Prière pour la paix – 1er janvier 2024

ndg 1er janvier (1)

Chers amis,

Qu’elle est belle cette antique tradition des Marseillais d’accourir, dès le premier jour de l’année nouvelle, à Notre-Dame-de-la-Garde, pour rendre visite à notre Bonne Mère, lui confier leurs soucis et leurs espérances et faire appel à sa douce et puissante intercession ! Puisse ce sanctuaire voir affluer tout au long de cette année qui commence, des pèlerins de tous âges et de toutes conditions, de toutes langues et de toutes cultures, nouveaux nés portés par leurs parents, fiancés soulevés d’espérance et jeunes mariés débordants de projets, marins venant rendre grâce ou confier leur prochain équipage, touristes, croisiéristes, et toute cette foule marseillaise bigarrée, de religions et convictions diverses, mais qu’un même élan vers le ciel conduit au sommet de cette auguste colline, venant chercher tour à tour réconfort et apaisement, consolation et espérance.

Depuis cette nuit, une nouvelle année civile vient de commencer et, selon une heureuse coutume, nous échangeons des vœux, souvent des vœux de santé et de prospérité, de paix et de fraternité. Quand il nous a fait l’immense joie de nous rendre visite à Marseille, le pape François nous a vivement encouragés à la fraternité, notamment entre peuples des rivages de la Méditerranée. Pour tendre vers cette fraternité, il faut tout faire, expliquait-il, pour réduire les fractures qui s’élargissent dangereusement entre les membres d’une même société, lutter contre les inégalités sociales et travailler au développement des peuples. Pas de paix sans effort de compréhension mutuelle, dans le respect et la fraternité. Mais à peine quinze jours après son départ de Marseille, se produisit en Israël, le 7 octobre, l’atroce drame que l’on sait : une violence barbare commise par les terroristes du Hamas, une sorte de « 11 septembre » israélien, dans un pays qui se croyait, grâce à son armée et à ses services de renseignements, à l’abri de toute menace, une violence terroriste terrible, qui est sans excuse, mais qui, cependant, n’est pas sans cause, comme l’exprimait avec force mon frère Jean-Paul Vesco, archevêque d’Alger.

Puis ce fut la riposte de l’État d’Israël, une riposte légitime dans un premier temps, mais très vite disproportionnée et aujourd’hui gravement inhumaine et terriblement dangereuse pour l’avenir. Car on peut certes compter le nombre de victimes, de morts et de blessés, de maisons détruites ou de tunnels découverts, mais ce que personne ne mesure, c’est non seulement le nombre de cœurs brisés par la souffrance, anéantis par la détresse et le désespoir, mais aussi la stupéfiante et dangereuse élévation du niveau de haine dans les deux camps. Qui osera encore parler de fraternité ? Seuls ceux qui s’efforcent aujourd’hui, dans ces circonstances, de pratiquer la miséricorde, là où il n’y a plus ni justice ni même sentiment d’humanité, pourront un jour relire ce qui s’est passé et, patiemment, tisser de nouvelles fraternités, en rétablissant d’abord le droit et la justice.

Ce que je décris là, le combat incessant entre la puissance destructrice de la haine et la résistance invincible de l’espérance, n’est pas réservé à cette région du monde, que les croyants des trois monothéismes considèrent comme une Terre Sainte. C’est vrai pour l’Ukraine, épuisée mais debout, c’est vrai pour le Soudan, ravagé mais vivant, c’est vrai pour le Liban, déconstruit mais courageux, c’est vrai pour l’Arménie, amputée géographiquement mais unie culturellement, et c’est aussi vrai pour tant d’autres peuples oubliés ou appauvris, mais qui ne renoncent pas à relever la tête et à dénoncer la violence de leurs agresseurs ! Le défi est d’autant plus grave que la guerre, toujours plus sophistiquée, utilise maintenant l’intelligence artificielle. C’est, du reste, à cette nouvelle réalité que le pape François consacre son message pour aujourd’hui, en cette cinquante-septième Journée mondiale de la Paix :

En regardant le monde […], on ne peut ces jours-ci échapper aux graves questions éthiques liées au secteur de l’armement. La possibilité de mener des opérations militaires à travers des systèmes de contrôle à distance a conduit à une perception plus faible de la dévastation que ceux-ci causent et de la responsabilité de leur utilisation, contribuant à une approche plus froide et plus détachée de la guerre. […] L’utilisation belliqueuse de l’intelligence artificielle est un grave sujet de préoccupation éthique. […] Le monde n’a pas vraiment besoin que les nouvelles technologies contribuent au développement injuste du marché et du commerce des armes, en promouvant la folie de la guerre. Ce faisant, non seulement l’intelligence, mais le cœur même de l’homme, court le risque de devenir de plus en plus « artificiel » !

Toutes proportions gardées, ce combat entre la haine et l’espérance se joue aussi chez nous, il se déroule dans notre ville et dans notre pays. Quand la pauvreté économique s’accroît pendant que les plus riches continuent à s’enrichir de façon égoïste et insolente, quand la violence des réseaux de drogue sacrifie la vie des jeunes sans que les consommateurs ne prennent conscience de leur complicité mortifère avec ceux qui les assassinent, quand le regard porté sur les personnes migrantes est voilé par la peur et suscite la peur dans les pays d’arrivée, sans que les pays de départ ne se sentent concernés par la détresse de leur propre jeunesse, contrainte de fuir la misère et la corruption, alors il nous faut nous asseoir, essayer d’analyser ce qui se passe, tenter de nous comprendre les uns les autres, plutôt que de nous invectiver à coups de slogans et de contre-vérités, comme nous venons malheureusement de le voir avec les pseudo-débats de la loi sur l’immigration, où l’objectif principal a semblé être d’alimenter le jeu des querelles et des ambitions politiciennes, en oubliant la réalité dramatique que vivent nombre de nos concitoyens, qui attendent seulement qu’on reconnaisse les difficultés de leurs conditions de vie et qu’on leur donne des raisons d’espérer.

Comme il est heureux et urgent, chers amis, que nous travaillions ensemble, nous qui représentons ce soir les différentes religions présentes dans notre ville ! Comme il est important de ne pas céder aux sirènes du profit lorsqu’elles se payent en mépris des personnes. Comme il est nécessaire de remettre le respect de toute personne humaine et l’unité de la famille humaine à la base de tous nos débats démocratiques ! À quoi cela servirait-il de se souhaiter les uns aux autres nos meilleurs vœux si nous ne nous engagions pas, en même temps et dans la mesure de nos possibilités, à rendre concrètement meilleures les conditions de vie de nos contemporains, spécialement des plus pauvres ?

Le Pape nous l’a dit à Marseille : il nous faut combattre le « fanatisme de l’indifférence », sous toutes ses formes. Les chrétiens ont la faiblesse de croire que tout homme, toute femme, est un frère, une sœur pour qui le Christ est né, lui à qui on donna le nom de Jésus, c’est-à-dire « Dieu sauve », pour signifier qu’en ce petit enfant, Dieu voulait que l’on sache son désir que toute l’humanité soit sauvée ! Que ce désir universel de salut et de paix nous habite tous, qu’il éclaire nos actes et soit la racine profonde de notre joie : tel est le vœu que je formule à l’égard de chacune et chacun d’entre vous, en communion avec mes frères et sœurs des diverses religions présentes à Marseille.

Bonne année à tous !

 

+ Jean-Marc Aveline

 

Notre-Dame-de-la-Garde

Lundi 1er janvier 2023

 

Publié le 04 janvier 2024 dans ,

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