Ukraine : ne pas oublier

Le père Mikola dessert la chapelle de Saint-Jean-du-Désert, où il célèbre la divine liturgie dans le rite byzantin pour ses compatriotes d’Ukraine réfugiés à Marseille. Alors que les attaques ont repris avec beaucoup de violence dans le conflit entre l’Ukraine et la Russie, il revient pour Eglise à Marseille sur la situation sur place, la vie de sa communauté locale et sa prière pour la paix.
La guerre dure entre l’Ukraine et la Russie. Quel regard portez-vous sur cette situation ?
Les bombardements ont repris durant les vacances de Noël et la violence se déchaîne à nouveau et tue des civils. C’est une grande souffrance. Avant cela, la guerre s’était figée géographiquement, c’était devenu comme une « guerre de position » et le front se maintenait. Mais même cela, c’était très dur physiquement, psychologiquement, militairement. On sait que le temps joue contre nous et que plus la guerre dure, plus la situation penche en faveur de la Russie. Mais nous ne devons pas arrêter la résistance pour autant, nous n’avons pas d’autre choix que de résister car si nous baissons la garde, c’est la fin de l’Ukraine.
Comment vivent les Ukrainiens qui sont sur place ?
Le peuple ukrainien s’habitue à vivre avec la guerre et essaye de continuer d’emmener ses enfants à l’école, d’aller au travail et de soutenir les militaires qui sont sur le front. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a plusieurs millions de déplacés à l’intérieur même de l’Ukraine et aussi des millions d’Ukrainiens qui se sont exilés pour se mettre à l’abri de la guerre.
C’est le cas ici, à Marseille, où des familles ukrainiennes se sont installées. Êtes-vous en lien avec elles ? Parviennent-elles à reconstruire leur vie ici ?
Ces nouveaux arrivés ont rejoint les Ukrainiens installés depuis plus longtemps ici et tous forment notre communauté paroissiale. Pour ceux qui sont récemment arrivés, c’est important de trouver sur place une communauté où l’on peut parler du pays, parler notre langue, se retrouver entre compatriotes. Les plus anciens aident les nouveaux à trouver du travail, à apprendre le français – et c’est très difficile d’apprendre le français ! Parfois, des gens viennent à l’Eglise non pas pour la divine liturgie car ils ne sont pas très pratiquants, mais juste pour avoir ces liens, faire ces rencontres. D’autres, eux, sont vraiment attachés à l’Eglise et viennent aussi pour prier, célébrer ensemble.
Vous faites partie de l’Eglise gréco-catholique ukrainienne. Avez-vous aussi des liens avec les orthodoxes qui, d’Ukraine, arrivent à Marseille ?
Oui, parce que beaucoup de gens ne savent pas vraiment s’ils sont catholiques ou orthodoxes ! (rires) Eglise gréco-catholique et Eglise orthodoxe célèbrent selon le même rite, le rite byzantin. C’est à ce rite, à notre langue, à notre patrie que les Ukrainiens sont attachés, mais pas vraiment à savoir à quelle confession ils appartiennent. En outre, l’Eglise orthodoxe ukrainienne ne peut pas avoir, du point de vue canonique, des paroisses hors d’Ukraine. Si bien que nous avons dans notre communauté des personnes qui, en Ukraine, fréquentaient l’Eglise orthodoxe mais, à Marseille, font partie de notre communauté gréco-catholique.
Comment votre communauté entretient-elle des liens avec l’Ukraine et essaye-t-elle d’aider à distance ?
Nous avons créé une association, Fraternité franco-ukrainienne Provence, grâce à laquelle nous collectons des fonds par le biais de concerts, de vente de petits objets ou d’autres actions solidaires. Ce dont les gens ont besoin sur place, et notamment les militaires, ce sont des médicaments et du matériel médical. Nous avons déjà organisé des convois pour apporter du matériel que nous avions collecté ici et même des ambulances. Actuellement, nous avons un projet de conteneur qui sera comme un bloc-opératoire mobile, qui pourra être installé au plus près des zones de combat. Car, en fonction de là où se trouvent des militaires blessés, il peut y avoir plusieurs heures de route avant de rejoindre l’hôpital.
Vous-mêmes, avez-vous été sur place ou prévoyez-vous d’y aller ?
Cela fait quatre ans que je ne suis pas retourné en Ukraine. C’est douloureux : le contact direct avec mon peuple qui est là-bas me manque beaucoup. Mais je vois aussi que les Ukrainiens sont heureux d’avoir un prêtre ici à Marseille avec eux, ou aussi à Cannes et Nice que je dessers aussi. Ils demandent à être écoutés, à célébrer la divine liturgie, à se confesser. Nous avons besoin d’être ensemble devant le Christ.
Espérez-vous que le conflit puisse cesser ?
J’avoue que la situation est si difficile que c’est dur de voir quelle pourrait être l’issue. Je prie Dieu de faire un miracle ! Que la paix revienne, en Ukraine et partout dans le monde. Car telle guerre qui démarre à tel endroit provoque une autre guerre à un autre endroit. Pendant ce temps, ce sont les petites gens qui souffrent. C’est dur d’espérer. Mon espérance, c’est Dieu ! La foi donne l’espérance et l’espérance donne la force de tenir même quand on n’en peut plus. Humainement, la situation est plutôt désespérante. Alors, il nous faut prier, prier encore et toujours, pour que la volonté de Dieu se fasse « sur la terre comme au ciel ». Et sa volonté, ce n’est pas autre chose que la paix !
Propos recueillis par Amaury Guillem
Crédit photo Diocèse de Marseille
Extrait du numéro de fevrier 2024 d’Eglise à Marseille
Publié le 19 décembre 2024 dans Avent 3
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