Quelle espérance au pays du Cèdre ?

Quelle espérance au pays du Cèdre ?
Dans la suite des Rencontres méditerranéennes, Eglise à Marseille poursuit son tour des rives méditerranéennes. Voyage vers le Liban avec Mgr Paul Karam, nouveau curé des chrétiens maronites du diocèse de Marseille. A l’occasion de cet entretien pour faire connaissance, il partage son regard sur la situation critique que vit son pays. .
Quelle est la situation au Liban aujourd’hui ?
Le Liban est en train de sombrer dans un gouffre, à cause de l’instabilité politique qui est la conséquence de la grande crise économique qu’il connaît et qui dure depuis trop longtemps. Voilà un an et demi que le siège du président de la République est vacant. Or, il est le garant de la vie démocratique et du bon équilibre entre les pouvoirs législatif et exécutif. A cause de cette vacance, le pays est dans le chaos. Le Parlement ne se réunit plus pour légiférer. Le Conseil des ministre est démissionnaire. Des décisions sont prises de façon illégitime. Beaucoup profitent de ce désordre ! En outre, ce qui se passe depuis le 7 octobre entre Israël et la Palestine a des répercussions tragiques sur notre pays, surtout au sud où les bombes tombent. Beaucoup de familles du sud ont quitté leur ville, leur maison, leurs terres. Au niveau agricole, il y a beaucoup de destructions. Les écoles ont fermé et les élèves suivent les cours en ligne. Les jeunes quittent le pays, c’est une véritable hémorragie. Tout cela est très inquiétant et la communauté internationale feint d’essayer de trouver une solution. La seule solution pour la paix et la stabilité dans la région, c’est celle que l’Eglise réclame depuis toujours : la solution à deux Etats.
Dans ce contexte, comment les Libanais parviennent-ils à assurer la vie quotidienne – l’alimentation, la santé, l’accès à l’eau ?
C’est très difficile et les Libanais ne vivent que grâce à l’aide de la diaspora qui envoie de l’argent. C’est grâce à cela que les gens restent debout. Nous recevons aussi beaucoup d’aides d’organismes comme l’Œuvre d’Orient, grâce à qui les écoles et les hôpitaux, dans lesquelles sont engagées beaucoup de communautés religieuses, continuent de fonctionner. Mais nous n’allons pas dépendre infiniment de ces aides, ce n’est pas durable. Il y a beaucoup d’autres conflits dans le monde où les communautés ont aussi besoin de soutien. C’est aux Libanais à prendre leur destin en main : ils ont une responsabilité à assumer dans la situation actuelle. C’est à eux de se mobiliser pour que le droit et la justice soient respectés, que des élections aient lieu, qu’un candidat non-corrompu soit élu, qu’un président soit élu et que le pays fonctionne à nouveau normalement. Aujourd’hui, tout est bloqué : on ne peut pas récupérer un extrait d’acte de naissance ou un passeport. Les institutions sont paralysées. Selon la loi, les représentants du peuple doivent rester dans le parlement tant que le président n’est pas élu : pourquoi ne le font-ils pas ?
Quel rôle joue l’Eglise pour aider le Liban dans cette crise ?
Les communautés religieuses s’investissent beaucoup dans le monde de la santé et l’éducation, nous l’avons évoqué. Mais l’Eglise parle aussi haut et fort, saisissant toutes les occasions pour réclamer le respect de la justice, le retour du dialogue, l’égalité de tous devant la loi. L’Eglise veut avoir une parole qui éveille les consciences ! Je rappelle que le Liban est le seul pays du Proche et Moyen-Orient à avoir un président chrétien maronite. Cela lui donne une mission, une vocation particulière. Jean-Paul II l’avait bien compris, lui qui parlait du Liban comme un pays-message pour l’Orient et pour l’Occident. Et le pape actuel, François, vient d’autoriser le dicastère pour les Causes des saints à promulguer des décrets en vue de la béatification du patriarche maronite Etienne II (lire encadré). C’est un signe d’espoir, un encouragement pour notre Eglise à poursuivre sa mission, à ne pas perdre l’espérance et à s’engager résolument pour mobiliser toutes les bonnes volontés.
Pour cela, qu’en est-il des relations entre chrétiens et musulmans : croyants de religions différentes arrivent-ils à se mobiliser ensemble en faveur du pays ou la situation actuelle fragilise-t-elle ces relations ?
La coexistence avec les musulmans, nous la vivons au quotidien au Liban et depuis des siècles. Ils nous connaissent, nous les connaissons, nous avons toujours vécu ensemble. Nous avons fêté le 25 mars la fête de l’Annonciation qui, au Liban, est une fête nationale et un jour férié, parce que Marie est vénérée autant par les chrétiens que par les musulmans. Malheureusement, les interférences politiques étrangères profitent du chaos actuel au Liban et dans la région et veulent fragiliser cette bonne entente. En faisant cela, ils menacent de détruire la société libanaise et c’est le Liban tout entier qui pourrait disparaître. Mais le Liban n’a pas à payer la facture sur son territoire des conflits entre grandes puissances : il a le droit de vivre comme un pays libre et digne et de construire son avenir. Depuis Marseille, c’est le vœu que je formule ! J’apprécie beaucoup l’accueil qui m’a été réservé par le cardinal Aveline. J’aurai à cœur de transmettre les valeurs et les coutumes spécifiques de l’Eglise maronite, car c’est important de conserver notre identité tout en étant en harmonie avec l’Eglise universelle, pour témoigner du Christ chaque jour et incarner cette présence d’une seule Eglise servante et charitable.
Par Catherine Donazzan et Amaury Guillem
Crédit photo Diocèse de Marseille
Extraits de la revue Eglise à Marseille d’avril 2024
Publié le 19 décembre 2024 dans Avent 3
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