Des papes à Marseille !

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L’invitation adressée par Mgr Aveline au pape François de venir à Marseille nous a conduit à retracer l’histoire de la venue des papes dans notre ville : non seulement des papes ont eu l’occasion de venir dans la cité phocéenne mais l’un d’entre eux y a même eu son tombeau !

Le bienheureux Urbain V, l’« abbé de Marseille » devenu pape

Certes, Innocent IV, pape de 1243 à 1254 n’a fait que s’embarquer à Marseille en mai 1251 pour retourner en Italie. Mais s’il est un pape qui a marqué jusqu’à aujourd’hui le paysage de Marseille, c’est bien Urbain V. Guillaume de Grimoard, né vers 1310 au château de Grizac (commune du Pont-de-Montvert, Lozère) eut pour parrain Elzéar de Sabran, qu’il proclama saint en 1369. Entré dans l’ordre des bénédictins, il fut nommé par Innocent VI, son prédécesseur, abbé de Saint-Victor en 1361. Il accomplissait un séjour diplomatique à Naples lorsqu’il fut élu pape le 23 septembre 1362. Il atteignit Marseille le 27 octobre et fut sacré à Avignon le 6 novembre. Des bandes armées de mercenaires démobilisées par les trêves de la Guerre de cent ans pillaient et rançonnaient Provence et Languedoc. Urbain V fit renforcer dès janvier 1363 les fortifications de l’abbaye Saint-Victor, donnant à l’église sa silhouette actuelle. Il fit voûter son transept, qu’il prolongea par la « tour d’Urbain V » et construisit l’actuel chevet. En mai 1365, il vint le bénir et consacra un nouveau maître-autel, aujourd’hui disparu. Le pape n’avait cessé de se montrer bienveillant à l’égard de Marseille et de ses habitants, il avait notamment prêté de l’argent pour le curage du port. Il y fut reçu à cette occasion si l’on en croit le poète Pétrarque « comme Dieu lui-même ». 

Il voulut rétablir à Rome le siège de la papauté. Il fit une entrée solennelle dans Marseille où il séjourna vingt jours. Le 4 mai 1367, il embarquait sur une galère vénitienne qui le conduisit jusqu’à Pise, d’où il arriva le 16 octobre à Rome. La reine Jeanne de Naples, comtesse de Provence, vint le visiter et il lui offrit une rose d’or pontificale, ce qui était sans précédent pour une femme. On s’en étonna et il aurait déclaré : « On n’a jamais vu non plus l’abbé de Marseille devenir pape ». Mais la situation italienne, complexe et très tendue, ne lui permit guère d’y rester. Le 16 septembre, il débarqua à Marseille et regagna Avignon où il mourut. Il y fut enterré mais il avait souhaité reposer à Saint-Victor. Ses restes y furent transférés en 1372 dans un tombeau gothique établi dans le chœur. Les pèlerins s’y pressèrent. Entre 1376 et 1378, on enregistra 380 présomptions de miracles attribués à son intercession.

En 1751, l’abbaye fut sécularisée et devint une collégiale. Les chanoines décidèrent de modifier les stalles du chœur. Le dossier de leur nouvel aménagement cachait le tombeau d’Urbain V. Ils déterrèrent alors son cercueil, dans le projet d’édifier un nouveau monument. La Révolution survint et on perdit dès lors sa trace. Le tombeau médiéval a disparu au point qu’aucune de ses sculptures ne nous est parvenue. Seul l’enfeu qui le renfermait est encore visible. En 1980, le moulage du gisant du cénotaphe (tombeau vide)  d’Urbain V à Avignon y a été placé. Urbain V a été béatifié en 1870 par Pie IX. Son office est dans le propre de notre diocèse.

 

Grégoire XI et son séjour marseillais

Son successeur, Pierre Roger de Beaufort, né vers 1330 ou 1338 à Rosiers d’Égletons (Corrèze), prit le nom de Grégoire XI. Il décida de transférer à Rome son siège et sa cour. Il séjourna à Marseille douze jours avant de s’embarquer. « La ville le traita splendidement (…) on le régala de poisson en si grande quantité qu’il semblait qu’on eût épuisé la mer de ce qu’elle avait de plus rare » (A. de Ruffi). Il mourut à Rome le 27 mars 1378.

 

Le passage de Clément VII

Son successeur Urbain VI (1378-1389) fut élu sous la pression des Romains exigeant un pape italien. Les cardinaux se réunirent à nouveau et élirent Robert de Genève, qui devint Clément VII (1378-1394). Il passa par Marseille pour gagner Avignon en 1379. Ce fut le début du Grand schisme d’Occident.

 

Un refuge pour Benoît XIII

Marseille a été aussi en 1403, 1404 et 1406-1407 le refuge du dernier pape d’Avignon, Pedro Martínez de Luna, né en 1324, élu en 1394. Il prit le nom de Benoît XIII. Il s’était engagé à démissionner si le pape élu à Rome faisait de même, il s’engagea à le rencontrer par le « traité de Marseille » (21 avril 1407) mais son rival Grégoire XII se déroba. En 1409, le concile de Pise déposa à la fois les deux papes et élut Alexandre V (1409-1410). Mais Benoît XIII ne voulut pas se soumettre. Il s’enferma en 1415 dans son château de Peñíscola, au royaume de Valence. En 1417, le concile de Constance prononça à nouveau sa déposition. Il estima être le seul pape légitime jusqu’à sa mort à Peñiscola en 1423.

En leur temps, ces deux papes avignonnais ont été considérés par les Marseillais comme de vrais papes. Mais l’Église n’a retenu que les papes qui furent élus à Rome et étaient italiens. 

 

Clément VII de Médicis, l’autre abbé de Saint-Victor

Jules de Médicis, né à Florence le 26 mai 1478, devint en 1517 abbé commendataire de Saint-Victor. Il accéda au pontificat sous le nom de Clément VII – il reprit ce nom pour marquer l’illégitimité du premier. Il régna du 19 novembre 1523 au 24 septembre 1534.  Il vint à Marseille en 1533 pour le mariage du futur Henri II avec sa nièce Catherine de Médicis qui fut marqué par de grandes fêtes.

 

De futurs papes

Avec Clément VII s’achève la liste des papes qui ont foulé jusqu’ici le sol phocéen. Cependant des prêtres ou évêques qui deviendront papes sont venus à Marseille à l’époque contemporaine. Les futurs Pie IX en 1823, Léon XIII en 1843, Benoît XV en 1913, Pie XI en 1893, Jean XXIII en 1905 et lorsqu’il était nonce, Paul VI en 1934, Jean-Paul II, alors jeune prêtre, en 1947.

Lorsque François viendra à Marseille, peut-être trouvera-t-il le temps d’aller dans la basilique Saint-Victor se recueillir devant l’emplacement du tombeau de son prédécesseur…

 

Benoît IX n’est pas venu à Marseille

Benoît IX est un pape au pontificat compliqué, lié aux luttes entre grandes familles romaines pour s’emparer de la papauté. Monté sur le trône adolescent et encore laïc, il a régné de 1032 à 1044, quelques mois en 1045 et de 1047 à 1048. Il serait venu à Marseille le 15 octobre 1040 pour consacrer, entouré des vingt-trois évêques provençaux, la nouvelle église de Saint-Victor, édifiée par l’abbé Isarn, qui précéda l’actuelle. C’est du moins ce qu’affirme une charte qui a été en particulier reprise dans l’Antiquité de l’Église de Marseille, la grande histoire diocésaine publiée par Henri de Belsunce en 1747-1751. Pourtant l’authenticité de cet acte avait été dès 1660 pertinemment mise en doute par l’érudit Jean de Launoy. Il est désormais considéré comme une forgerie (un faux) rédigé ultérieurement dans le but de faire croire que les privilèges du monastère qui y sont énumérés avaient reçu une confirmation pontificale. Il n’y a guère lieu de le regretter : Benoît IX est considéré, par ses mœurs dissolus, comme « un malheur pour la chaire de Saint-Pierre ». 

 


Article de Régis Bertrand publié dans Église à Marseille

Publié le 12 mai 2023 dans

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