Pères blancs : l’expérience de la rencontre

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Installés au nord de Marseille, dans le quartier de Saint-Antoine depuis 1994, les Missionnaires d’Afrique, appelés « Pères blancs », mènent de nombreuses actions développent particulièrement le dialogue avec les musulmans, pilier de leur charisme. Église à Marseille les a rencontrés à l’occasion du bicentenaire de la naissance de leur fondateur, le cardinal Lavigerie (1825 – 1892).

Ils sont quatre « Pères blancs », en charge des paroisses de Saint-Antoine et Notre-Dame- Limite. Le père Stéphen vient du Ghana, le père Michel du Burkina Faso, le père Jean-Baptiste du Congo. Le dernier, le père Hans-Joachim, dit « Hajo », est Allemand. Enfin, Vénuste, originaire du Rwanda, est en formation et vient compléter la communauté. La présence de « Pères Blancs » dans le diocèse de Marseille remonte à septembre 1994, suite au synode diocésain de 1991 qui invitait à mieux entrer en relation avec les personnes issues de la migration, de diverses cultures et religions, et dans le cadre la décision de la Société des Missionnaires d’Afrique d’inscrire dans son projet missionnaire la rencontre des musulmans et des Africains vivant dans les pays occidentaux. Leur secteur paroissial, situé dans les quartiers nord de Marseille et où vivent environ 30 000 personnes aux origines diverses et à majorité musulmane, répond à ce double enjeu. Il offre aussi un terrain propice aux actions sociales, notamment auprès des migrants, la proposition de cours d’alphabétisation dans les cités ou des visites aux prisonniers.

Héritiers du cardinal Lavigerie

En contact direct et régulier avec la population du quartier dans lequel ils vivent, ces « Pères Blancs » mettent en œuvre le charisme de leur congrégation, née en 1868, sous l’impulsion du père Charles Lavigerie, qui sera créé cardinal en 1882. Figure brillante, docteur en lettres et en théologie et animé d’un fort désir missionnaire, il nourrit le souhait de faire revivre l’antique Église d’Afrique du Nord (du IIe au XIIe siècle) et devient l’évêque d’Alger : il voit l’Algérie comme une porte ouverte sur le continent africain, terre de mission à l’époque. Il demande alors à ses missionnaires de parler la langue du pays, de manger la même nourriture et de prendre l’habit local, la gandoura, le burnous et la chéchia, avec un rosaire en sautoir. Des consignes qui expriment l’attitude de respect adoptée, pour aller à la rencontre de l’autre, mieux le connaître et pouvoir ainsi lui témoigner de l’amour de Dieu. Le rapport à l’islam et aux musulmans d’Afrique du Nord est aussi l’un des fondements de la création des Missionnaires d’Afrique, les Pères Blancs ou les Sœurs blanches. Pour le Père Jean-Baptiste, le cardinal Lavigerie est une figure inspirante d’abord parce qu’il « était un homme de prière enraciné en Dieu » et « un homme de mission qui a servi l’Eglise. Il était un apôtre qui voulait aller dans les périphéries et il a été un homme de dialogue à la fois au service de l’Église comme institution et comme peuple de Dieu ».

Un dialogue sans naïveté ni prosélytisme

La mission des Pères Blancs s’incarne ainsi dans le dialogue avec les musulmans. A Marseille, beaucoup sont investis dans le Service diocésain des relations avec les musulmans. Le père Jean-Baptiste fait partie de plusieurs groupes de dialogue comme le groupe Saint Théodore, un héritage du père Étienne Renaud (1936-2013), qui encourageait « toujours chrétiens et musulmans à partager leurs expériences spirituelles à la recherche d’une rencontre en vérité »[1] Le Père Hajo, lui, participe au collectif Saint Maur, qui prépare activement la grande rencontre annuelle des familles musulmans chrétiens. Elle rassemble chaque année entre 300 et 400 personnes. Le Père Hajo entretient au quotidien des relations avec des imams et des musulmans. Il vient d’être chaleureusement invité à la mosquée de la Savine et invite aussi les imams dans sa paroisse. « Ce sont des petits faits qui montrent qu’il y a des relations qui se construisent et qui rejaillissent ensuite sur les croyants chrétiens comme musulmans. »

Pourtant ce dialogue au cœur de l’épaisseur humaine n’est pas toujours simple à faire vivre, sans naïveté, ni prosélytisme. Pour le Père Jean-Baptiste, quand la rencontre se fait par la dimension sociale, elle contribue à créer « une amitié sérieuse ». Dans les groupes « prêtres-imams », les échanges sont plus poussés notamment dans le domaine de la théologie. Ils ne sont pas toujours d’accord mais parviennent à maintenir un équilibre entre esprit d’ouverture et authenticité des personnes. Comme le rappelait le père Etienne Renaud, le dialogue vécu en vérité doit se baser sur l’alliance nécessaire d’une connaissance de l’islam avec « l’exigence de l’Evangile ».

Un apostolat tous azimuts

Mobilisés par cet apostolat du dialogue entre chrétiens et musulmans, les Pères Blancs n’en délaissent pas pour autant la communauté chrétienne : ils célèbrent la messe, les sacrements de baptême ou de mariage et accompagnent les familles en deuil. « Nous assurons également, en collaboration avec une équipe de fidèles, l’accompagnement de quelques catéchumènes et aussi l’animation d’une aumônerie de jeunes. Nous essayons de rendre visite aux membres de notre communauté paroissiale qui, pour des raisons d’âge ou de maladie, ne peuvent plus participer à nos célébrations en paroisses. Sur notre territoire paroissial, nous avons l’hôpital Nord, l’hôpital Edouard Toulouse et un Ehpad où nous allons régulièrement pour des célébrations eucharistiques. » La communauté des Pères Blancs organise aussi, au moins une fois par an, avec la communauté paroissiale, une célébration œcuménique avec la paroisse Terre Nouvelle (de l’Église Protestante Unie). Un membre de leur communauté est engagé dans la pastorale de l’œcuménisme et participe régulièrement aux activités de l’association Accueil et Rencontre à ‘‘Terre Nouvelle’’. Enfin, la communauté soutient les initiatives du diocèse sur les questions relatives aux migrants. « Cette préoccupation pastorale nous amène à assurer depuis des années des cours d’alphabétisation, des cours de soutien scolaire à des jeunes élèves issus de milieux très modestes, à donner un coup de main à la cellule d’accueil des migrants avec le Secours catholique ». La communauté, attentive aux « périphéries existentielles », rend également quelques services auprès des sœurs Missionnaires de la charité et envoie certains membres à la rencontre des personnes qui vivent dans la rue ou sont en prison.

L’année 2025 est une année marquante pour les Missionnaires d’Afrique, qui fêtent le bicentenaire de la naissance du cardinal Lavigerie. De nombreuses festivités sont prévues à travers toutes les provinces du monde et à Marseille en particulier. L’occasion de se rappeler que des centaines de Pères blancs ont pris le bateau depuis Marseille pour se rendre en Algérie ou en Afrique accomplir leur « mission ». Et la relève est là : Vénuste est actuellement en stage à Marseille. Il fait partie des 475 jeunes qui, dans le monde entier, sont en formation pour devenir « père blanc ». Une formation qui dure 11 ans et passe par quatre étapes clés : trois ans de philosophie, un an de noviciat, deux ans de stage apostolique et quatre ans de théologie. Vénuste a choisi les Pères blancs car, au Rwanda, il a été témoin de leurs actes de charité. « Ce sont eux qui sont arrivés en premier pour nous annoncer le Christ. Leur charisme a vraiment rejoint mon cœur et m’a donné envie de devenir prêtre, notamment pour annoncer l’Évangile aux plus démunis. 

SL

Crédit communauté des Pères Blancs de Marseille

Célébration du bicentenaire de la naissance du Cardinal Charles Lavigerie : les dates à retenir :

  • Jeudi 8 mai 2025 à 7h25 à Notre-Dame-de-la-Garde, messe en l’honneur des 19 martyrs d’Algérie dont quatre Pères Blancs retransmise en direct sur KTO.
  • Du lundi 2 au samedi 7 juin 2025 à 7h25 (excepté le 3 juin), messes à Notre-Dame-de-la-Garde présidées par un Père Blanc et retransmises en direct sur KTO.
  • Mardi 3 juin à 9h, messe d’action de grâces des Pères Blancs et Sœurs Blanches, à Notre-Dame-de-la-Garde, à l’occasion de la fête des martyrs de l’Ouganda.

[1] Homélie du cardinal Jean-Marc Aveline le 4 juin 2023 à Notre-Dame-Limite

A retrouver dans le numéro de juin 2025 d’Eglise à Marseille

 

Publié le 06 mai 2025

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