Pâques juive et chrétienne

Pâques juive et chrétienne ont de nombreux points communs : un même mot, Pâque (« sauter » ou « bondir », en Exode 12,11 et 13), une date proche (du 12 au 20 avril 2025), des similitudes dans le rite. Comme le rappelle Paul, le christianisme est greffé sur le tronc du judaïsme, continuité et nouveauté d’une tradition à l’autre. Explications par Françoise Mirabile, membre du Service des relations avec le judaïsme pour le diocèse de Marseille.
Fêter la Pâque juive, c’est faire mémoire de la sortie d’Égypte, c’est un commandement (Exode 12,14), celui de se réunir par famille et de raconter ce récit fondateur qui a forgé l’identité du peuple d’Israël, peuple esclave libéré de sa servitude par l’intervention de Dieu qui accomplit en sa faveur des prodiges. La finalité de la sortie d’Égypte fut de recevoir la Torah au Sinaï (Ex 20), d’accepter de vivre avec les commandements au quotidien pour construire une société plus juste, plus humaine dans la terre promise aux Patriarches.
Jusqu’à la fin de l’époque du Second Temple, on sacrifiait au Temple un agneau pascal qu’on mangeait sur place par clans familiaux. Après la destruction du Temple par les Romains en l’an 70, la pratique des sacrifices d’animaux disparut, et le rite principal devient le seder de la Pâque, repas sacré qui se déroule dans les maisons, autour de la table familiale qui devient autel. Table de fête joliment dressée qui réunit la famille, des personnes de passage, des voisins seuls ou trop pauvres pour célébrer leur propre seder (dans les premiers siècles, les célébrations eucharistiques ont aussi lieu dans les maisons).
Sur la table, le plateau de seder avec un os (rappel de l’agneau pascal), les herbes amères (rappel de la vie difficile en Égypte), trois galettes de pain azyme (rappel du départ en hâte), un œuf dur (signe de deuil pour le temple détruit), une compote de pommes, noix, dattes et vin (rappel du mortier pour la fabrication des briques en Egypte). Chaque convive a devant lui une coupe qui sera remplie de vin à quatre reprises, et un livret, la haggada, pour suivre la liturgie. Le texte de la haggada comprend des passages du Livre de l’Exode, des prières, des bénédictions, des commentaires, des questions. Si l’on se réunit c’est essentiellement pour transmettre aux enfants la connaissance du passé de leur peuple selon le commandement « Tu raconteras à tes enfants » et les initier à leur identité juive (Ex 12, 25-27 et le Chema Israël, en Dt 6).
Comme elles semblent familières à nos oreilles, les paroles qui suivent : on bénit le vin par le kiddouch : « Béni sois-Tu, Eternel, notre Dieu, Roi de l’univers, qui crée le fruit de la vigne », puis le pain azyme : « Béni sois-Tu, Eternel, notre Dieu, Roi de l’univers, qui fait sortir le pain de la terre. » On évoque vicissitudes et espérance, le « pain de misère » que les pères mangèrent en Égypte. « Que celui qui a faim vienne et mange ». Cette année nous sommes esclaves, l’an prochain puissions-nous être libres.
Pourquoi cette nuit se différencie-t-elle de toutes les autres nuits ? C’est la question rituelle posée par l’enfant le plus jeune de la famille qui ouvre le récit de la nuit de libération. Le récit naît de la question. Il raconte les dix plaies dont l’extermination des premiers-nés égyptiens (Jésus est pour les chrétiens le premier-né d’entre les morts), le passage de la mer. On chante la gratitude pour la succession des miracles que fit Dieu en faveur de son peuple, c’est le hallel, les psaumes de louange, 113 à 118, et l’on résume le sens de l’événement ainsi : « Il nous a faits passer de l’esclavage à la liberté, de la tristesse à la joie, du deuil à la fête, de l’obscurité profonde à la grande lumière et de la servitude à la libération. » Il reste à exprimer le vœu traditionnel : l’an prochain, puissions-nous être à Jérusalem !
Enracinement des rites chrétiens dans les rites juifs
La nuit de Pâque, nuit de la transmission, du souvenir du passage de Dieu et de ses merveilles n’évoque-t-elle pas notre vigile pascale ? Nous constatons bien des similitudes entre le seder de Pâque et la liturgie de l’eucharistie chrétienne : prières, actions de grâce, mémorial, consécration, offrande. Jésus est l’Agneau pascal, l’hostie le pain azyme rompu, partagé, mangé, le vin est le sang de l’agneau. Au-delà des signes, c’est la même relation intime à un Dieu personnel, Père, Créateur, qui intervient dans notre histoire, Dieu Sauveur.
Mais le contenu théologique dans la tradition chrétienne est renouvelé. Si les gestes de Jésus pendant la Cène peuvent reprendre ceux d’un repas rituel juif, ses paroles en transforment le sens : « Ceci est mon corps, mon sang. Faites ceci en mémoire de moi ». Jésus est reconnu comme le Messie, sa messianité devient le centre de la foi chrétienne. C’est désormais un Dieu fait homme, livré à la souffrance et à la mort par amour pour nous, pour le rachat de nos péchés (nos frères juifs diraient pour la réparation du monde) qui nous appelle à aimer, à pardonner, à nous donner aux autres, à vivre à son image. Chaque eucharistie devrait dilater notre cœur, l’agrandir, l’ouvrir à l’écoute et à la générosité envers notre prochain. A quoi aurait servi de sortir d’Égypte si ce n’était pour entrer dans cette relation avec Dieu ? En hébreu ,le même mot, `éved, signifie l’esclave de Pharaon et le serviteur de Dieu. Telle est la clé de la fête pascale qui transfigure notre vie : nous sommes invités à choisir dans quel monde nous désirons vivre, celui de Pharaon ou celui du Dieu de l’Alliance qui nous accompagne pour devenir des hommes et des femmes libres, responsables au service du chalom divin, la paix de Dieu.
Françoise Mirabile
crédit photo de Diana Polekhina sur Unsplash
Publié le 21 avril 2025
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