Hommage aux marins pompiers victimes du devoir

Notre-Dame de la Garde, vendredi 5 mai 2023
Une nouvelle fois, chers amis, nous nous retrouvons ce matin dans ce sanctuaire de Notre-Dame de la Garde, si cher à tous les Marseillais, pour rendre hommage aux marins pompiers qui ont été victimes du devoir. Nous pensons à eux, à leurs familles, à leurs enfants, à tous ceux que leurs morts affectent. Bien sûr, votre devise proclame : « s’il y a des vies qui vous sont chères, pour nous elles le sont toutes », et nous vous sommes grandement reconnaissants, en vous voyant agir, parce que nous percevons que ce ne sont pas que des mots, mais que pour vous, vraiment, toute vie compte. Mais ce matin, ce sont les vies de vos collègues, les vôtres, que nous venons placer sous la protection de la Bonne Mère. Elle vous a si souvent protégés, vous qui êtes « fiers de protéger Marseille » !
Qui donc est-elle, cette Vierge de la Garde que nous aimons tant et qui, comme on le chante souvent, est bien « la sauvegarde de tous ses enfants » ? Le texte d’Évangile que nous avons entendu tout à l’heure nous renseigne quelque peu. Elle habitait Nazareth, un gros bourg des alentours du lac de Tibériade, dans la région de la Galilée, aujourd’hui en territoire israélien mais à son époque, sous l’occupation de l’Empire romain. Elle n’avait pas encore vingt ans et vivait tranquillement. Rien ne la distinguait des autres jeunes filles de Nazareth. Elle était fiancée à un homme qui s’appelait Joseph, et ils s’aimaient tendrement, lorsqu’un événement inattendu a bouleversé leurs vies : un ange de Dieu est venu annoncer à Marie qu’elle allait enfanter sous l’action de l’Esprit Saint, pour permettre à Dieu de venir habiter parmi nous, de devenir un homme et de partager l’existence humaine, en toutes choses excepté le péché, afin d’ouvrir à l’humanité le chemin de la vie éternelle, le chemin du salut, par-delà la barrière de la mort.
La jeune Marie n’a pas tout compris, mais elle fait confiance. Elle s’inquiète sans doute de la réaction de Joseph. Mais l’ange de Dieu va aussi avertir Joseph, en lui demandant de ne pas avoir peur de prendre chez lui Marie, d’en faire son épouse, de s’occuper d’elle et de l’enfant. Et Joseph, qui était un homme juste, accepte sans tout comprendre lui non plus, si ce n’est que Dieu, qui avait besoin qu’on lui offre l’hospitalité sur la terre, les avait choisis eux, ce jeune couple qui n’avait rien demandé, mais dont la foi était grande. « Voilà c’que c’est, mon vieux Joseph, chantera plus tard Georges Moustaki, que d’avoir pris la plus jolie, parmi les filles de Galilée, celle que l’on appelait Marie » !
Pour aider Marie à entrer dans son rôle de Mère du Fils de Dieu, l’ange lui a glissé à l’oreille, juste avant de la quitter, que sa cousine Élisabeth, bien plus âgée qu’elle et qui était stérile, venait, elle aussi, de concevoir un fils et qu’elle en était à son sixième mois. Marie comprend qu’il y a au moins une chose simple et concrète dans tout cela : c’est que sa vieille cousine est enceinte, qu’elle habite dans la montagne et qu’elle a besoin d’aide. Çà au moins, c’est clair ! Alors, nous dit le texte qu’on a lu tout à l’heure, Marie, dès que l’ange eut fini de parler, se lève et part « avec empressement » porter secours à sa cousine. On croirait presque qu’elle a fait l’École des Marins-Pompiers de Marseille et qu’elle sait d’expérience que chaque minute compte et qu’il faut faire en sorte d’être « sur zone » le plus rapidement possible !
Quand elle arrive « sur zone », c’est-à-dire chez sa cousine Élisabeth, au bout d’un certain temps (car j’imagine que son âne n’avait pas de gyrophare et qu’il allait moins vite que vos véhicules de secours d’urgence), Marie comprend qu’il ne s’agit pas d’un sauvetage, mais bien du salut, car il n’y a personne en danger de mort, mais Élisabeth l’aide à comprendre que l’enfant qu’elle porte sauvera le monde. C’est d’ailleurs ce que signifie, en hébreu, le nom de Jésus, Ieshoua : « Dieu sauve ». Alors Marie, méditant tout cela en son cœur, consent, non seulement à mettre au monde ce Fils qui déjà la dépasse, mais aussi à l’accompagner dans sa mission, même lorsqu’il sera rejeté, condamné et mis à mort. De la crèche à la croix, Marie ne l’abandonnera jamais. Et maintenant qu’il a vaincu la mort, elle ne cesse de proposer à chaque être humain la force de cet amour qui a sauvé le monde. C’est ce qu’exprime la statue, qui trône au-dessus de notre Basilique, où Marie présente à Marseille son enfant Jésus.
Telle est l’histoire de Marie, chers amis. Les disciples de Jésus, qu’on appelle « chrétiens » parce qu’ils croient que Jésus est le Christ, c’est-à-dire le Messie, c’est-à-dire le Sauveur, ont depuis toujours vénéré la Vierge Marie comme leur protectrice, leur guide, leur « Bonne Mère », comme on dit à Marseille. Et Marie a pris soin de son Jésus. Elle a veillé sur lui avec amour. Et à travers lui, elle veille sur toutes les vies humaines. On peut dire qu’à elle aussi, comme à vous, chers amis du Bataillon, toutes les vies lui sont devenues chères.
L’autre soir, quand vous, Amiral, avec le Maire de Marseille, après le recueillement si profond que nous venions de vivre à l’église Saint-Michel, m’avez emmené rue de Tivoli, dans ce périmètre de sécurité où régnait un silence de cathédrale, j’ai été profondément ému par ce mélange de gravité et d’humanité, de technicité et de délicatesse, d’audace et de prudence. En voyant ces hommes et ces femmes retirer à la main chaque gravats entre deux exercices de la pelle mécanique, et surtout quand j’ai compris que des corps, ou des morceaux de corps, étaient peu à peu retrouvés et recueillis avec respect, j’ai pensé à chacun et chacune d’entre vous, à votre métier, qui est bien plus qu’un métier, et, dans le silence de mon cœur, j’ai prié pour vous, vous confiant tous, ainsi que vos proches, à la tendresse de Notre-Dame. Ce matin, nous nous recueillons, chacun selon sa foi, sa religion ou ses convictions, pour toutes les victimes de ce drame, les huit qui ont perdu la vie et tous celles et ceux dont l’existence désormais, restera bouleversée par cette explosion meurtrière. Nous prions pour que chacun garde l’espérance.
Quand Marie arriva chez sa cousine Élisabeth, elle comprit peu à peu que ce qui lui arrivait avait quelque chose à voir avec l’espérance de l’humanité tout entière. Alors, du plus profond de ses entrailles, jaillirent des mots d’action de grâce, un Magnificat qui déjà annonçait l’Évangile de la bonté et de la miséricorde de Dieu, son amour de prédilection pour les pauvres et les petits, son souci de la dignité de toute personne humaine, lui qui « renverse les puissants de leurs trônes et élève les humbles », lui qui, toujours, « se souvient de son amour ».
Que Notre-Dame de la Garde veille sur vous et, qu’avec vous, elle protège tous ceux à qui vous portez secours ! Qu’elle soutienne votre action et fortifie votre espérance. Soyez sûrs de ma profonde reconnaissance et de ma prière.
Amen !
+ Jean-Marc Aveline
Archevêque de Marseille
Publié le 05 mai 2023 dans A la une, Homélies de Mgr Jean-Marc Aveline
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