Trésors d’Arménie à Notre-Dame-de-la-Garde
Du 5 décembre 2025 au 1er mai 2026, le musée de Notre-Dame-de-la-Garde accueille « Trésors arméniens, 1512-1828 ». Une exposition exceptionnelle, présentant au public de nombreux objets inédits issus de collections privées. L’historien Maxime Yevadian, spécialiste de l’histoire religieuse arménienne, est le commissaire de cette exposition.
Comment est née l’idée de cette exposition ?
Mes recherches portent sur la christianisation de l’Arménie, la circulation des populations arméniennes au Moyen-Orient et, plus largement, sur les communautés chrétiennes des routes de la soie. Il y a quelques années, nous avons organisé un colloque au Vatican intitulé Inchiesta sulla storia dei primi secoli della Chiesa, consacré aux débuts du christianisme. Jean-Michel Sanchez, docteur en histoire de l’art sacré et responsable scientifique du musée de Notre-Dame-de-la-Garde, y participait pour évoquer les reliques en Provence. C’est à cette occasion que nous avons sympathisé. Restés en contact, je lui ai ensuite proposé ce projet d’exposition sur l’Arménie. Il en a parlé à l’équipe de la basilique, et le contexte s’y prêtait particulièrement bien : le cardinal Jean-Marc Aveline venait d’effectuer un pèlerinage en Arménie. Tout concourait à ce que cette exposition voie le jour.
Quelles sont les spécificités, les trésors de cette exposition ?
Le musée de la Basilique étant une institution privée, il était difficile de faire intervenir des collections issues de musées publics français ou arméniens. Nous avons donc choisi de présenter exclusivement des œuvres provenant de collections privées. La sélection comprend notamment plusieurs manuscrits rares, dont l’un, copié en partie au XIIIe siècle, avait été perdu lors des massacres de 1894-1896, sous le règne du sultan Abdülhamid II, avant de réapparaître récemment. Ce manuscrit, comme beaucoup d’autres pièces, objets liturgiques, livres anciens, parures religieuses, a survécu aux péripéties de l’histoire tourmenté des Arméniens et à la destruction systématique des églises et monastères. La préparation de cette exposition a permis de conduire une étude scientifique inédite de ces ouvrages et miniatures, assortie d’un catalogue de plus de 450 pages, richement illustré, auquel ont collaboré une vingtaine d’universitaires venus d’Arménie, des États-Unis, d’Allemagne, d’Italie ou encore d’Autriche. Plusieurs pièces ont été spécialement restaurées par les ateliers du Saint-Siège d’Etchmiadzin, en Arménie.
Objets liturgiques, manuscrits : il y aura des objets assez exceptionnels…
Le musée de Notre-Dame-de-la-Garde, situé sous le sanctuaire, occupe un ancien fort royal. Ses vastes volumes et ses vitrines monumentales, la plus grande mesure près de 19 mètres de long, en font un lieu idéal pour accueillir des pièces d’exception. Parmi elles un rideau de sanctuaire de près de cinq mètres, une tapisserie d’Aubusson du XVIIe siècle représentant le roi d’Arménie Artavasdès II et la reine d’Égypte Cléopâtre, ou encore des rouleaux de prière de plus de douze mètres déployés dans leur intégralité, fait rarissime. Le public pourra aussi découvrir de somptueuses bulles pontificales, des objets de culte liés à saint Grégoire l’Illuminateur, fondateur de l’Église arménienne, ainsi qu’une monnaie frappée à l’effigie de Caterina Cornaro, dernière reine du royaume de Chypre et détentrice des titres de reine d’Arménie et de Jérusalem. La période mise en avant par l’exposition marque le début d’un vaste mouvement de modernisation de la société arménienne. L’Arménie va se moderniser notamment en diaspora à la fois par la pensée et la préservation de son identité, ce qui va lui permettre de survivre et d’évoluer. On pense notamment aux riches et complexes liens avec les Européens. Ainsi, au XVIIe siècle, la riche famille arménienne des Sceriman contribua à sauver Venise de la banqueroute. C’est sans doute sous leur influence que les Pères mékhitaristes s’installèrent sur l’île de Saint-Lazare en 1717. En Inde également, à la fin du XVIIIe siècle, des intellectuels arméniens publiaient le premier périodique imprimé en arménien et élaboraient un projet de Constitution républicaine, idée révolutionnaire tant il semblait inconcevable à l’époque d’envisager autre chose qu’une monarchie. Ce mouvement fut porté à la fois par des prélats visionnaires et par de grands négociants, détenteurs du monopole du commerce de la soie iranienne. Ces marchands sillonnaient le monde, de la Chine à l’Europe, amassant des fortunes considérables et contribuant à l’essor culturel et économique de la nation arménienne.
Cette exposition a-t-elle une portée spirituelle ?
Absolument. Ce projet se distingue par son ouverture œcuménique. Parmi les prêteurs figurent des membres de l’Église catholique comme de l’Église apostolique arménienne, unis par la volonté de valoriser un patrimoine commun. De plus, cette exposition trouve son origine dans le voyage du cardinal Jean-Marc Aveline en Arménie en avril 2024, et dans la rencontre fraternelle qu’il a vécu avec le Catholicos Karékine II. Elle s’inscrit ainsi dans la dynamique du dialogue entre les Églises, que le cardinal souhaitait mettre à l’honneur avant la clôture de l’année jubilaire.
Propose recueillis par Sophie Lecomte
Crédit Photo Romain Louge « Rencontre du Catholicos Karekin II lors d’un voyage en Arménie en avril 2024 »
En pratique
Musée de la Basilique Notre Dame de la Garde, rue Fort du sanctuaire 13006 Marseille
Horaire : ouvert tous les jours de 9h à 17h .
Prix d’entrée : 3 € – gratuit pour les moins de 12 ans.
Catalogue de l’exposition : Trésors arméniens d’une culture en mouvement 1512- 1828, 48 €, disponible à la boutique du sanctuaire, en librairie et sur le site https://sourcesdarmenie.com/boutique/
À retrouver dans le numéro de décembre 2025 d’Eglise à Marseille
Publié le 03 décembre 2025 dans A la une
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