Solennité de la Dédicace de la cathédrale de La Major

Solennité de la Dédicace
Cathédrale Sainte-Marie-Majeure, samedi 6 mai 2023
Ce matin, chers amis, nous avons au moins trois motifs d’action de grâces. D’abord, nous célébrons la solennité de la Dédicace de notre Cathédrale, ensuite nous fêtons le bicentenaire de la restauration de notre diocèse, et enfin, nous rendons grâce à Dieu pour le soin qu’il prend de notre Église aujourd’hui en accompagnant, par son Esprit, chacune des pierres vivantes que nous sommes et par lesquelles, ce matin, nous formons un même corps.
D’abord, la Dédicace. C’était le jeudi 6 mai 1897. Mgr Louis Robert, évêque de Marseille, avait choisi cette date pour consacrer la nouvelle cathédrale, parce que c’était aussi le jour anniversaire (et même le jubilé) de sa nomination épiscopale par le Pape Pie IX, vingt-cinq ans plus tôt. Permettez-moi d’ajouter qu’il avait été pendant six ans évêque de Constantine, en Algérie, avant d’être nommé à Marseille en 1878 ! Vous comprenez que j’y sois sensible ! Quand il arriva à Marseille, cette grandiose cathédrale était encore en chantier. Louis-Napoléon Bonaparte en avait posé la première pierre le 26 septembre 1852, avec la bénédiction de Mgr Eugène de Mazenod, alors évêque de Marseille, et trois architectes s’étaient succédé pour en réaliser le chantier : Léon Vaudoyer, Henri Espérandieu et Henry Révoil. Le bâtiment avait été livré pour le service du culte le 30 novembre 1893 et l’on attendait l’occasion favorable pour le consacrer en célébrant solennellement la fête de sa dédicace. Ce qui fut fait le 6 mai 1897, il y a donc, aujourd’hui même, cent-vingt-six ans !
Le cœur de la fête de la dédicace, c’est la célébration de l’eucharistie. « Pas de dédicace sans la messe, qui en constitue non seulement l’élément essentiel, mais qui primitivement en est souvent le seul acte. Durant longtemps, la plupart des édifices de culte urbains de Rome ne furent dédiés à aucun saint ; encore au temps de saint Grégoire le Grand, des églises sont inaugurées sans reliques : c’est la célébration de l’eucharistie qui les consacrait » (A. G. Martimort).
C’est la raison pour laquelle il est très important que nous puissions, en ce jour, célébrer ensemble l’eucharistie dans notre cathédrale. Nous sommes là, porteurs « des joies et des espoirs, des tristesses et des angoisses » du peuple qui habite notre diocèse, « des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, car il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho » dans le cœur des disciples du Christ. Comme l’écrivirent nos pères au concile Vatican II : « [la] communauté [chrétienne] s’édifie avec des hommes, rassemblés par le Christ, conduits par l’Esprit Saint dans leur marche vers le Royaume du Père, et porteurs d’un message de salut qu’il leur faut proposer à tous. La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire » (Gaudium et spes n°1).
Une cathédrale, c’est beau ; mais les pierres vivantes que nous formons, avec la mosaïque de nos histoires et de nos cultures, c’est encore plus beau ! Un édifice grandiose et richement orné, comme notre Major, c’est beau ; mais un peuple qui célèbre et qui prie, dans la diversité de ses ministères, de ses charismes, de ses missions, c’est encore plus beau ! Pendant la période du confinement, et précisément parce que nous en étions privés, privés de ministres ou privés d’assemblées, nous avons mieux réalisé que la célébration de l’eucharistie est l’affaire de tous, pas seulement des prêtres. « Il y a un point où il n’y a pas de distinction entre prêtre et fidèle, c’est lorsqu’il s’agit de prendre part aux saints mystères, car nous sommes tous jugés dignes des mêmes privilèges », disait déjà, à la fin du IVe siècle, saint Jean Chrysostome, dans un texte que le Propre de l’Église de Marseille nous fait lire aujourd’hui. Et il continuait : « Quand il faut recevoir et donner le baiser de paix, tous ensemble, nous nous embrassons. Pendant les saints mystères, le prêtre prie pour le peuple, le peuple prie pour le prêtre. Les paroles “ avec ton esprit” ne signifient pas autre chose. […] Je vous ai dit cela pour que chaque fidèle soit attentif, pour que nous sachions que nous formons tous un seul corps, […] pour que nous ne rejetions pas sur les prêtres seuls la responsabilité de l’Église, mais que, nous aussi, nous ayons la préoccupation de l’Église tout entière comme de notre corps à tous » (Homélie XVIII, 3, sur la Deuxième lettre aux Corinthiens, vers 395).
Église de Marseille, ta cathédrale n’est pas qu’un bâtiment : elle est un appel à la communion et à la mission. Aujourd’hui, et c’est notre deuxième motif d’action de grâces, nous fêtons le bicentenaire de la restauration de notre diocèse. En effet, la signature du Concordat en 1801, en obligeant à ne plus compter qu’un diocèse par département, avait entraîné la suppression de nombreux évêchés, parmi lesquels celui de Marseille, dont le territoire fut rattaché au diocèse d’Aix, celui-ci étant étendu à tout le département des Bouches-du-Rhône, sous la conduite de Mgr Jérôme-Marie Champion de Cicé.
Après la mort de Mgr de Cicé, notre diocèse fut administré successivement par plusieurs évêques, dont l’un fut Mgr Miollis, évêque de Digne depuis 1806 et que Victor Hugo a immortalisé dans Les Misérables sous les traits de Mgr Myriel. Il vint à Marseille en 1918 où il célébra de nombreuses confirmations à Notre-Dame du Mont, à Saint-Ferréol, à Saint-Théodore et, les jours suivants, aux Aygalades et à Mazargues. Mais la situation restait insatisfaisante. Cet état de choses dura plus de vingt ans, et le siège épiscopal de Marseille ne fut rétabli qu’en 1823, bien que cela fût décidé dès 1816. Mgr Fortuné de Mazenod fut alors nommé évêque de Marseille. Il eut à aider notre Église à traverser les passions politiques de la Révolution de 1830, puis à affronter les cruelles épidémies de choléra qui décimèrent notre ville en 1834, 1835 et 1837. Pour rendre la confiance au peuple affligé, il renouvela des prières, sur les lieux mêmes où son prédécesseur, Mgr de Belsunce, avait consacré Marseille au Sacré-Cœur le 1er novembre 1720.
En avril 1837, son neveu lui succéda, après avoir été son vicaire général. Saint Eugène de Mazenod, qui fut donc le grand artisan de la construction de la nouvelle Major, a travaillé inlassablement, non seulement à édifier des lieux de culte et de communion dans la ville et dans tout le diocèse, mais aussi à former des missionnaires qui partirent dans le monde entier annoncer l’Évangile du Christ. Sa devise épiscopale, « Pauperes evangelizantur (pour que la bonne nouvelle soit annoncée aux pauvres) », n’a pas fini de résonner à nos oreilles en ces temps de crise sanitaire, économique et sociale. C’est pour que l’Évangile soit annoncé aux pauvres que doit nous dévorer le « zèle pour la maison du Seigneur », comme Jésus voulait le manifester avec force en chassant les marchands hors du Temple de Jérusalem.
Oui, frères et sœurs, rendons grâces à Dieu pour le soin qu’il prend de son Église aujourd’hui encore (c’est le troisième motif de notre action de grâce ce matin). Si nous laissons le Christ chasser les marchandages intérieurs par lesquels nous refusons de nous donner à lui et de lui faire confiance en toutes choses, alors, soyons-en sûrs, nous n’aurons rien à craindre. Si nous cessons de faire du trafic avec les choses de Dieu, les utilisant sournoisement pour couvrir des injustices ou justifier des abus, mais que nous accueillons humblement sa Parole pour qu’elle prenne chair dans le réel de nos vies, sans en faire l’alibi de nos bonnes consciences, alors la route ne sera peut-être pas sans embûche, mais nous saurons en qui nous avons réellement mis notre confiance, et nous savons déjà que nous ne serons pas déçus ! Revenons donc à la source de notre foi. Sous cette immense cathédrale, à peu près à l’angle de la nef et du transept nord, se trouvait l’ancien baptistère construit au Ve siècle. Il fut découvert lorsqu’on fouilla le sol pour construire cet édifice, en ayant rasé la majeure partie des constructions qui constituaient, avec la Vieille Major, le groupe épiscopal. C’est dire qu’en ce lieu, depuis les origines de notre vie diocésaine, les chrétiens se réunissent pour prier le Seigneur, écouter sa Parole et partager son pain.
L’Esprit Saint, nous le croyons, n’agit pas moins aujourd’hui qu’hier. Mais notre cœur saura-t-il être une maison accueillante, dédicacée, dédiée, consacrée à la louange de Dieu et au service des pauvres ? Pour nous aider à vivre cette dédicace intérieure, je vous invite, chaque fois que nous passerons devant ou sous la Cathédrale, entrevue entre deux tunnels routiers, à nous souvenir qu’elle s’appelle la Major, c’est-à-dire qu’elle est dédiée à Sainte-Marie-Majeure, la Vierge de l’Assomption, l’humble servante du Seigneur élevée jusqu’aux cieux, celle qui, par sa foi et par son amour, a fait de son cœur la plus belle des Cathédrales, la demeure de Dieu parmi les hommes, lui qui « renverse les puissants et élève les humbles », pour que l’Évangile du salut soit annoncé aux pauvres.
Amen !
+ Jean-Marc Aveline
Archevêque de Marseille
Publié le 06 mai 2023 dans Homélies de Mgr Jean-Marc Aveline
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