Ordination presbytérale d’Arnaud Coppolani, Mac Van Hoang et Antoine Sigaudo

« La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. »
Comment ne pas rendre grâce ce soir, chers frères et sœurs, pour ces trois nouveaux ouvriers que le Seigneur, dans sa sollicitude, envoie comme prêtres, au service de la moisson dans notre diocèse de Marseille ? D’autant qu’à ces trois il faut en ajouter un quatrième, Antoine Desdouits, qui sera ordonné prêtre dans quelques semaines avec ses confrères de la Mission de France, mais qui servira à Marseille, où il a déjà vécu son ministère diaconal. Comment ne pas nous réjouir, également, de l’ordination au diaconat permanent de Christian Icard, il y a quelques semaines à Plan-de-Cuques ? Et comment ne pas rendre grâces pour les deux-cent-dix adultes confirmés ici-même lors de la vigile de Pentecôte, et les plus de six cents jeunes qui ont été confirmés dans cette Cathédrale, au début de mois de juin ? Oui, c’est avec humilité et reconnaissance que nous méditons ces événements en nos cœurs, sans oublier tous les jeunes du diocèse qui s’engagent dans le mariage, dans la vie consacrée, ou qui, de diverses manières, cheminent dans l’Esprit Saint en se mettant au service de leurs frères, surtout des plus pauvres. C’est bien humblement que nous rendons grâce à Dieu pour cette œuvre de salut dont il nous rend témoins.
Ce soir, chers Arnaud, Van et Antoine, l’Église de Marseille retient son souffle, pour laisser l’Esprit souffler sur vous… et aussi sur elle parce que, par sa prière et toute sa foi, elle voudrait soutenir les « oui » que vous allez prononcer. Le bon peuple de Dieu sait bien que, comme Jérémie, vous n’êtes pas des héros ! Vous aussi, vous avez dû contenir vos craintes et calmer votre effroi lorsque le Seigneur vous a appelés. Vous aussi, vous avez dû apprendre à faire confiance, non pas à vos propres forces, mais à la puissance du Seigneur, et accueillir pour vous sa promesse, comme celle qu’il avait faite jadis au prophète : « Ne […] crains pas, car je suis avec toi pour te délivrer. » Toi, Arnaud, qui as choisi pour devise cette phrase de l’apôtre Paul à Timothée, « Je sais en qui j’ai mis ma confiance » (II Tm 1, 12), tu sais mieux que moi comment le Seigneur t’a permis de dépasser tes peurs et tes appréhensions et de réaliser des choses dont tu étais loin de t’estimer capable. Et, crois-moi, il n’y a pas de raison que le Seigneur s’arrête en si bon chemin ! Toi, Van, qui as pris pour devise le refrain du Psalmiste, « À lui mon cœur fait confiance » (Ps 27, 7), je connais ta sensibilité aux personnes et à leur dignité. Tu en as parfois payé chèrement le prix, mais c’est par cette délicatesse de cœur et cette capacité d’indignation, qui te caractérisent, que le Seigneur t’a fait comprendre qu’Il était ton roc : continue de t’appuyer sur lui ! Et toi, Antoine, dont la devise reprend le message envoyé par le Seigneur au prophète Isaïe, « Consolez, consolez mon peuple » (Is 40), je sais que ton goût pour la Parole divine te pousse à scruter les Écritures avec compétence et à partager aux autres les choses savoureuses de Dieu. C’est d’ailleurs par cette Parole que le Seigneur t’a séduit, lorsqu’Il s’est plu à révéler en toi l’appel à Le suivre de plus près. Continue à lui faire confiance, pour le bien et pour la consolation de son Peuple.
Tous les trois, vous entrez ce soir dans le presbyterium diocésain de Marseille. Les prêtres vous accueillent ; mieux, ils vous attendent ! Ils vous attendent parce qu’ils pressentent que votre engagement d’aujourd’hui est susceptible de réveiller en eux ce qu’il y a de meilleur, ce qui vient du premier appel, du premier amour, et que les années et les difficultés du chemin ont peut-être, parfois, un peu obscurci ou attiédi. C’est que, mieux vaut vous le dire tout de suite, le chemin que vous prenez est un chemin magnifique, mais un chemin difficile. Ne cherchons pas à faire croire, je me mets avec vous, que la voie est tranquille et que nous sommes parfaits : c’est faux ! La mer est souvent agitée et nous sommes tous des pécheurs, et nous le savons bien. Mais nous savons aussi que le Seigneur le sait, et que pourtant c’est ainsi qu’il est venu nous chercher et nous appeler pour embarquer avec Lui et avec toute l’Église. Tous, nous manquons de foi pour le rejoindre quand il marche sur les eaux, mais à chacun, il tend, comme à Pierre, une main secourable, une main qui refait confiance et envoie en mission : « m’aimes-tu ? » ; « Pais mes brebis » !
Vous donc, chers frères et sœurs, aimez vos prêtres ! Souvenons-nous toujours que le Christ est le seul prêtre et que tout baptisé a part à son sacerdoce. Et n’oublions pas non plus que ceux qui ont été choisis pour exercer le sacerdoce ministériel au service du sacerdoce commun des fidèles ne sont prêtres que par participation à l’unique sacerdoce du Christ. Aidez-les donc à se renouveler dans la simplicité et la confiance, afin de retrouver et d’entretenir en eux la joie profonde de leur appel. Aidez-les à se convertir et à devenir quotidiennement ce qu’ils sont sacramentellement. Admirez avec eux la beauté du ministère auquel ils ont été appelés pour vous servir. Ne les mettez pas sur un piédestal : ce n’est pas leur rendre service. Mais respectez en eux le don que Dieu vous fait, accueillez le mystère de leur relation particulière au Christ Jésus, leur participation aux souffrances de sa passion, au sacrifice de son eucharistie, à la puissance de son pardon. C’est pour vous et pour toutes les brebis du Seigneur qu’ils ont répondu « oui » à son appel, comme Arnaud, Van et Antoine vont le faire tout à l’heure. Par-delà le ministère de vos prêtres, contemplez le mystère de l’Église.
Et vous, qui allez être ordonnés prêtres par l’imposition de mes mains et celle de tous vos confrères, vous que l’onction de Saint Chrême va configurer au Christ, permettez-moi de vous donner quelques conseils. D’abord, soyez des hommes de prière, des hommes qui entretiennent leur amitié personnelle avec le Seigneur. C’est le plus important ! Saint Charles Borromée disait : « Tu ne pourras pas soigner l’âme des autres si tu laisses la tienne dépérir. À la fin, tu ne feras plus rien, pas même pour les autres. Tu dois avoir du temps pour toi pour être avec Dieu. » Et que votre prière ne soit pas tournée vers vous, mais vers le peuple, qu’il vous faut donc aimer et avec lequel il vous faut cheminer avec respect, proximité et compassion. Ensuite, soyez des hommes de courage. Le Pape François invite souvent les prêtres à se laisser consumer par l’Évangile, sans se ménager. « On ne répond pas à un appel si on est trop préoccupé de son confort, même si ce confort se déguise en confort spirituel ! » Chaque fois que vous mettrez votre étole, souvenez-vous des poids que porte le peuple qui vous est confié, et avec courage, prenez-les sur vos épaules. L’étole n’est pas une décoration ni un honneur. Elle est, à chaque célébration sacramentelle, un rappel de notre communion à la croix du Christ, cette croix qui meurtrissait ses épaules. Il n’y a pas de véritable sacerdoce sans croix. Et il n’y a pas de sacerdoce diocésain sans cette communion profonde, par les épaules où se posent nos étoles, avec tous nos frères prêtres dans le service concret de ce peuple particulier qui habite notre diocèse.
Enfin, soyez des hommes de bonté. Apprenez à lutter contre le goût du pouvoir, qui entraîne toujours le mépris des plus faibles. N’oubliez pas que le témoignage le plus efficace et le plus authentique est de ne pas contredire, par son comportement, tout ce que l’on prêche par sa parole ! Laissez-vous conformer à l’image du Christ bon Pasteur, doux et humble de cœur. Apprenez à pâtir avec le Christ, qui sauva le monde non pas dans un débordement d’activité, mais dans l’inaction confiante de son abandon sur la croix. Un prêtre agité qui ne cherche que le succès humain et l’admiration mondaine de son public risque fort d’être inutile, même s’il célèbre de multiples messes en visio ! À l’inverse, le ministère d’un prêtre malade et alité, qui s’associe dans sa chair aux souffrances du Christ, est d’une insondable fécondité que seul l’Esprit connaît. Cultivez l’humilité. Il y a cent ans, le 29 avril 1923, le pape Pie XI béatifiait sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face. Et il disait :
« Que veut nous dire la petite Thérèse, quelle est la parole que, à travers elle, Dieu veut nous dire ? C’est qu’il est une chose qui devant Dieu est au moins aussi précieuse que l’action, la puissance du génie, les grandes qualités de sagesse et d’organisation, et cette chose, c’est l’humilité, la fidélité totale au devoir d’état, la disposition à tous les sacrifices, l’abandon confiant dans la main et le cœur de Dieu et par-dessus tout la charité vraie, la tendresse véritable pour Jésus-Christ répondant à la tendresse qu’il nous a lui-même témoignée. C’est là une voie qui est non seulement possible mais facile pour tous. »
Telle est la bonté que l’on attend des prêtres. Que sainte Thérèse accompagne vos ministères, chers Arnaud, cher Van et cher Antoine. Je vous confie à elle, qui, comme toutes les carmélites, priait ardemment pour les prêtres. Qu’elle entretienne en vous la joie d’être donnés. Et permettez-moi, pour finir, d’évoquer la prière que fit un autre grand saint de France, saint Charles de Foucauld, le 15 août 1905, alors qu’il venait d’arriver à Tamanrasset. Charles était orphelin de père et de mère depuis l’âge de six ans. Alors ce jour-là, il demanda à la Vierge Marie, la Maman de Jésus, qu’elle veuille bien l’accueillir, lui, encore jeune prêtre, comme un autre de ses enfants, et qu’elle veuille bien le former, afin qu’il devienne comme « un vrai petit frère de Jésus ». Et il conclut ainsi sa prière : « Je vous donne et je vous confie, Mère bien aimée, ma vie et ma mort ».
Avec vous ce soir, chers Arnaud, Van et Antoine, je formule cette prière à notre Bonne Mère, la Vierge de la Garde. Qu’elle prenne soin de vous, nouveaux petits frères de son Fils dans le sacerdoce ministériel ! Et qu’elle mette dans le cœur de nombreux jeunes hommes le désir de devenir prêtres, humbles frères de Jésus au service du peuple de Dieu, afin que l’Évangile soit annoncé au monde entier ! Oui, frères et sœurs, avec Marie, prions « le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson. »
Amen !
+ Jean-Marc Aveline
Cathédrale Sainte Marie Majeure
Dimanche 25 juin 2023
Publié le 27 juin 2023 dans A la une, Homélies de Mgr Jean-Marc Aveline
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