Pour qu’elle brille à jamais!

A l’occasion des processions mariales qui ont lieu les 14 et 15 août à Notre Dame de la Garde, nous vous proposons un coup de projecteur sur la Bonne Mère qui va bientôt se couvrir d’échafaudages pour un chantier d’une année, appelé « Opération dorure », visant à redorer la statue et mener divers travaux de consolidation du campanile. Entretien avec l’architecte Xavier David, qui avait coordonné les travaux de réfection de la basilique il y a 20 ans et coordonne ce nouveau chantier.
Il y a vingt ans, Notre-Dame de la Garde avait déjà fait l’objet d’un vaste chantier. Pourquoi de nouveaux travaux aujourd’hui ?
Les travaux de 2003 avaient porté sur la restauration intérieure et extérieure de la basilique et de la crypte. Ceux qui vont démarrer en cette année 2024 concernent prioritairement la statue et le campanile. En effet, à cause du vent, qui transporte beaucoup de sel et d’eau, de l’eau de pluie, de la pollution et d’autres facteurs encore, ces éléments s’abîment au fil des ans. Sans pour autant donner raison au célèbre Eugène Viollet-le-Duc, pour qui « « la galvanoplastie[1] ne résisterait pas longtemps aux agents atmosphériques de Marseille. Je ne pense pas que cette question puisse être l’objet d’un doute pour personne »[2] Si l’on lui est reconnaissant d’avoir si bien restauré Notre-Dame de Paris au XIXe siècle avec la fameuse flèche en train de renaître de ses cendres, on peut se réjouir qu’il ait eu tort à propos de Notre-Dame de la Garde : malgré les assauts du temps et des conditions météorologiques, cent-cinquante ans plus tard – est-ce un miracle ? – elle est toujours là mais il nous faut l’entretenir.
Sur quels aspects vont porter les travaux ?
Le premier sujet, c’est celui de la statue. Elle a déjà été redorée à plusieurs reprises, tous les trente ans environ. La dernière restauration a eu lieu en 1989, il est donc temps de s’atteler à la cinquième réfection de la dorure, en envisageant une protection anti-corrosion du cuivre pour que la dorure résiste longtemps. D’autres sujets s’ajoutent : par exemple, nous avons constaté que la structure en métal, qui est à l’intérieur de la statue, rouille : l’eau de pluie n’y entre pas, mais le vent chargé d’humidité et de sel y tourbillonne et cela corrode la structure métallique. Les pierres aussi s’abîment à l’intérieur du campanile : à l’extérieur, le sel que le vent dépose est nettoyé par l’eau de pluie donc les pierres résistent bien. Mais à l’intérieur, le sel aussi se dépose sans que l’eau de pluie ruisselle, donc il ronge les pierres. Il faut donc les restaurer et entreprendre des travaux de conservation préventive de la structure métallique de la statue. Enfin, les travaux permettront de refaire l’électricité intérieure du campanile et de remplacer le paratonnerre aujourd’hui vétuste.
Comment allez-vous vous y prendre ? Car l’accès aux zones concernées est compliqué…
Nous disposons aujourd’hui de moyens d’investigation scientifique très précieux pour ausculter la pierre, le métal, les incidences du vent tourbillonnant à l’intérieur du campanile. Nous nous appuyons sur des experts, par exemple une société qui travaille dans le domaine de l’archéologie et qui parvient à faire des scanner très fins sur des objets très compliqués. Nous avons aussi mis en place des « monitorings climatiques » pour mesurer, pendant un an, l’humidité et la pression atmosphérique à tous les étages à l’intérieur de la statue. Pour l’extérieur de la statue, les images prises par les drones nous donnent des informations précises de son état. Nous constatons que le spectre des carrés de feuilles d’or ou les joints entre les différents éléments de la statue apparaissent. Les feuilles d’or s’érodent et s’écaillent, laissant parfois apparaître le cuivre en-dessous.
Comment va se dérouler le chantier ? Le sanctuaire va-t-il être fermé au public pendant les travaux ?
Le chantier se déroulera sur une année entière à partir de septembre 2024 et le site ne sera pas fermé, sauf les terrasses hautes pendant les temps de montage et de démontage du grand échafaudage. Celui-ci entourera le pied de la statue et la statue elle-même sera protégée par une enveloppe thermosoudable blanche pendant trois mois. En effet, les feuilles d’or utilisées pour la redorure sont tellement légères qu’on ne le peut les appliquer que dans un environnement sans vent. Mais cela n’empêchera jamais les deux millions de visiteurs annuels de parcourir le site et de monter jusqu’à l’intérieur de la basilique ! Notre souhait, c’est d’offrir aux Marseillais, aux pèlerins et aux touristes une statue et un campanile restaurés pour le grand jubilé de l’année 2025.
Propos recueillis par Amaury Guillem
[1] Art de mouler sans le secours du feu. Méthode nouvelle au XIXe siècle, retenue pour la statue de Notre-Dame de la Garde, afin d’obtenir une reproduction irréprochable et une solidité qui ne laisserait rien à désirer, que le cuivre repoussé au marteau ne permettait pas d’atteindre avec autant de garantie. Eugène Viollet-le-Duc ne croyait pas du tout au nouveau procédé.
[2] Lettre du 16 décembre 1866 de Viollet-le-Duc à Maurel, fondeur spécialiste du cuivre repoussé
Crédit photo Robert Poulain
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Publié le 14 août 2024
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