Homélie de la solennité du Sacré-Cœur de Jésus – Cardinal Pietro Parolin

Homélie
Solennité du Sacré-Cœur de Jésus
Marseille – Basilique du Sacré-Cœur
(24 juin 2022, 18h30)
Chers frères et sœurs,
Je salue Son excellence Mgr Jean-Marc Aveline, Archevêque de cet Archidiocèse, que je félicite pour sa nomination cardinalice, en l’assurant de ma prière ; Mgr Celestino Migliore, Nonce Apostolique en France, les personnes qui ont célébré le troisième centenaire du Vœu, les prêtres, les religieux et tous les fidèles présents. Chers chrétiens de Marseille, je vous porte, en ce jour de fête, les salutations, la proximité et la Bénédiction du Pape François.
Nous célébrons aujourd’hui le mystère du Cœur ouvert et sanglant du Seigneur qui accomplit la mission que le Père lui a confiée de se donner entièrement pour le salut du monde, vraie source inépuisable d’où découle toute grâce. Ce mystère ineffable trouve son fondement dans le passage évangélique du côté de Jésus crucifié ouvert par la lance du soldat : « Quand ils arrivèrent à Jésus, voyant qu’il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes, mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau » (Jn 19, 33-34).
C’est la croix qui est le signe le plus puissant du Cœur de Jésus et, sur la croix, la blessure du côté, par laquelle – comme l’écrit saint Bernard – « la charité cachée de son cœur se manifeste, le grand mystère de l’amour devient clair, les entrailles de miséricorde de notre Dieu, par lesquelles un soleil qui surgit du haut viendra nous visiter, se montrent (cf. Lc 1, 78) » (Du Discours sur le Cantique des Cantiques).
Mais, à un certain moment de la vie de l’Église, une dévotion particulière est devenue explicite, la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus à laquelle ont contribué mille ruisseaux de sainteté dont on peine à tenir à jour la liste complète : saint Bonaventure, saint Albert le Grand, sainte Gertrude, sainte Catherine de Sienne, saint Pierre Canisius, saint François de Sales, et tant d’autres. Et, à la fin, au 17ème siècle, sainte Marguerite-Marie Alacoque, avec les apparitions de Paray-le-Monial, saint Claude de la Colombière, le Pape Pie XI avec l’encyclique Miserentissimus Redemptor, de 1928.
L’actualité de cette dévotion au Sacré-Cœur de Jésus consiste dans le fait que, utilisant le symbole originaire et synthétique du Cœur, elle concentre l’attention sur la personne du Seigneur et appelle les fidèles à une foi, à un amour et à une intériorité plus radicale, à vivre un christianisme profond et pas simplement sociologique. Elle a été, et est encore, un appel à prendre au sérieux la vie chrétienne, à être des croyants plus conscients et dévots, en impliquant dans les comportements extérieurs le centre le plus intime de notre existence humaine, celui de la volonté et des sentiments qui répondent avec amour à l’amour de Dieu. L’objet de la dévotion au Sacré-Cœur c’est le Seigneur, c’est son amour qui n’abandonne jamais et ne cesse jamais de se donner pour le salut de l’homme et du monde. Nous apprenons de cette manière à participer aux mystères de la vie du Seigneur, à faire un exercice quotidien de foi, d’espérance et de charité, à nous mettre au service de l’Église et des pauvres, à aimer les personnes qui sont à nos côtés, à mettre du cœur dans les choses que nous faisons, à user de miséricorde envers tous et à accepter la vie avec ses souffrances comme Dieu en dispose dans sa sagesse.
Chers frères et sœurs, comme nous le savons, le cœur humain peut se perdre lorsqu’il s’éloigne de la vérité de Dieu, il peut s’enliser dans l’immaturité de l’absence d’amour, dans les illusions de la possession et de la vaine recherche de soi, dans l’appel à la violence. Au contraire, lorsque nous connaissons le Seigneur, nous savons que le critère avec lequel nous serons jugés consiste dans le fait que nous aurons aimé “de tout cœur”. Sur les balances de Dieu, seuls les cœurs sont pesés. Le Seigneur confirme cela aujourd’hui par sa Parole, plus que jamais éclairante. Il s’agit de la célèbre parabole de la “brebis perdue”, adressée à ceux qui murmuraient contre Jésus parce qu’il accueillait les pécheurs et mangeait avec eux. Elle est vraiment l’une des paraboles qui parle le mieux de Dieu ; une parabole de “révélation”, avant d’être une parabole “éthique”. Elle annonce, avec un langage humain, le mystère de l’amour de Dieu qui n’abandonne jamais et qui fait de notre salut un fardeau aimant et précieux. Avant de nous dire ce que nous devons faire, elle nous révèle ce que Dieu fait pour chacun de nous en Jésus-Christ, car chacun est précieux à ses yeux, aimé « d’un amour éternel », comme le disait le Pape Jean-Paul Ier.
La cause de tant d’amour est révélée par les derniers mots de la parabole qui soulignent le thème de la joie, la joie de Dieu, la vie de Dieu que Jésus connaît et veut partager avec nous : « Je vous le dis : C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion ». Le cœur de Dieu est ainsi, la vie de Dieu est ainsi ! Comment est-il possible d’être juste et de ne pas comprendre la joie de Dieu lorsqu’il retrouve un fils perdu ? Les hommes aussi ne font-ils pas l’impossible pour retrouver ce qui leur appartient ? Qui sur terre n’a jamais fait l’expérience douloureuse de perdre quelqu’un ou quelque chose de particulièrement cher, sans qu’il n’aspire à le retrouver ? « Si l’un de vous a cent brebis et qu’il en perd une, n’abandonne-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert pour aller chercher celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il la retrouve » ? La parabole de Jésus touche donc tout le monde, absolument tout le monde.
Du thème de la joie, qui est la racine de la parabole, nous remontons au thème de la nécessité de sortir et d’aller « chercher la brebis perdue, jusqu’à la retrouver ». C’est la « conversion » que le divin protagoniste de la parabole opère à son compte : c’est lui qui sort, qui se déplace, qui cherche, qui s’active comme s’il en avait besoin. Il sait que des brebis se perdent facilement, des brebis qui, par elles-mêmes, ne parviendraient pas à retrouver leur chemin. Seule la « conversion du berger » peut déclencher en elles le désir du retour. Seul l’amour du berger peut susciter un désir, une confiance, une force de changement.
Et enfin, le thème de la prise en charge : « Il la prend sur ses épaules, tout joyeux », et il la ramène à la maison en pensant, non pas à la fatigue, mais à l’occasion de se réjouir – au sens large, communautairement – pour avoir « retrouvé sa brebis, celle qui était perdue ! » ; parce que celui qui a été trouvé par le Seigneur ne sera pas à jamais perdu. Il est intéressant de noter une observation psychologique particulière que Luc ajoute par rapport à Matthieu. Pour Matthieu, c’est la brebis qui « s’est égarée » alors que chez Luc c’est l’homme qui « l’a perdue ». Cela signifie que peu importe la cause qui est à blâmer. L’important est que Dieu agisse toujours comme si la responsabilité décisive de chercher, de trouver et de remédier Lui revenait. Même si c’est la brebis qui s’est égarée, même si ce sont ses erreurs qui l’ont égarée, cela ne change pas l’attitude de Dieu à son égard. Comme l’écrit Paul aux Romains, « la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs ».
Frères et sœurs, le service des pauvres (au sens matériel comme au sens spirituel) est un élément fondamental de l’histoire et de la sainteté de l’Église à Marseille. Mais il n’est pas inutile de nous demander – en premier lieu nous qui sommes ici, aujourd’hui – si nous sommes prêts à raviver notre agir à la lumière de l’expérience de la miséricorde divine, et si cela nous passionne vraiment. Renouvelons aujourd’hui cette vocation et cette passion, en nous rappelant qu’il ne suffit pas de savoir théoriquement que quelqu’un ou quelque chose peut être perdu, il faut sortir de la bergerie ; il ne suffit pas de sortir de la bergerie, il faut chercher ; il ne suffit pas de chercher, il faut trouver; il ne suffit pas de trouver, il faut prendre en charge. C’est seulement ainsi que l’amour des chrétiens peut devenir un témoignage crédible aux yeux de ceux qui attendent, peut-être inconsciemment, un signe du Ciel pour résoudre ce qui peut parfois apparaître comme l’énigme de leur vie. Est-ce que vous, les jeunes, partagez d’une manière spéciale la passion de Dieu pour le salut du monde ? Que pouvez-vous faire de plus et de mieux pour « réparer » le monde ? Que pouvez-vous faire de plus et de mieux pour que les personnes, surtout vos camarades, désirent connaître le Seigneur et son Évangile et « se réjouir avec Lui, pour toute brebis perdue et retrouvée ? ».
Je souhaite de tout cœur, à chacun et à la ville de Marseille, que cette joie divine soit le fondement d’une belle et nouvelle vie.
Amen.
Cardinal Pietro Parolin
Téléchargez l’homélie au format PDF : Homélie Cardinal Parolin Sacré-Coeur
Publié le 28 juin 2022
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