais tu ajoutais cette définition du ministère diaconal que je confirme : « D’abord, collaborer avec l’évêque et les prêtres au service de la communauté des baptisés ; ensuite, être une présence visible dans le monde et auprès de tous ; enfin, porter la prière de l’Église en union avec le peuple de Dieu. »
Comme je suis heureux, cher Christian, de pouvoir te compter, comme tous les diacres, comme l’un de mes plus proches coopérateurs, pour aider l’Église à bien vivre cette mission ! N’aie pas peur d’alerter l’Église lorsqu’elle se centre trop sur elle-même, sur ses craintes ou sur ses illusions ! N’aie pas peur de tes propres faiblesses ni de celles de l’Église. Ton épouse Marie-Laure, dans l’une de ses lettres, m’avait écrit ceci : « La venue de l’Esprit Saint sur les apôtres et la force dans leur mission qui en a découlé nous rappellent la puissance de Dieu dans nos pauvres vies. Qu’il en soit ainsi car sans Dieu, nous ne pouvons rien faire ! » Le sacrement de votre mariage sera toujours la force sous-jacente de ton ministère diaconal. Le sacrement que tu reçois aujourd’hui, cher Christian, vient se greffer sur le sacrement de mariage que vous vous êtes conférés l’un à l’autre et c’est la raison pour laquelle, si tu reçois le diaconat, c’est bien Marie-Laure et toi qui accueillez ensemble le don qui t’est fait.
Je sais que c’est par la porte du service des pauvres que le Seigneur, depuis longtemps, vous invite à passer. Et c’est bien le service des pauvres qui est l’indice, pour l’Église, de sa capacité de décentrement. Diacre, tu seras un portier, pas un douanier ; un serviteur, pas un contrôleur. Dans ton travail, continue cependant à contrôler le fisc, pour lutter contre les injustices ! Mais dans ton ministère, dépense sans compter la miséricorde du Seigneur, car elle est infinie !
« De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie », avait dit Jésus à ses disciples. Et il avait soufflé sur eux l’Esprit Saint. Que ce même Esprit redonne à notre Église le souffle de la mission et que ton ordination, cher Christian, en ce beau jour de Pentecôte, stimule notre Église de Marseille pour qu’elle annonce par toute sa vie l’Évangile de Jésus Christ.
Amen !
+ Jean-Marc Aveline
Ordination de Christian Icard au diaconat permanent
Plan-de-Cuques, dimanche 28 mai 2023
Publié le 05 juin 2023 dans Homélies de Mgr Jean-Marc Aveline
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