Sur les traces de la sainte Marie Madeleine des provençaux

Et si vous profitiez de cet été pour partir sur les chemins de pèlerinage de Provence ? Découverte du nouveau chemin de pèlerinage de la Camargue à la Sainte Baume, sur les pas de Marie-Madeleine, fêtée le 22 juillet.
Depuis le XIVe siècle, elle est la sainte patronne protectrice de la région. Désormais, il est un chemin qui se donne autant à lire qu’à emprunter : c’est le chemin de Marie-Madeleine, un pèlerinage pédestre qui court d’ouest en est sur près de 225 kilomètres à travers la Provence des bords de mer, entre Camargue, plaine de la Crau, étang de Berre, Côte Bleu, agglomération marseillaise, garrigue des calanques et massif de la Sainte-Baume. Un itinéraire spirituel à la manière de Compostelle, mais qui se marche entièrement en moins de quinze jours, à raison d’une vingtaine de kilomètres quotidiens. En voici cinq étapes incontournables, tant pour leur intérêt touristique que pour leur dimension spirituelle.
Au commencement sont les Saintes-Maries-de-la-Mer. Emblématique pour les gens du voyage, haut-lieu du pèlerinage à Marie Jacobé, Salomé et Sara, devenu également, et depuis son inauguration à la Pentecôte 2021 par le président de région Renaud Muselier, point de départ de ce magnifique chemin dédié à la Marie Madeleine des évangiles et à ses compagnons de la tradition provençale. Cette dernière raconte en effet que leur frêle esquif, privé de gouvernail, sans voile ni rame, aurait miraculeusement accosté en Camargue, donnant le la à l’évangélisation de la Provence dès le premier siècle de notre ère. À son bord, un saint équipage : Marie Madeleine bien-sûr, mais également Marthe et Lazare leur frère, Maximin (un des 72 disciples), Sidoine (l’aveugle né), Marie Jacobé et Marie Salomé (deux proches parentes mères des apôtres), et d’autres amis de Jésus tous également témoins de sa Résurrection. L’église-forteresse des Saintes-Maries, romane, bâtie aux IXe et XIe siècles sur une première chapelle dont l’existence est attestée dans le testament de saint Césaire en 542, abrite encore les reliques des saintes femmes qui lui ont donné leurs noms, inventés en décembre 1448 par le Roi René, et conservées dans la chapelle haute. De là, le pèlerin de Marie Madeleine s’élance. À travers la Camargue, sa première journée de marche s’apparente à une traversée du désert, constitué de sable, de sel et d’eau à perte de vue. Un désert de silence, interrompu seulement par le mistral et les bruits des oiseaux, nombreux à venir y séjourner. Un pur dépaysement, comme un nouveau départ.
La ville de Martigues se déploie sur les bords de l’étang de Berre, petite « mer » intérieure. Dès le IVe avant J.C., cet étang nourricier a favorisé l’implantation d’habitats gaulois, comme celui de Tholon dont le chemin traverse les ruines et met les pas du pèlerin dans ceux des personnes qui empruntaient la voie romaine ralliant Arles à Marseille. Ceux de Marie-Madeleine elle-même ? Qui sait ? Les trois quartiers « des » Martigues, Ferrières, l’Île et Jonquières, devenus un en 1581, sont chacun dotés d’une église dont celle dédiée à Marie-Madeleine dans l’Île. Sur le devant de l’autel, elle est représentée à genoux, une croix sur ses genoux, plongée dans sa méditation.
Chemin faisant, voici la Côte Bleue et, au creux d’une des anses qui la découpent, la chapelle de Sainte-Croix construite au XVIIe à côté des ruines de celle du XIIe siècle. Une version de la tradition provençale dit que les saintes femmes et leurs compagnons abordent ici dans les années 45 de notre ère avant d’accoster aux Saintes-Maries-de-la-Mer et non le contraire. Qu’importe ! En écho avec cette arrivée, les marins appelèrent l’endroit Santo Terro (Terre Sainte). Depuis des siècles, cette chapelle est lieu de pèlerinage, le 3 mai et le 11 mai, pour célébrer la découverte et l’exaltation de la Croix. Avant, on y venait à pied (ou en bateau) de Martigues, La Couronne, Sausset, comme aujourd’hui le pèlerin du chemin.
A l’entrée de Marseille, le quartier des Aygalades invite de nouveau à prêter l’oreille aux dires de la tradition provençale, un des éléments d’ancrage du cheminement en compagnie de Marie-Madeleine. Au centre de l’ancien village, l’église Notre-Dame du Mont Carmel abrite une grotte-crypte, déjà occupée dans les temps préhistoriques, où la sainte fait halte avant de se rendre au centre de Marseille. Et au cœur de la grotte, une statue de la sainte, allongée, la tête reposant sur sa main droite et les yeux levés vers le ciel, invitation à une pause vers un chemin intérieur.
À deux heures de marche tranquille se dresse l’imposante stature de la cathédrale Notre-Dame de La Major dont l’architecture évoque tout de suite le multiculturalisme de Marseille ouverte sur la Méditerranée. À l’intérieur, la déambulation conduit dans une chapelle où sont conservées les reliques de saint Lazare, selon la tradition premier évêque de Marseille, emprisonné et décapité place de Lenche, au pied du quartier Panier dans lequel Marie-Madeleine prêche pour la première fois. Avant de monter dans les solitudes de la Sainte-Baume, celle-ci reste sept ans à Marseille, trouvant refuge dans les excavations du rocher sur lequel a été construite au Ve l’abbaye de Saint Victor, plus vieil édifice chrétien de la ville. Le souvenir en est conservé au cœur des cryptes, dans la chapelle saint Lazare, où un bas-relief baroque représente Marie-Madeleine entourée d’anges et contemplant un crucifix.
Pris à rebours comme Marie Madeleine l’aurait fait en son temps, le lit de l’Huveaune mène le marcheur jusqu’à sa source située au cœur de la Sainte-Baume. C’est là que Marie Madeleine, contemplative, aurait passé les trente dernières années de sa vie en ermitage dans une cavité, comme une intimité retrouvée. Élevée sept fois le jour par les anges pour participer à la liturgie céleste, la chapelle du Saint Pilon, qui domine la grotte et coiffe la barre rocheuse culminant à plus de 1100m, marque le lieu de ce ravissement magdalénien, donnant à Marie Madeleine les traits d’une grande mystique chrétienne. Spectaculaires, la baume-sanctuaire, avec ses belles dimensions, et la forêt millénaire de 45.000ha, avec ses essences uniques en Provence, rayonnent toujours de la présence spirituelle de cette première témoin de la Résurrection ; ceci fit dire au père dominicain Vayssière, gardien du sanctuaire au début du XXe siècle : « je ne sais pas si elle est venue. Ce dont je suis sûr aujourd’hui, c’est qu’elle y est. » Deux pèlerinages lui sont dédiés, l’un à la Pentecôte, l’autre au jour de sa fête le 22 juillet. La Sainte Baume : lieu sacré, haut lieu de mystère, d’intériorité, de contemplation, de légendes aussi.
Enfin, voilà Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, sa basilique inachevée et ses saintes reliques. Mais, avant d’y accéder, on croise en chemin une stèle en pierre marquant le lieu où Marie Madeleine se serait éteinte dans les bras de son ami Maximin, après avoir reçu une dernière fois l’eucharistie.
La basilique, le plus grand édifice gothique de Provence, abrite en sa crypte les sarcophages de plusieurs saints provençaux, dont le plus connu est sans conteste celui de Marie Madeleine. Son crâne, vénéré depuis son invention au Moyen âge par le futur roi Charles II d’Anjou, est accompagné d’une ampoule contenant un lambeau de chair : le Noli me tangere, en référence à cette exclamation du Christ, affleurant son front, au matin de la Résurrection : « Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père ». Quelque peu impressionnante, la relique du chef de Marie Madeleine a été réinstallée dans un grand reliquaire doré porté par des anges en 1860, après la destruction de l’original durant le Révolution. La sainte est célébrée en grandes solennités le week-end qui suit le 22 juillet ; tout Saint-Maximin est alors en fête.
Cyrille Boland et Martine Guillot, membres fondateurs de l’association Chemins des saintes et saints de Provence
(cf Cyrille Boland, En Provence sur les traces de Marie-Madeleine, Salvator, coll. Chemins d’’étoiles, 2024, 18,50 €. Préface de Manoël Pénicaud)
Article à retrouver dans la revue Eglise à Marseille juillet/août 2024, pour vous abonner c’est par ici!
Publié le 08 juillet 2024 dans A la une
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