« Une génération de témoins d’espérance est en train de naître »

juan jose omella

En ce mois de mars, le grand pèlerinage d’espérance MED 25 – Bel Espoir a mis les voiles, pour sillonner la Méditerranée, avec 200 jeunes de toutes nationalités, cultures et religions engagés pour la paix [1]. Une odyssée inédite dans l’élan des Rencontres méditerranéennes de 2023 et dont Marseille sera l’étape finale, en octobre prochain. Mais c’est de Barcelone que le Bel Espoir lève l’ancre. C’est pourquoi l’archevêque de la capitale catalane, le cardinal Juan José Omella, était invité à la Chandeleur par le cardinal Jean-Marc Aveline. Entretien.

 Vous êtes venu à Marseille pour participer à la Chandeleur. Qu’en retenez-vous ?

Cette Chandeleur marseillaise, c’est une manifestation très profonde et populaire de la foi. J’ai plongé dans la foi de votre peuple, plein d’amour et de ferveur. En arrivant de l’Estaque vers le Vieux-Port, nous nous sommes arrêtés au beau milieu de la mer, face à la Vierge de la Garde. Les jeunes priaient. Puis, sur le quai, j’ai vu une grande foule, avec des familles, des enfants, des religieux, ils chantaient le Magnificat. C’était merveilleux. Enfin, nous sommes montés en procession jusqu’à Saint Victor, l’esplanade était déjà remplie de monde, la basilique était pleine à craquer, la crypte aussi. J’ai été très touché par cette façon d’exprimer la foi, d’une façon joyeuse et assumée. Contrairement à ce que l’on entend souvent, la foi ne se perd pas, j’en ai été témoin ici. Nous sommes moins nombreux qu’avant ? Peut-être, mais ce qui est important, ce n’est pas le nombre de chrétiens c’est la qualité de notre foi. Si on la vit en profondeur et avec humilité, la semence de la foi demeure et elle porte du fruit.

A Ajaccio, le pape François a récemment rappelé la beauté et l’importance de la piété populaire. A Marseille ou à Barcelone, quel regard portez-vous sur cette façon d’exprimer la foi ?

Notre société occidentale est de plus en plus sécularisée. La religiosité populaire a failli disparaître mais heureusement, elle est en train de renaître. La foi passe toujours par le corps, les images, les expériences vécues : une procession, une prière devant une croix, une statue de la Vierge ou d’un saint. Alors, les questions naissent dans le secret des cœurs : pourquoi suis-je ici ? Quel est le sens de ma vie ? Vers où marché-je ? Parfois, des petites phrases viennent résonner en nous : « Je suis la résurrection et la vie », « Venez à moi, vous qui portez un fardeau, et moi je vous procurerai le repos ». L’Evangile est rempli de paroles de consolation et d’espérance. Nous avons besoin d’écouter cette Parole de Dieu : elle n’est pas un texte écrit, elle est une Personne. Tous les grands saints se sont convertis à l’écoute de la Parole. Aujourd’hui, il faut la faire entendre pour redonner l’espérance.

A Barcelone, les psychiatres s’inquiètent d’un taux très important de suicide parmi les jeunes, car ils ne trouvent plus le sens de leur vie, la lumière pour guider leur pas. Mais je vois aussi beaucoup de jeunes, qui ne sont pas baptisés mais qui viennent ou reviennent à la foi. Ils participent à des rencontres, un week-end de prière, et ils retrouvent goût à la vie. Ils entendent Dieu parler à leur cœur et l’espérance renaît. Dans mon diocèse, des jeunes chrétiens – 45 cette année – sont envoyés en mission dans des paroisses dans lesquelles aucune pastorale n’est proposée pour les jeunes. Ils travaillent ou ils étudient, mais le week-end, ils s’engagent à partir en mission dans cette paroisse à laquelle ils sont envoyés, pour rejoindre les jeunes qui y vivent et les réunir autour de la Parole et des sacrements. Ils ne savent pas encore s’ils seront prêtres, religieux ou religieuses, ou s’ils fonderont une famille, mais ils sont déjà missionnaires et participent à répandre l’espérance.

Qu’est-ce qu’être missionnaire aujourd’hui ?

Autrefois, il fallait partir au bout du monde pour évangéliser. Mais désormais, c’est ici qu’il nous faut annoncer la foi. Elle est un trésor qu’on ne peut pas garder pour soi mais que nous devons partager, avec le même zèle que celui des missionnaires qui donnaient leur vie pour témoigner du Christ. Beaucoup sont partis d’ici après s’être confiés à la Vierge de la Garde, qui nous montre Jésus. Cette attitude nous dit ce qu’est la mission : donner Jésus au monde, avec l’amour de la Vierge Marie. Tous les baptisés, quel que soit leur état de vie, sont appelés à la mission. Et cette responsabilité missionnaire, nous ne devons pas la vivre de façon isolée. On n’est jamais missionnaire tout seul : le Christ nous envoie deux par deux. C’est la communauté qui évangélise. Chaque baptisé est responsable de l’évangélisation, que nous vivons en Eglise.

Vous partagez avec Marseille la dimension méditerranéenne. Quel regard portez-vous sur la mobilisation des Églises de la Méditerranée, dont la rencontre de 70 évêques et 70 jeunes à Marseille en 2023 avait été la troisième étape, après Bari (2020) et Florence (2022) ?

C’est aussi une question de responsabilité : l’Evangile est né sur les rives orientales de la Méditerranée et s’est répandu dans le monde entier à partir de cet espace méditerranéen. La Méditerranée a porté la semence du christianisme : aujourd’hui encore, la mission de témoigner du Christ est confiée d’une façon particulière à ces Église de la Méditerranée, dans un monde qui semble se satisfaire de plus en plus de l’absence de Dieu. Pourtant, beaucoup des valeurs qui l’animent viennent de l’Evangile : l’égalité entre tous les hommes, la valeur du mariage, la dignité de la femme et de toute personne humaine. Il nous incombe de rappeler à nos sociétés que ces valeurs viennent de l’Evangile et que nous faisons fausse route si nous cherchons à les détacher de leurs racines.

Dans quelle mesure l’odyssée MED 25 – Bel Espoir, qui part ce mois-ci de Barcelone, participe-t-elle à cet engagement des Églises pour la mission en Méditerranée ?

Bien évidemment, un bateau qui navigue pendant huit mois ne va pas résoudre tous les problèmes migratoires, climatiques, sociaux ou politico-religieux auxquels la Méditerranée est confrontée. Néanmoins, c’est un signe, un témoignage, une petite semence qu’on jette dans la terre, dans la mer, dans le cœur des gens et en particulier de ces jeunes qui vont vivre l’expérience de la navigation. Cette semence portera du fruit car une génération de témoins d’espérance est en train de naître. Il est possible que des jeunes de toutes nationalités, cultures et religions, vivent ensemble pendant deux semaines sur un bateau, où l’on n’a pas le choix de se parler, d’être à côté les uns des autres, de s’aider, de se réconcilier, d’affronter les tempêtes ensemble. Cette expérience de rencontre fraternelle donne de l’espérance. Ne pourrait-on pas essayer d’envisager ainsi nos sociétés, sans avoir peur les uns des autres ?

Répondre à cette peur qui divise nos sociétés, c’est un des défis majeurs pour l’Eglise ?

A Marseille, le pape François avait dit cette phrase que je garde comme un trésor : « La diversité reconnue, acceptée, valorisée, fait croitre notre identité. » Croyons-nous véritablement au Christ qui fait de nous tous des frères ? Fratelli tutti ! Oui, nous pouvons accueillir l’étranger, celui qui est différent de nous, et nous pouvons vivre avec lui comme un frère. Bien sûr, notre devoir est aussi de faire tout ce qui nous est possible pour que ce frère ne soit pas obligé de quitter son pays à cause de la pauvreté ou de la guerre. C’est souvent en raison de ces drames que les gens quittent leurs terres et cherchent à traverser la Méditerranée, où beaucoup trouvent la mort. Aidons-les là-bas et ceux qui arrivent ici, accueillons-les. Mais l’Eglise doit aussi se mobiliser sur d’autres défis, comme le soutien de la jeunesse car les jeunes sont l’avenir. L’organisation de MED 25, avec des colloques, des festivals et l’expérience de la navigation d’une rive à l’autre est une façon d’encourager la jeunesse dans la construction de la paix. Comme les missionnaires autrefois, ils partent en bateau et nous les confions à Notre-Dame. Et je vois un troisième défi, aussi important que les deux autres : la famille. Si on la détruit, on détruit la société. Aujourd’hui, on essaye de nous montrer différents modèles de familles mais c’est un mensonge. La famille est la cellule de base de la société et l’Eglise doit en prendre soin.

[1] Voir les précédents numéros d’Église à Marseille et sur www.med25belespoir.org

Propos recueillis par Amaury Guillem

Crédit photo DR

Une prière pour les Rencontres méditerranéennes 2025

 Alors que le Bel Espoir largue les amarres en ce mois de juin pour des Rencontres méditerranéennes 2025 sur toutes les rives de la Méditerranée, les fidèles peuvent porter les « pèlerins d’espérance » qui y embarqueront et la construction de la paix par leur prière.

 

Dieu notre Père, source de toute espérance,

Nous voulons accompagner de notre prière les jeunes de la Méditerranée, en particulier ceux qui passeront d’une rive à l’autre sur le Bel Espoir, comme artisans de paix au cours de cette année jubilaire.

Nous te rendons grâce pour leur disponibilité audacieuse au service de la justice et de la paix. Ils veulent se mettre humblement à l’écoute de ton Esprit, dans un esprit de dialogue et d’amitié.  Veille sur chacun d’eux à l’occasion de ces Rencontres méditerranéennes 2025. Nous te prions aussi pour toutes les communautés qui les accueilleront. Que l’hospitalité de chaque ville soit un signe donné au monde que l’Espérance ne déçoit pas. Que ces rencontres servent l’unité de la famille d’Abraham. Qu’elles contribuent à renforcer les liens de fraternité entre nos peuples.

Bénis tous les habitants du pourtour méditerranéen. Soutiens ceux qui se trouvent perdus sur les routes dangereuses de l’exil. Bénis ceux qui viennent au secours des naufragés.

Fais surgir en chacun le tressaillement d’allégresse de la Visitation. Qu’avec la Vierge Marie ces jeunes posent notre monde un regard d’espérance.

Tu nous as donné la Vierge Marie, Étoile de la mer. Elle veille sur chacun de tes enfants, comme elle a veillé sur ton Fils Jésus. Qu’elle prenne tout particulièrement soin des plus petits et des plus pauvres. Qu’elle nous aide, dans sa tendresse, à servir la dignité de toute personne. Qu’elle nous apprenne à marcher ensemble dans l’espérance, elle, notre Bonne Mère à tous ! Amen !

 

A retrouver dans le numéro de mars 2025 d’Eglise à Marseille, pour vous abonner c’est ici.

Publié le 05 mars 2025

Ces articles peuvent vous intéresser

Les veillées de consolation

Présentation des veillées de consolation qui ont lieu un mardi par mois…

Lire l’article →

Les chemins de Bonneveine : « faire paroisse ensemble »

Qu’est-ce que la foi apporte à nos actes ? C’était le fil conducteur…

Lire l’article →

« Que Dieu forge en moi l’apôtre dont il aura besoin »

Charbel Aboukhater fait partie des onze jeunes hommes qui font leur rentrée…

Lire l’article →

en ce moment

à Marseille

Publications
récentes

Plus d’actualités →